Borne frontière
Bonjour.
« Des bornes frontières » ou « des bornes frontière » Dauphiné-Savoie ?
Merci d’avance.
Ici, le substantif frontière ne vient pas qualifier le substantif borne, mais en restreindre l’extension, et ainsi désigner un type particulier de borne. Il n’y a par conséquent aucune raison prétendument naturelle d’accorder ce substantif en nombre avec celui qu’il complète ; seul le sens décide de l’accord en nombre du substantif en fonction d’épithète.
Ainsi, bien que maison vienne compléter gâteaux dans gâteaux maison, il ne prend pas la marque du pluriel, parce que ce groupe de mot est la synthèse de des gâteaux (qui sont fait à la) maison et non des gâteaux (qui sont faits dans les) maisons (même si dans l’absolu on pourrait accepter ce genre d’énoncé, il faut garder à l’esprit que l’expression à la maison désigne moins un lieu qu’un processus de fabrication qui oppose fabriqué à la maison à fabriqué industriellement et qui équivaut plus ou moins à fabriqué artisanalement, toute chose que le pluriel les maisons ne signifie pas). Maison reste donc (dans l’état actuel de la langue, les choses pourraient changer et seraient tout à fait justifiables) toujours au singulier quel que soit le nombre du nom qu’il complète.
Et donc, pour revenir à nos bornes, du strict point de vue de la logique sémantique, le singulier serait plus pertinent, puisque une borne frontière est un type de borne qui sert à matérialiser le passage d’une frontière, et donc : la borne A sert à matérialiser une frontière, la borne B sert à matérialiser une frontière, la borne C sert à matérialiser une frontière, etc. les bornes A, B, C, etc. servent à matérialiser une frontière, dans votre cas, celle qui sépare le Dauphiné de la Savoie. Néanmoins, aussi bien parce que contrairement à maison où le pluriel était difficilement acceptable, dans le cas présent, le pluriel peut se concevoir : des bornes frontière(s) = des bornes qui matérialisent le passage d’une frontière / des frontières / de frontières, que parce que frontière, contrairement à maison, ressemble à un adjectif, que dès lors la tentation peut être grande (parce que ce n’est pas forcément évident de se torturer les méninges au fil de la plume/du clavier) de l’accorder avec le nom qu’il complète, il n’est pas étonnant que l’on trouve les deux accords, que l’usage flotte, mais privilégie l’accord au pluriel, et que les lexicographes n’accordent pas leur violon : accord au pluriel chez Larousse, choix chez l’Académie.
Conclusion : accordez comme il vous plait ! 🙂
On trouve les deux orthographes, qui se justifient l’une et l’autre :
Des bornes frontière / des bornes frontières —> qui font office de frontière / de frontières
La tournure au pluriel semble malgré tout la plus logique, car ces bornes peuvent constituer chacune une frontière différente.
Bonjour à tous et merci pour vos réponses.
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On trouve les deux orthographes, qui se justifient l’une et l’autre :
Des bornes frontière / des bornes frontières —> qui font office de frontière / de frontières
La tournure au pluriel semble malgré tout la plus logique, car ces bornes peuvent constituer chacune une frontière différente.
Ne peut-on pas aussi considérer que c’est l’ensemble des bornes qui constitue une unique frontière ?
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À la suite de ces deux noms juxtaposés, vous avez juxtaposé encore deux autres noms. Est-ce bien raisonnable ?
Admettons que le tiret soit une façon moderne d’apposer deux noms réunis pour dire « entre le… et le… ». Alors le match OM-PSG est un match entre l’OM et le PSG, mais les bornes frontière Dauphiné-Savoie sont quoi ? À quel mot apposez-vous ce mot composé « Dauphiné-Savoie » sans perdre la notion de « borne frontière » : au mot noyau « bornes » (ce que commande la construction) ou à son complément « frontière » (ce que commande le sens) ? C’est mal construit.
J’avais rajouté Dauphiné-Savoie juste pour donner le contexte de ma question.
Il s’agit ici de la frontière entre le Dauphiné et la Savoie.
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Cordialement.
Une borne frontière est un type de borne, c’est une borne ayant une fonction particulière.
Le mot « frontière » a été un adjectif féminin. Le mot est d’ailleurs présenté dans le dictionnaire de l’Académie 1694 comme un adjectif venant de « front », puis, même quand le nom a supplanté l’adjectif, l’adjectif reste mentionné jusque dans l’édition 1878. Il est ainsi souvent question de « ville frontière », et on trouve même quelques audacieux « villages frontiers » dans les livres. Si c’est l’adjectif qui a subsisté dans l’expression « borne frontière » (c’est une recherche à faire), et s’il est encore perçu comme tel, il serait légitime d’accorder : des bornes frontières. Mais l’absence de cet adjectif dans les dictionnaires actuels semble recommander aux auteurs actuels de ne pas utiliser cette construction.
Si le mot « frontière » est un nom, ce qu’il est effectivement dans l’usage actuel, vous devez admettre que cette borne n’est pas une frontière, que trois bornes le long d’une frontière ne sont pas trois frontières, et vous ne pouvez donc pas écrire « frontière » au pluriel. Vous devez alors écrire : des bornes frontière.
[À la suite de ces deux noms juxtaposés, vous avez juxtaposé encore deux autres noms. Est-ce bien raisonnable ?
Admettons que le tiret soit une façon moderne d’apposer deux noms réunis pour dire « entre le… et le… ». Alors le match OM-PSG est un match entre l’OM et le PSG, mais les bornes frontière Dauphiné-Savoie sont quoi ? À quel mot apposez-vous ce mot composé « Dauphiné-Savoie » sans perdre la notion de « borne frontière » : au mot noyau « bornes » (ce que commande la construction) ou à son complément « frontière » (ce que commande le sens) ? C’est mal construit.]
Le mot frontière est un substantif, ici en apposition à vocation qualificative, et il est est naturel de l’accorder avec le nom qui le précède (ville, poste, place). C’est d’ailleurs ce que reflète l’étude de fréquence. Rien de bien nouveau depuis le Moyen Âge (voir les exemples en fin de réponse).
Cela étant, on trouve quelques mentions où dans cette tournure, souvent perçue comme nom composé avec trait d’union, il reste au singulier. Pour illustration, un article de la Revue savoisienne de 1937 intitulé « Les Bornes-Frontière entre la Savoie et la France ».
Extraits du dictionnaire du moyen français
Place/ville frontiere. « Place fortifiée à proximité du front ou de la limite séparant deux territoires« : …ledit de Saint Pol alleguoit que (…) d’aulcunes terres, bonnes villes et seigneuries appertenans a sa femme, la contesse de Marle, comme Bourbourg, Dunquerque et Gravelingnes, villes frontieres sur Calais, on luy faisoit difficulté (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 80). Et lui pleut [au duc de Bourgogne] (…) le rappeller et le recepvoir en sa bienveullance comme son bon parent et subgect, vaillant et bon chevalier, et de qui bien et grandement se pooit servir (…) car avoit cely de Saint Pol beaucop de belles et bonnes places frontieres entre France et Picardie, et par lesquelles il pooit nuire et aidier grandement a l’un des partis (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 212).