Combien d’existences as-tu vécues/vécu ?
Bonjour,
J’ai trouvé la phrase suivante dans un texte :
Combien d’existences as-tu vécu à travers ces films ?
J’ai un doute. Ne faudrait-il pas écrire « vécues » ici ?
Je vous remercie par avance
Bonjour,
Le nombre d’existences correspond ici à un complément circonstanciel indiquant une durée et non à un COD.
La phrase ne pose pas, ni ne répond à la question : Tu as vécu quoi ? , il n’y a pas de COD, donc pas d’accord. Elle interroge : Tu as vécu combien.., ? Elle appelle un complément circonstanciel.
Idem avec les verbes « courir », « mesurer », « peser », « valoir » quand ils sont construits avec un complément circonstanciel indiquant une mesure, un poids, un prix, une durée.
A noter : le participe passé des verbes « durer », « marcher », « régner » est toujours invariable, ces verbes étant intransitifs (c’est-à-dire qu’ils n’admettent pas de COD).
Subtilité :
« Avis de l’expert – Bruno Dewaele, champion du monde d’orthographe, professeur agrégé de lettres modernes
Est-il langue plus subtile que celle qui vous oblige à écrire « les cent mètres qu’il a couru ont suffi à le mettre hors d’haleine », mais « les cent mètres qu’il a courus tout au long de l’été lui ont permis d’arriver en pleine forme aux Jeux olympiques » ? Dans la première phrase, en effet, il s’agit de la distance et « cent mètres » est un complément circonstanciel qui n’influe pas sur l’accord du participe. Dans la seconde, il est question de la course et il s’agit bien d’un COD : de ce fait, le participe passé s’accorde avec lui ! What else ? »
Merci pour la question !
Fanny
Réponse très complète.
Attention, il faut vraiment se méfier de cette question avec combien, elle est très très piégeuse ; elle n’a pas le pouvoir de transformer un COD en CC :
dans Combien de décisions as-tu pris(es) ? , décisions est COD.
Ce qui fait qu’un complément est COD ou CC, c’est la transitivité du verbe, pas la présence de combien dans la question (ça peut aider à déterminer la fonction du complément, ça marche souvent, mais pas à tous les coups).
Dans prendre des décisions, prendre est transitif, donc décisions est COD.
Dans vivre plusieurs existences/ des existences diverses / palpitantes / etc., vivre est transitif, donc existence est COD (ou interne).
(Tous les dictionnaires indiquent ce cas où vivre est transitif.)
1. « Le double usage pour le PP vécu
« Le verbe vivre est parfois considéré comme un verbe transitif signifiant « passer », « mener » lorsqu’on considère la nature, la qualité de ce qui a été rencontré pendant une certaine période er non la durée de celle-ci.
Les six heures qu’il avait vécues loin de Dieu (A. France, A. Goosse).
Certains écrivains se refusent à accepter qu’il soit un COD. Ils laissent donc le PP invariable.
Quelles heures, il avait vécu ! (F. Mauriac, A. Goosse). »
M. Grevisse, H. Briet, L’accord du participe passé, De Boeck Duculot, p. 105
Plusieurs ouvrages vont dans le même sens (double usage de vécu) : Jean-Paul Colin (agrégé de l’Université, docteur ès lettres ; prix Vaugelas), Dictionnaire des difficultés du français, les usuels du Robert ; Péchoin, Dauphin, Dictionnaire des difficultés du français d’aujourjourd’hui, Larousse ; etc.
2. N’oublions pas quand ême qu’un arrêté de décembre 1976 – dont j’ai déjà parlé plusieurs fois et toujours en vigueur – a été « généralisé » par les trois grammairiens Riegel, Pellat et Rioul dans la Grammaire méthodique du français (PUF).
Cette grammaire dit :
« Les deux types d’emploi [de vécu] étant difficiles à distinguer, [cet] arrêté autorise l’accord dans les deux cas. »
Et l’arrêté indique :
« 12. Participe passé des verbes tels que : coûter, valoir, courir, vivre, etc., lorsque ce participe passé est placé après un complément :
Je ne parle pas des sommes que ces travaux m’ont coûté (coutées).
J’oublierai vite les peines que ce travail m’a coûtées (coûté).
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L’usage admet que ces verbes normalement intransitifs (sans accord du participe passé) puissent s’employer transitivement (avec accord) dans certains cas.
On admettra l’un et l’autre emploi dans tous les cas. »
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Bonjour,
Je vois plus ici un complément d’objet (interne ?) qu’un complément circonstanciel, de ce fait j’accorderais ; mais du fait de la présence de combien de, le non accord est également possible.
(Voir par exemple sur ce site, où un intervenant a présenté les points de vue de différents grammairiens.)