Complément circonstanciel (2)
Dans la phrase ci-dessous, quels sont les compléments circonstanciels (C.C) ?
« Pendant que nous mangions, il a fait mettre le bateau en mer, et, se voyant éloigné du port, il l’a fait mettre dans un esquif. »
Je vois le C.C de temps : « Pendant que nous mangions » .
Est-ce que « se voyant éloigné du port » est C.C de manière ?
Je pense que Pendant que nous mangions ne fait pas débat, il s’agit bien d’une proposition subordonnée conjonctive complément circonstanciel de temps.
Pour ce qui est de se voyant éloigné du port, je ne partage pas – au moins en partie – l’analyse de Tara : dans la mesure où le « sujet » du participe présent (se voyant) est identique à celui de la principale, ce groupe de mot ne peut en principe pas être analysé comme une proposition qui est censée avoir son sujet propre, différent de celui de la principale.
Quant à la fonction de ce groupe, pour certains se voyant éloigné du port, qui est une expansion détachée du pronom il, sera dit en fonction d’apposition, d’autres – qui ne considèrent pas l’apposition comme une fonction, mais comme une construction – y verront effectivement un complément circonstanciel de cause. On retrouve d’ailleurs cette valeur causale dans la proposition relative :
Le capitaine, qui se voyait éloigné du port, m’a fait mettre dans un esquif.
Pour ce qui est de en mer et dans un esquif, je vous rejoins, il s’agit de compléments essentiels du verbe mettre : mettre qq’un / qq chose quelque part. Les deux compléments sont en effet obligatoires pour que le verbe acquiert son plein sens (quant à leur nature, ce seraient plutôt des syntagmes prépositionnels).
Pendant que nous mangions, il a fait mettre le bateau en mer, et, se voyant éloigné du port, il l’a fait mettre dans un esquif.
Pendant que nous mangions : CC de temps (nature : proposition conjonctive)
en mer : CC de lieu (nature : GN)
se voyant éloigné du port : CC de cause (= parce qu’il se voyait éloigné du port) (nature proposition participiale)
dans un esquif : CC de lieu (nature : GN)
Tara, « en mer » n’est pas un complément essentiel, en l’occurrence COI ici ? On ne peut pas le supprimer : « il a fait mettre le bateau », ça ne marche pas.
De même pour « dans un esquif » : un esquif n’est pas COD. Complément essentiel car on ne peut pas le supprimer.
À la vieille école, on ne s’encombrait pas de distinguer les compléments essentiels des compléments circonstanciels, d’autant que la fonction dans le cas présent est invariante : elle caractérise l’endroit, les circonstances de lieu.
Molière aurait dit « Pendant que nous mangions, il a fait mettre le bateau en mer, et, se voyant éloigné du port, il m‘a fait déposer dans un esquif. » que le sens n’en aurait pas été changé. Pourtant, il aurait alors pu supprimer le complément dans l’esquif que la syntaxe aurait été correcte, mais le sens aurait été tout aussi incomplet qu’avec le verbe mettre seul.
En réalité, du point de vue des auteurs de ce type de phrase, au moment de la conception de l’idée, ce ne sont pas ces verbes particuliers qui obligent à un complément dit essentiel, mais ce sont les compléments, en raison de leur valeur informative, qui autorisent l’emploi d’un verbe faible.
Très intéressant Bruno !
Soit on parle de compléments essentiels et de compléments non essentiels (linguistique) soit de compléments circonstanciels (grammaire trad.) Mais, mélanger les deux comme le font beaucoup de manuels scolaires) est périlleux.
Ici la question était : Dans la phrase ci-dessous, quels sont les compléments circonstanciels ? et j’ai tenté de répondre à la question et volontairement sans basculer sur cette notion de essentiel ou non essentiel.
Désolée Alain, (vous allez finir par me détester…) mais encore une fois certaines maladresses dans cette phrase nous empêchent d’en saisir le sens réel.
_ « mettre le bateau en mer » ne se dit pas.
La tournure appropriée est « mettre / remettre le bateau à flot« , qui signifie le mettre / remettre à l’eau.
Ou alors, s’il est amarré au port, on dira « il est parti en mer / Il a pris la mer avec son bateau« .
_ « il l’a fait mettre dans un esquif » : avec cette tournure, on croit comprendre que c’est le bateau que l’homme a fait mettre dans un esquif, ce qui n’a pas de sens.
Je crois comprendre ceci :
Pendant que nous dînions, il a fait mettre le bateau à flot / il est parti en mer avec le bateau / il a levé l’ancre et a pris la mer, puis, se voyant suffisamment loin du port, il a fait mettre « l’enfant / la malette / … » dans un esquif.
Tout comme Tara je dirais que « se voyant suffisamment loin du port » est un groupe nominal CC de cause.
Bonjour Cathy, il s’agit d’un extrait des « Fourberies de Scapin » de Molière.
Ah, merci Alain, je comprends mieux pourquoi ces tournures me semblaient si étranges et alambiquées ! La langue française a quelque peu évolué depuis le XVIIe siècle, fort heureusement, et dans le langage moderne ces tournures sont désormais tombées en désuétude ou considérées comme fautives.
Mais effectivement, les phrases que vous nous donnez ne sont pas non plus très fidèles au texte initial, et notamment « il M‘a fait mettre dans un esquif » où l’on comprend mieux le sens…