« Ce que je savais, c’est que je ne savais pas. » Recherche d’une règle de conjugaison
Bonjour,
Je suis sur une traduction et je trouve assez souvent en anglais des phrases qui se traduisent ainsi :
« Ce que je savais, c’est que…[sujet]+[verbe à l’imparfait] »
Je sais que cette construction est correcte car j’ai déjà lu la même à plusieurs reprises dans des romans d’auteurs français édités par des ME historiques.
L’ennui, c’est que mon relecteur attitré repasse derrière moi pour tout mettre à l’imparfait – mon c’est devenant ainsi un c’était – et que je ne trouve pas vers quelle règle le diriger pour lui faire comprendre qu’il fait fausse route.
Connaissez-vous le nom de cette règle ? Y a-t-il un lien que je puisse consulter et qui m’éclairerait ?
Bien cordialement
Bonjour,
Ce n’est qu’une piste , j’ignore si elle est juste :
Peut-être que le présent répond à la question « qu’est-ce que je savais ? » (et non « qu’était-ce que je savais ? »)
Qu’est-ce que je savais ? Ce que je savais, c’est que…
Bonjour Bruno,
Il n’était pas question d’oralité ici. Je cherchais une règle claire et documentée.
Au final, je l’ai trouvée ailleurs en reformulant ma recherche :
Quelques remarques sur la concordance des temps
Q. J’aimerais savoir si les tournures suivantes sont acceptables :
1) « L’appelant a déclaré qu’il est invalide » (au lieu de « qu’il était invalide »)
R. Le cas de l’indicatif (premier exemple) est assez simple. Le rôle de l’indicatif en français est de situer une action dans le temps. Comme la phrase est au passé et que les deux actions décrites sont simultanées, on met en principe le verbe de la subordonnée à l’imparfait.
Mais cette concordance n’est pas mécanique. Si le contexte permet de comprendre que le requérant souffre d’une invalidité permanente, le rédacteur a le choix entre le présent et l’imparfait. Si, en revanche, il est important pour une raison ou une autre de souligner que l’invalidité est terminée, alors l’imparfait est obligatoire, sinon on s’exposerait à un contresens.
Le choix, quand il est possible, dépend du point de vue adopté par le locuteur : on met le verbe de la subordonnée au présent ou à l’imparfait, selon qu’on se place du point de vue de la personne qui parle ou de celui de la personne dont on parle. L’auteur de la phrase a donc toute latitude pour choisir entre les deux points de vue, principe clairement énoncé dans le Grand Larousse de la langue française :
« Aucune loi n’interdit en principe à celui qui parle ou qui écrit de maintenir son propre présent pour point de référence, ou d’y revenir quand il lui plaît. »
Premier point à retenir : la concordance des temps n’est pas un mécanisme rigide. Grevisse insistait déjà là-dessus dans le Bon usage en 1975 :
« Il faut se garder d’appliquer sans discernement des règles mécaniques qui indiqueraient une correspondance toujours obligatoire entre le temps de la principale et celui de la subordonnée1. »
Ainsi les « règles » ne doivent pas empêcher le rédacteur ou le traducteur d’utiliser son jugement. Les grammairiens aiment citer la boutade du linguiste Ferdinand Brunot :
« Le chapitre de la concordance des temps se résume en une ligne : il n’y en a pas2. »
Plus importante encore est la phrase précédant celle-là :
« Ce n’est pas le temps principal qui amène le temps de la subordonnée, c’est le sens. »
Bonjour Utopia,
quelle est la formulation d’origine en anglais qui justifierait le présent ? A priori, votre relecteur a raison de vous rappeler à la concordance des temps même si dans la langue orale on oublie parfois de la respecter.
Merci Dewelis, votre réponse concorde avec ce que je viens de trouver en parallèle. Il est ici question du sens de la subordonnée et non de l’accorder mécaniquement, ce qui me donne une excellente base de réflexion.
Belle journée à vous.
Merci à vous, mais à la lecture de votre lien, non ça ne concorde pas et je me suis fourvoyée :-).
Ainsi, à la question « qu’est-ce que tu pensais à l’époque », on ne peut pas répondre « ce que je pensais à l’époque, c’est que les garçons naissaient dans un chou », mais, soit « ce que je pensais à l’époque, c’est que les garçons naissent dans un chou », soit « ce que je pensais à l’époque, c’était que les garçons naissaient dans un chou ».
Je ne vous en voudrai pas de m’ôter le statut de « meilleure réponse », je vous en saurais même gré ;-).
Rebonjour Utopia,
Loin de moi l’idée de considérer que les règles de concordance sont absolues et intangibles. Simplement votre exemple est ancré d’abord dans le passé (Ce que je savais…) et donc habituellement la suite est également ancrée dans le passé (A ce moment-là, c’était ce que je savais). A mon avis, la question de l’emploi du présent n’est pas tant de répondre à la question qu’est-ce ou qu’était-ce, mais de s’interroger sur la nature du savoir. Est-il par exemple général et permanent, ce qui se traduit par une affirmation au présent ? Si vous dites : « Ce que je savais, c’est que les règles connaissent des exceptions. », cela me paraît parfaitement correct, mais il était impossible de répondre à une question non contextualisée.
Je suis bien d’accord avec ce présent ancré dans la réalité : on pointe une chose que l’on désigne « c’est que… » comme une cheville dans la présentation, on comprend bien que cela est lié à ce que l’on pensait avant.