Bien qu’il ‘eut’ été possible?
Bonjour,
Pouvez-vous me dire si cette façon de dire est juste?
Bien qu’il eut été possible que je déteste un jour…
Merci pour votre réponse 🙂
« Bien que » appelle souvent une réalité au subjonctif : bien qu’il pleuve, je sors. Mais je crois que votre phrase est différente. Y a-t-il comme je le pense une notion de conditionnel dans votre phrase ?
– Cela aurait été possible et pourtant…
Mettons au présent :
— Je refuse de le faire. Bien que ce serait possible.
Cette tournure est interdite par les ayatollahs. Ils ont écrit ici des dizaines de fois que c’était interdit.
Pourquoi ? Parce que après « bien que », il faut du subjonctif, c’est comme ça et pas autrement, et « serait », c’est du conditionnel présent.
Mais alors comment faire ? Il n’y a pas de solution, il faut virer « bien que ».
— Je refuse de le faire. Alors que ce serait possible.
Si vous pensez que vous perdez du sens, plaignez-vous aux ayatollahs.
Alors maintenant que cela est dit, à quoi bon creuser votre question puisque le conditionnel est interdit après « bien que » ?
Est-ce que le conditionnel passé passe mieux ?
– Je refusai de le faire. Bien que cela aurait été possible.
Non, nous en sommes je pense au même point.
Alors en utilisant la deuxième forme du conditionnel passé, celle qui se confond avec le subjonctif plus-que-parfait ? S’ils viennent vous chercher, vous pourrez toujours leur dire que ce n’est plus du conditionnel mais du subjonctif.
– Je refusai de le faire. Bien que cela eût été possible.
C’est bon, mais en vous embarquant dans cette forme, vous devez appliquer les règles de concordance des temps jusqu’au bout : bien qu’il eût été possible que je détestasse un jour…
Et finalement, au passé, vous avez le choix :
* Conserver « bien que » et pousser jusqu’au conditionnel passé deuxième forme (qui offre l’avantage de se confondre avec le plus-que-parfait du subjonctif) :
– Je refusai de le faire. Bien qu’il eût été possible que je détestasse un jour…
Cette forme au passé est rare et artificielle mais la seule possible avec « bien que ».
* Ou remplacer « bien que » par « alors que », et vous contenter d’un conditionnel passé première forme :
– Je refusai de le faire. Alors qu’il aurait été possible que je déteste un jour…
En effet, à des temps ordinaires comme le conditionnel passé première forme, il est acceptable, et même habituel, de remplacer le subjonctif imparfait par un subjonctif présent (j’aurais voulu qu’il prenne, qu’il soit, et non j’aurais voulu qu’il prît, qu’il fût).
Ce plus-que-parfait du subjonctif du verbe être (avec un accent circonflexe en plus) est correct en soi, bien qu’il soit peu employé. ==> Bien qu’il eût été possible…
Petit note à propos de l’accent circonflexe de « eût »:
pour choisir entre « eut » (passé simple) et « eût » (subjonctif), il suffit de mettre la phrase au pluriel.
– Quand il eut fait / quand ils eurent fait (indicatif)
– Bien qu’il eût / bien qu’ils eussent (subjonctif)
Merci à vous pour vos réponses. J’ai essayé de voter pour vous trois (meilleure réponse) mais je n’ai pas pu 🙁
Ce que je voulais dire c’est: Bien qu’il aurait été possible que je déteste un jour…
Voici un extrait d’un article à mon sens très intéressant :
Bien que introduit une concessive : il sert à concéder un fait dont on reconnaît la vérité indubitable, mais dont on nie en même temps l’effet sur l’action de la principale. Si j’écris Bien qu’il fasse beau, je n’ai pas envie de sortir, je concède qu’il fait beau, le beau temps est un fait indubitable, mais il n’entraîne pas la décision de sortir. La phrase exprime le contraire de ce qu’on aurait pu logiquement attendre. Elle ne dit pas simplement : il fait beau et je n’ai pas envie de sortir. Elle insiste sur le fait que la condition pour sortir a beau être remplie, elle n’entraîne pas l’effet attendu.
Mais si le beau temps est une certitude, pourquoi employer le subjonctif, mode de l’incertitude? Parce que, diront les grammairiens, tout se passe comme s’il ne faisait pas beau, comme si le beau temps n’existait que dans la pensée. C’est une finesse de la langue. Le but de la phrase n’est pas d’insister sur le beau temps, mais d’affirmer que le beau temps est inopérant. En écrivant Bien qu’il fait beau, je n’ai pas envie de sortir, on accentuerait la réalité des deux faits qu’on oppose et bien que prendrait alors davantage une valeur de coordination. Comparez Je viendrai bien que je sois très fatigué et Je viendrai bien que je suis très fatigué. Avec l’indicatif, l’idée que l’un des deux faits n’a pas d’effet sur l’autre semble un peu moins nette.
Jusqu’à la fin du 17e siècle, les deux modes ont cohabité pacifiquement après bien que : on réservait le subjonctif aux faits douteux, l’indicatif aux faits certains. Puis le subjonctif a imposé sa loi. Mais les écrivains n’ont pas hésité à l’enfreindre : ils ont parfois employé l’indicatif pour insister sur la réalité du fait concédé, le futur pour décrire une action future, le conditionnel pour marquer une éventualité. On cite Chateaubriand : Bien que sa corruption ne lui nuirait point, ou Aragon : Bien qu’après tout, Blanchette est libre, et d’autres.
Un certain nombre de linguistes, et non des moindres, Brunot, les Le Bidois, Grevisse dans ses Problèmes de langage, ont pleinement admis ces exceptions. C’est pourquoi aujourd’hui le Grand Robert souligne que l’indicatif est parfois employé après bien que pour marquer la réalité ou l’éventualité. Le mot important ici est « parfois ». Personne ne recommande l’indicatif dans tous les cas.
Si quelques grammairiens actuels, comme Jean-Paul-Colin dans son Dictionnaire des difficultés, vont dans le même sens, la majorité demeurent inflexibles. Hanse, Girodet et beaucoup d’autres, même la tolérante Grammaire du français contemporain de Larousse, interdisent formellement l’indicatif. Dupré y voyait une « grave incorrection ».
On peut deviner pourquoi ils résistent à accepter l’indicatif même pour insister simplement sur la réalité du fait : chacun pourrait bien décider d’insister sur la réalité du fait chaque fois qu’il emploie bien que. La porte serait alors toute grande ouverte à l’indicatif; l’exception deviendrait la règle.
Mais pourquoi ces linguistes s’entêtent-ils à refuser l’indicatif futur, qui permet d’éviter l’ambiguïté du subjonctif présent? La phrase :
Sa déclaration ne peut être interprétée comme une manifestation d’hostilité, bien que certains ne manqueront pas de le faire.
serait donc incorrecte. Mais normalement c’est le subjonctif présent qu’on emploie pour une action future. Or ici il créerait un faux sens :
Sa déclaration ne peut être interprétée comme une manifestation d’hostilité, bien que certains ne manquent pas de le faire.
Bien que : indicatif ou subjonctif? – Recherche par titre – Chroniques de langue – TERMIUM Plus® – Bureau de la traduction
Avec bien que, on remarquera tout simplement que le futur et le conditionnel est employé quand le subjonctif est inapte à exprimer les nuances de ces temps.
Et donc vous acceptez « Bien qu’il aurait été possible que je déteste un jour » qui est ce que souhaite exprimer ClairObscur ?
La question n’est pas que Prince, ou qui que ce soit accepte ou pas. Au vu de ces analyses, chacun décide s’il se conforme à la règle disons « classique » qui ne veut que du subjonctif après « bien que », ou s’il préfère utiliser les modes qui « collent » à sa pensée.
Si moi, je devais faire un choix, à tout coup je choisirais la deuxième attitude, conforme (à mon sens) à la logique et même, à l’esprit de la langue.
Si j’étais un étudiant en train de passer une épreuve, je choisirais peut-être de me conformer par précaution…
Donc si je comprends bien, je dois ajouter ‘asse‘ au verbe détester ?
Si cela aurait été ‘admirer’, je dirais donc: Bien qu’il eût été possible que j’admirasse…. un jour….
Finalement, cette forme n’est plus aussi jolie que ça ! 🙂
Mais si cela est juste.