Ce satané auxiliaire avoir nous joue des tours…
Bonjour. J’ai un débat avec un collègue sur cette phrase :
« Le village tire son nom de l’habitude qu’avaient prise les habitants du village de trouver des sources d’eau potable. »
La question est de savoir si on écrit pris ou prise. Nos points de vue s’opposent : l’un pense que c’est prise en raison de la présence du COD placé avant avoir, quand l’autre pense que c’est lié aux habitants du village donc pris et la tournure ne semble pas correcte.
Pouvez-vous éclairer notre lanterne ?
Remettre la phrase « à l’endroit » :
Les habitants ont pris quoi ? habitude = COD placé avant donc accord du PP avec COD placé avant (aux. avoir)
Le village tire son nom de l’habitude qu’avaient prise les habitants du village de trouver des sources d’eau potable.
Les deux points de vue qui s’opposent seront toujours les mêmes :
— certains pensent que l’accord du participe passé avec le COD antéposé est une des richesses de la langue française ;
— certains pensent que l’accord du participe passé avec le COD antéposé est une fumisterie, ne signifie rien, n’a aucune utilité, est arbitraire, ne s’intègre pas à la langue orale, et probablement s’oppose par bien des aspects au génie de la langue française.
Si, il y a quelques siècles, quelques grammairiens ont soutenu cet accord (la pierre qu’il a prise), ils prévoyaient aussi de ne pas faire l’accord dès lors que le participe passé était suivi d’un complément, d’un attribut du COD, d’un infinitif, ou d’un sujet postposé… (la personne qu’il a pris à partie, qu’il a pris pour épouse, qu’il a perdu de vue, qu’il a vu partir… ; la discussion que j’ai pris en marche ; la journée que m’a pris cette affaire).
L’idée était en effet d’accorder les participes passés uniquement s’ils avaient valeur d’adjectifs :
— la porte est peinte parce que l’ai peinte ;
mais non ceux conservant le sens du verbe :
— la porte est blanche parce que l’ai peint en blanc.
C’est la même idée que la question actuelle qui consiste à distinguer l’adjectif ‘prenant’ qui s’accorde et le participe présent ‘prenant’ (repérable à son complément) qui ne s’accorde pas. Ce n’était pas idiot dans le principe, mais la règle formalisée après la mort de Marot et Vaugelas était idiote.
D’ailleurs, une résistance à cet accord systématique persiste chez la plupart des francophones de naissance, résistance qui dure depuis plus de trois siècles, malgré des milliers de livres, des millions d’enseignants et d’élèves enseignés. Donc c’est la règle se trompe. Oralement ou dans vos correspondances privées, utilisez le vrai français sans accord, et dans vos correspondances professionnelles ou administratives, acceptez d’écrire de la mauvaise façon, la façon labelisée correcte : accord du participe passé avec le COD antéposé pour une raison que nous ignorons tous.