Comment choisir entre « continuer à » et « continuer de » ?
Je ne sais jamais comment choisir entre « continuer à » et « continuer de ». Pouvez-vous m’aider ?
Bonjour,
Il existe une légère nuance de sens entre les deux constructions.
En théorie :
Continuer à signifie « prolonger une action commencée » ou « persister à être dans un état » :
« Continuez à travailler ainsi pendant six mois et vous serez prêt pour le baccalauréat ».
« Malgré tous les soins, le malade continue à se sentir fatigué ».
Continuer de signifie « faire une action / être dans un état sans qu’il y ait d’interruption, sur une période donnée » :
» Ils ont continué de l’aider jusqu’à la fin de leur vie. »
En pratique :
En général, on choisit l’une des constructions pour des raisons d’euphonie.
Continuer de permet d’éviter l’hiatus : « Il continua d’aller mieux. » On évitera « Il continua à aller mieux ».
Inversement, on emploiera continuer à devant un verbe commençant par de- : « Ils continuaient à deviser joyeusement (plutôt que « Ils continuaient de deviser joyeusement »).
J’espère que mes explications ne sont pas trop confuses.
Bonne lecture.
Émeline
(mes sources : Le Dictionnaire Larousse et Dictionnaire des pièges et difficultés de la langue française-Bordas)
Le Dictionnaire des pièges et difficultés de la langue française (Bordas) et le TLFi ayant déjà été cités, j’y vais de ma petite contribution. Cela me permettra également de répondre à Cathy Levy au sujet de « commencer de ».
Le bon usage, au paragraphe 907, dresse la liste des verbes « construisant d’habitude l’infinitif avec à ». Continuer y est mentionné, mais des précisions sont données un peu plus loin.
« Continuer de est plus fréquent encore que commencer de dans la langue écrite, même non littéraire, et le choix est donc plus libre encore : Elle continue D’exister (Code civil, art. 694). — Il continua DE galoper vers la cantinière (STENDHAL, Chartr., III). […] »
Dans l’ouvrage La préposition (Grevisse, 6e édition revue par I. M. Kalinowska), le nota bene de l’entrée « Continuer » nous dit ceci :
« Les deux constructions sont également correctes, même si “continuer de” semble d’un usage plus fréquent dans la langue écrite. »
On nous renvoie d’autre part au § 904 du BU, dont je cite un extrait :
« Un nombre assez considérable de verbes présentent plusieurs constructions différentes pour l’infinitif qui leur sert de complément essentiel.
[…] Des grammairiens ont essayé de découvrir des nuances sémantiques pour d’autres verbes : par ex., entre commencer à et commencer de, continuer à et continuer de (§ 907) ; entre s’efforcer de et s’efforcer à, tâcher de et tâcher à (§ 906). Il est assez naturel que des écrivains sentent des différences, mais celles-ci ne sauraient être considérées comme générales et constantes. Le plus souvent, c’est l’usage écrit, surtout littéraire, qui a d’autres possibilités que la langue commune et qui, en particulier, maintient plus ou moins en vie des tours classiques ; en outre, la préposition de a l’avantage, pour les auteurs qui ont l’oreille délicate, d’éviter les hiatus qu’amène la préposition à (Il continua à apporter). »
Pour finir, et pour rebondir sur « commencer de », voici ce qu’indique Grevisse :
« Commencer de est très fréquent dans la langue écrite, au point que l’on peut considérer qu’elle a le libre choix, du moins quand ce verbe est au passé [R8] […] »
La remarque associée explique enfin :
« Sur les 60 ex. de de que nous avons notés, commencer est seulement trois fois à l’indic. prés., et le de paraît alors plus affecté : Le simiesque commence DE se tempérer pour annoncer l’humain (J. ROSTAND, Pens. d’un biol., p. 86). »
J’aime beaucoup la réponse d’Emeline. Je ne peux pas voter pour elle parce que je n’ai pas encore assez de points pour cela, mais le cœur y est. Bravo.
Selon le TLFi : Trésor de la Langue Française informatisé, les deux prépositions sont données comme équivalentes : continuer à/de. Les auteurs cités ne font pas la différence ; c’est toujours intéressant de lire de belles phrases littéraires. Toutefois, est précisé : « Dans la documentation, continuer à est un peu plus fréquent que continuer de (environ 60 % contre 40 %). Tous n’écrivent pas à l’oreille !
C’est un grand débat en effet :
Faut-il changer des règles grammaticales sous prétexte que « ça sonne mieux à l’oreille » ?…
Tout comme pour « continuer », certains s’autorisent même l’emploi de « commencer de » sous le même futile prétexte d’éviter un hiatus.
Pourtant, vous viendrait-il à l’idée de dire « s’évertuer d’avancer » ou « s’entêter d’aller », ou encore « l’obliger d‘adjuger » ?… même si ça n’est pas spécialement joli, phonétiquement parlant, de dire « s’évertuer à avancer », « s’entêter à aller », ou « l’obliger à adjuger » !
À moins que nous devions changer les règles de tous les verbes qui seraient concernés par ce problème de hiatus ?!…
De l’avis du plus grand nombre, la forme correcte est « continuer à« , hiatus ou pas, quelle que soit la durée de l’action, et que l’action ait été interrompue ou pas.