caméras infrarouges ou à infrarouge ?
Bonjour,
« lunettes anti-caméras infrarouges », est-ce correct (par métonymie, ce que suggère le CNRTL) ou doit-on plutôt écrire : anti-caméras à infrarouge/à infrarouges ?
Merci par avance.
Karine
Quelques pistes.
A priori, on ne devrait logiquement pouvoir utiliser l’adjectif « infrarouge », qui désigne un type de longueur d’onde, que pour qualifier des noms tels que fréquence, onde, lumière, rayon(s), rayonnement…
C’est tellement évident qu’on peut utiliser l’adjectif seul, par métonymie.
La métonymie ici consiste à dire « infrarouge » pour « rayonnement infrarouge », c’est-à-dire à désigner une chose par une de ses caractéristiques.
Au café, je demande un rouge, et le patron comprend que je veux un vin rouge.
Dans votre laboratoire, vous parlez de l’effet d’un infrarouge sur une surface, et vos collègues comprennent que vous parlez de l’effet d’un rayonnement infrarouge sur une surface.
C’est le fonctionnement normal de la langue, et c’est pour cela que le dictionnaire parle de métonymie : on peut dire « infrarouge » pour « rayonnement infrarouge » comme on peut dire « un rouge » pour « un vin rouge ».
Mais on n’avait pas besoin du dictionnaire pour le savoir, car c’est très fréquent en sciences : on dit ainsi « une dérivée » pour « une fonction dérivée », une « bissectrice » pour une « droite bissectrice ». Ces noms sont formés par métonymie sur la base d’un adjectif.
On voit que l’effet de la suppression du nom est de transformer l’adjectif en un nom : un rouge, un infrarouge, des infrarouges, une dérivée…
La langue française s’oppose à ce qu’un adjectif devenu un nom par métonymie redevienne ensuite un adjectif qu’on applique à un autre nom. Cela n’aurait aucun sens : du vin rouge -> du rouge -> des litres de rouge et non des litres rouges ; un marchand de rouge et non un marchand rouge.
De même, sachant que « infrarouge » peut être mis pour « rayon infrarouge », l’appareil envoyant des rayons infrarouges devrait logiquement être dit « pistolet à infrarouges », sur le modèle de « pistolet à billes », et non « pistolet infrarouge ». Car le pistolet n’est ni billes ni infrarouge. Il n’y a pas ici d’adjectif.
Je pense que c’est justement là l’objet de votre question, et alors nous avons la même réponse. Oui, « infrarouge » est un adjectif, mais dès qu’il devient nom par métonymie, il cesse d’être adjectif et ne peut plus être réadjectivisé.
Ainsi, ni la caméra (récepteur) ni le pistolet (émetteur) ne peuvent être qualifiés d’infrarouges ; seuls les rayons entre les deux peuvent l’être.
Et il n’est pas question d’utiliser le nom « infrarouge » comme adjectif appliqué à « caméra ».
Oui le mot « infrarouge » est un adjectif, oui par métonymie il devient un nom : et donc logiquement ce mot n’est pas les deux à la fois (ce ne peut pas être un adjectif utilisé par métonymie).
En revanche, un nom, qui n’est pas un adjectif, peut être mis en apposition à un autre nom. C’est une chose qu’on fait depuis des siècles. Si les deux mots représentent la même chose, ils s’accordent entre eux (des hommes oiseaux). Si le mot apposé n’évoque qu’un certain rapport de proximité avec le mot de base, on évite de considérer le nom apposé comme un adjectif, et on préfère l’invariabilité (une guerre éclair, des guerres éclair).
Depuis les années 1940, on utilise les appositions dans des domaines variés liés à la langue internationale qu’est l’anglais : commerce, finance, communication, sciences, sociologie, politique… (la communication monde, le taux campagne, le syndrome électeur, le tarif enfant, le rayon fruits, le mode vacances, la caméra infrarouge). Aucune de ces constructions n’est française dans le sens où elle continuerait la langue du XIXe siècle. Vous pouvez en demander l’orthographe, mais cela signifie : quelles règles orthographiques françaises pourraient s’appliquer à ces nouvelles constructions ? La réponse est simple, vous plaquez un nom derrière un autre nom, pour la raison qu’il existe un certain rapport entre les deux, et vous accordez comme vous voulez.
Mais le fait que « infrarouge » soit identifié comme un adjectif, et le fait que « infrarouge » devienne substantif dès qu’utilisé par métonymie, sont incompatibles entre eux.
J’ai regardé des sites parlant de technique, et je crois que c’est généralement le singulier « infrarouge » qui convient : appareil fonctionnant selon le principe du rayonnement infrarouge, de la lumière infrarouge.
Que vous utilisiez ce mot directement en apposition (caméra infrarouge, pistolet infrarouge), ou avec un introducteur (pistolet à infrarouge), conservez le nombre, singulier en l’occurrence, car vous n’avez pas affaire à un adjectif mais à un substantif apposé : si vous écrivez « une caméra infrarouge », vous devrez écrire « des caméras infrarouge« .
Bonjour,
Infrarouge est un nom ou un adjectif. On dit des caméras infrarouges, des lampes infrarouges.
Mais : des caméras à l’infrarouge (il s’agit du rayonnement I.R.).
Merci beaucoup pour ces précisions.