Bien que + concordance des temps
Bonjour,
Lors de mes travaux de traduction/relecture que j’effectue bénévolement sur mon temps libre, il m’arrive assez souvent de me prendre la tête avec la locution conjonctive « Bien que ».
Bien que impose le subjonctif qui lui-même impose une concordance des temps (si je ne dis pas de sottises, mais vous me corrigerez si tel est le cas).
Attention les yeux… ! Voici la phrase qui pose souci :
« Il n’en revint jamais, bien que les légendes persistent. »
À la première lecture, cette phrase ne m’avait pas choqué et j’aurai pu passer à côté. Cependant… En l’analysant je me suis dit : « Tiens ! Étrange… La proposition principale est au passé simple et la subordonnée au subjonctif présent. Hum… Est-ce correct par rapport à la concordance des temps ? »
Quels autres choix avons-nous ? Je me dis que si la subordonnée est au subjonctif présent alors le temps attendu dans la principale est le présent de l’indicatif. Si le temps de la principale est au passé simple alors le temps attendu dans la subordonnée (introduite par « bien que ») est l’imparfait ou le plus que parfait du subjonctif.
Il y a peut-être davantage de possibilités mais à mon niveau je ne suis pas capable de les déceler…
« Il ne revient jamais, bien que les légendes persistent. »
« Il n’en revint jamais, bien que les légendes persistassent. »
« Il n’en revint jamais, bien que les légendes eussent persisté. »
Aucune de ces propositions ne m’enchantent réellement…
Pour aider voici la phrase placée dans son contexte :
Il arriva à Port-Ponant en conquérant, imposant brutalement sa volonté sur la ville avant de mystérieusement disparaître quelques semaines plus tard, laissant ses propres hommes effarés en proie à la foule déchaînée. Il agissait comme un homme qui ne se connaissait pas, et il était devenu tout à fait clair que Sarevok n’était plus qu’une âme torturée coincée entre la vie et la mort, incapable d’apprécier l’une ou l’autre. Finalement, il disparut entièrement de Féérune et l’on pensa qu’il mit fin à ses jours. Mais en vérité, il se retira à Kara-Tur pour y enterrer son seul véritable amour, Tamoko la guerrière. Il n’en revint jamais, bien que les légendes persistent.
Peut-on voir le « bien que » comme un commentaire du conteur ? Si le « bien que » devient un commentaire, cela le rend-il détaché de la proposition principale ?
Imaginons un autre contexte où l’histoire serait contée par deux personnes :
Conteur 1 : « Il n’en revint jamais. »
Conteur 2 : « Bien que les légendes persistent. »
Au niveau des temps, cela poserait-il un problème ? De la même manière la phrase, ainsi modifiée, serait-elle correcte ?
Il n’en revint jamais – bien que les légendes persistent.
Une autre solution serait peut-être alors de modifier la ponctuation dans phrase :
« Mais en vérité, il se retira à Kara-Tur pour y enterrer son seul véritable amour – Tamoko la guerrière – et n’en revint jamais. Bien que les légendes persistent. »
Ça ne me dérange pas du tout de modifier la ponctuation, voire certains éléments de la phrase si besoin. Mais je trouvais que cette phrase, où le passé simple a été employé dans la proposition principale, était très intéressante à étudier et j’aurai souhaité recueillir vos conseils et avis.
NB – La phrase d’origine est : « In truth, he journeyed to Kara-Tur to bury his one true love, the warrior Tamoko. He never returned, though the stories endure. »
En concordance des temps stricte, il faudrait un imparfait du subjonctif.
Toutefois, aujourd’hui, le présent du subj. est admis à cause de « persistassent » ou » eussent persisté » qui fait trop savant.
donc à vous de voir en fonction du niveau de langue du texte et du public, en tout cas, respectez une homogénéité.
attention aussi à ne pas détacher votre subordonnée après un point, même si on le rencontre souvent.
Voyons ce qu’écrit le meilleur grammairien contemporain, avec Grevisse.
J. Hanse : Bien que. 1. Mode. Après bien que, on doit employer le subjonctif. L’indicatif n’est pas rare dans la langue parlée, il se rencontre chez des écrivains modernes ; des grammairiens tentent de le justifier plus ou moins, mais il faut le considérer comme incorrect, familier, populaire ou archaïque. Le subjonctif s’explique par l’opposition qui écarte comme sans effet, comme aussi inopérant que s’il n’existait pas, le fait, pourtant certain, introduit par bien que : Il n’est pas venu, bien que nous l’ayons invité. […]
C’est aussi une erreur de vouloir justifier l’indicatif en disant qu’il marque la réalité du fait. Celle-ci est toujours affirmée en même temps que le fait retiré, en esprit, du plan de la réalité : Bien qu’il fût mécontent, il s’est montré très aimable.
On peut mieux expliquer, sans vraiment le justifier, l’emploi de l’indicatif futur, pour éviter l’équivoque du subjonctif présent, qui exprime aussi bien un présent qu’un futur : Bien qu’on pourra nous le reprocher, nous assisterons à cette réunion.
Etc.
On parlait plutôt de concordance des temps dans la question, imparfait du subjonctif un peu lourd pour les lecteurs modernes…
persistent est du subjonctif présent et non de l’indicatif.
Bonjour,
Merci de vos réponses. 🙂
J’hésite donc à garder le subjonctif présent qui est « incorrect » mais « toléré » (et encore… pas par tout le monde) et la reformulation de la phrase.
- Mais en vérité, il se retira à Kara-Tur pour y enterrer son seul véritable amour, Tamoko la guerrière. Il n’en revint jamais, bien que les légendes persistent.
- Mais en vérité, il se retira à Kara-Tur pour y enterrer son seul véritable amour : Tamoko la guerrière. Il n’en serait jamais revenu… Aujourd’hui encore, les légendes persistent.
- Mais en vérité, il se retira à Kara-Tur pour y enterrer son seul véritable amour : Tamoko la guerrière. D’après ce que l’on sait… jamais il n’en serait revenu. Aujourd’hui encore, les légendes persistent.
Je pense, malgré tout, conserver la première qui est plus proche de la version anglaise ainsi que de la traduction originale (et dans le but de perturber le moins possible le lecteur, je tiens à garder, autant que faire se peut, la version du premier traducteur).
Ce qui est bien c’est que j’apprends plein de choses ici en plus de la question de base qui avait été posée. Je ne savais pas qu’il n’était pas possible de détacher une subordonnée après un point.
À ce sujet, en faisant quelques recherches j’ai trouvé ceci :
Lorsque la proposition subordonnée suit l’autre, il est toujours possible de l’isoler complètement en la faisant précéder d’un point : cela produit un effet de style un peu hardi mais qui peut être bienvenu :
-
- de type rupture :
-
- Les diplomates espéraient encore trouver un accord de paix viable. Quand l’ennemi décida d’attaquer.
-
- de type rupture :
Je ne prétends pas qu’ils aient tort ou raison. Cela reste toutefois intrigant et fait peut-être partie des sujets à débat ?
En tout cas, même si la subordonnée est isolée par un point elle n’en reste pas moins liée à la principale et cela ne permet donc pas de contourner le problème (Chose que je souhaitais faire).