Avoir froid verbe d’action ?
Bonjour,
Dans la phrase : Nous avons froid.
Le verbe avoir est-il un verbe d’action ou d’état ? Je dirais verbe d’action mais j’ai du mal à justifier cela (si toutefois c’est la bonne réponse). En effet, « avoir froid » exprime un état non?
Merci pour vos réponses.
Bonjour,
Ce n’est certainement pas un verbe d’action (on ne fait pas l’action d’avoir froid), on a ici une locution verbale, où avoir est sémantiquement vide, je ne sais pas s’il est très pertinent de l’analyser. Si on veut absolument le faire, je dirais que avoir est attributif : avoir froid ≈ être frigorifié. Et en effet avoir froid exprime un état.
Pour affirmer que avoir dans avoir froid est un verbe d’état (V.E.) ou un verbe d’action (V.A.), il faut, au préalable, définir ce qu’on entend par chacune de ces deux catégories. Cela n’a pas été fait ici. De plus, les définitions sont différentes ! Enfin, certains grammairiens n’utilisent plus cette distinction, et l’auteur d’une thèse sur le sujet considère qu’elle n’est pas « justifiée ».
A quoi alors vouloir affirmer que avoir (quand ce n’est pas avoir froid !) est un V.E. ou un V.A. ?
Il m’apparaît plus pertinent de considérer l’opinion de Riegel, Pellat et Rioul selon laquelle « En alternance avec être, le verbe avoir fonctionne également comme une copule régissant un élément nominal il a faim (il est affamé), il a peur (il est apeuré), il a la fièvre (il est fiévreux) ; il a du courage (il est courageux), etc. » (Grammaire méthodique du français*, 5e éd., PUF, 2014). Ces emplois de ces deux verbes (être et avoir) sont alors qualifiés d’emplois copulatifs.
En conclusion, sur la fondement de cette analyse, je dirais que avoir dans avoir froid n’est un verbe strictement ni d’état ni d’action, mais un verbe utilisé dans un emploi proprement copulatif. Dit autrement, avoir est un verbe à emploi occasionnellement copulatif.
Les verbes d’action ont été définis par défaut = tout ce qui n’est pas un verbe d’état.
Sur l’analyse de avoir, oui, c’est ce que j’ai dit (verbe attributif, sémantiquement vide), mais l’analyse linguistique n’est pas forcément adaptée à la pédagogie de l’enseignement primaire.
Cela dit, je reste sur ma position : c’est une locution, ça se prend comme un tout, ça ne s’analyse pas (donc analyser froid comme un COD me parait peu défendable). Et si on doit classer la locution, et si on s’en tient à la définition par défaut des verbes d’action, avoir froid est un verbe (une locution verbale) d’action.
Ce qui ne convient évidemment pas avec les définitions que l’on peut trouver ici et là de verbes d’action / verbes d’état, celle-ci par exemple trouvée sur un blog d’enseignant Le verbe est le mot qui exprime l’action accomplie par le sujet ou l’état dans lequel se trouve le sujet.
Celle qui est donné ici est déjà un peu mieux qui parle d’action faite ou subie par le sujet. Mais ces définitions sémantiques ne résolvent pas vraiment la question du avoir froid, qui signifie plus un état du sujet, qu’une action subie par lui, particulièrement s’il a froid alors que la température de l’environnement dans lequel il se trouve n’est pas froide (et même s’il faisait froid, il est difficile de défendre l’existence d’une action « froid » ou « faire froid », du moins dans notre conception occidentale du monde).
Et moi, je m’en tiens à la mienne !
J’ai maintenu contre vents et marées que « avoir dans avoir froid n’est un verbe strictement ni d’état ni d’action, mais un verbe utilisé dans un emploi proprement copulatif. Dit autrement, avoir est un verbe à emploi occasionnellement copulatif », comme avoir peur, avoir faim, etc.
J’indiquais que selon cette analyse, « en alternance avec être, le verbe avoir fonctionne également comme une copule régissant un élément nominal il a faim (il est affamé), il a peur (il est apeuré), il a la fièvre (il est fiévreux) ; il a du courage (il est courageux), etc. », et que ces emplois de ces deux verbes (être et avoir) sont qualifiés d’ « emplois copulatifs ».
Je vous informe que l’Académie française vient de m’informer que « l’analyse que font Rioux, Riegel et Pellat au sujet de groupes comme il a peur, il a faim peut être étendue à il a froid. »
Dès lors, a (du verbe avoir) ) dans le groupe il a froid « fonctionne comme une copule régissant un élément nominal » (froid) et son emploi, en l’espèce, peut être qualifié de « copulatif ».
On est donc assez loin notamment d’un verbe d’action ou d’une locution inanalysable (avoir froid), comme cela a pourtant été soutenu.
Je crois que qu’il ne faut pas se laisser enfermer dans la dichotomie primaire (VE/ VA)*, satisfaisante pour les élèves du primaire, et qu’il convient d’élever le débat grâce aux meilleurs professionnels de la langue.
* Comme certains l’ont tenté, par ex. Tara (avec l’expression « verbe de sensation », qui ne « méritait » pas une certaine réaction… Je pense que certains verbes échappent à l’opposition VE/VA et qu’en particulier, c’est le cas de avoir dans certains de ses emplois.
S’il est question d’élever le débat, alors il faut – au moins pour cette fois – oublier l’Académie française, dont la parole n’est pas d’évangile, loin s’en faut, puisqu’une rapide analyse permet de constater qu’avoir faim et avoir froid ne sont pas identiques : contrairement au second, le premier accepte certaines manipulations / modifications.
Paul a faim.
La faim de Paul est inassouvissable.
Sa faim est inassouvissable.
La faim que Paul a est inassouvissable.
Paul a une grand faim / a une faim de loup.
Paul a froid.
*Le froid de Paul est intense.
*Son froid est intense.
*Le froid que Paul a est intense.
*Paul a un grand froid / un froid de canard.
Si l’on reprend les analyses notamment de Gross, le premier est une construction à verbe support ( = à prédicat nominal, où avoir peut en effet être analysé comme un verbe copule, ce qui soit dit en passant équivaut à verbe attributif – et si tu (re)lis bien mes messages, tu verras que c’est ce que j’avais proposé comme analyse dès ma première réponse) et le second est une locution verbale (donc un prédicat verbal).
Mais puisque la très Sainte apôtre Académie a parlé, alors inclinons-nous (curieux cette façon d’avoir besoin d’UNE parole ; sans doute est-ce rassurant).
Tout ça est évidemment fort intéressant, ce n’est certainement pas moi qui dirais le contraire, mais parfaitement inadapté à l’enseignement primaire (bis repetita) et donc à l’attente de la demandeuse (si j’ai bien compris tu es ou a été enseignant, tu n’adaptes pas tes cours en fonction de ton public ?).
Pour moi également, avoir est ici un verbe support. Dans ses emplois copulatifs, on peut considérer qu’il fonctionne comme un pur opérateur prédicatif, donc comme un verbe support.
Si je saisis (rarement) l’Académie, c’est pour la même raison que celle pour laquelle j’étaye souvent (moins fréquemment qu’il ne fut un temps) mes réponses en me référant aux meilleurs lexicographes, grammairiens et linguistes contemporains : l’envie de convaincre, singulièrement en cas de divergence de points de vue. L’obtention de certains diplômes ont suffi depuis pas mal de temps à me rassurer…
Bonne soirée. 🙂
Dans ce cas, je vous demande de bien vouloir m’excuser. L’explication de Phil-en-trope semble plus pertinente que la mienne…
Ne vous excusez pas, tout le monde peut se tromper et ce n’est pas vraiment une erreur, ces locutions sont idiomatiques et « avoir » n’est pas un verbe d’état.
Merci à vous deux pour ces réponses! Donc si je comprends bien avoir froid exprime un état mais ça ne veut pas dire qu’on doit analyser « froid » comme un attribut du sujet puisque « avoir froid » n’est pas un verbe d’état. C’est bien cela?
Voir le commentaire de LG56, tout dépend pourquoi on se pose cette question, si c’est dans le cadre d’un enseignement, à qui on s’adresse ? avec quels objectifs, etc.
Personnellement, le plus simple me semble de dire que c’est une locution et que ça ne s’analyse pas. Mais encore faut-il que si c’est destiné aux élèves qu’ils sachent ce qu’est une locution.
Bref, difficile de répondre dans l’absolu, sans avoir plus d’information sur l’objectif de la demande.
Novice,
Comment expliquerez-vous à vos élèves que malgré la présence du verbe avoir, avoir l’air est donné verbe d’état par les manuels (le syntagme n’est pas obligatoirement figé, mais apparemment ils n’introduisent pas cette nuance) ?
Bonjour phil-en-trop,
Effectivement c’est en faisant le parallèle avec « avoir l’air » que j’ai voulu avoir plus de détails et donc que j’ai été amenée à poser la question ici. Étant donné que l’on apprend aux élèves à catégoriser les verbes en verbes d’action et verbes d’état, je me voyais mal ici introduire la notion de locution verbale pour « avoir froid ». J’ai alors donné l’explication suivante: « avoir » dans « avoir froid » est un verbe d’action puisque ce n’est pas un verbe d’état. Si on essaie de le remplacer par « être » ça ne marche pas (j’ai expliqué cela comme l’a expliqué Dor4 dans sa réponse). Bien évidemment, cette explication ne me convainc pas moi-même et c’est difficile d’enseigner quelque chose alors que l’on est pas soi-même totalement convaincu…Mais il s’agit de la grammaire scolaire donc je dois faire avec pour l’instant.
Je vous remercie pour vos réponses. J’ai eu un peu honte de demander étant donné que je dois moi-même l’enseigner mais je préfère demander plutôt que rester dans une ignorance (un peu arrogante alors).
Merci à tous pour vos réponses.
OK, mais ce avoir froid, il est mentionné dans le manuel des enfants ? Si pas, il vaudrait à mon sens mieux éviter de l’évoquer, ainsi que tous les cas ambigus qui ne rentrent pas dans la dichotomie, éviter les locutions, et se contenter des verbes authentiquement d’action, c’est-à-dire ceux où un agent accomplit une action (éventuellement sur quelque chose, mais pas forcément, puisqu’il existe des verbes d’action intransitifs) ; ce qui d’ailleurs semble être le cas sur les sites disponibles sur le Net, mais je ne sais pas ce qu’il en est dans les manuels.
(Encore une fois, ça me parait complètement aberrant d’analyser une locution figée. On analysera casser sa pipe quand le syntagme est libre, mais non quand il est figé, ça n’aurait guère de sens).
Bonjour à tous,
Je vous remercie pour vos réponses qui m’ont aidée à y voir un peu plus clair. Cette question a été posée dans le cadre d’un exercice de CM2. Le voici : « Relève dans ce texte les attributs du sujet.
L’orage a l’air violent. Les éclairs sont désormais très longs. Le tonnerre est de plus en plus fort. Nous avons froid (…) »
Selon la leçon que j’ai donnée aux élèves et que l’on retrouve à peu près partout dans les manuels de Français du cycle 3, un attribut du sujet est relié au sujet par un verbe d’état. D’où ma question pour « avoir froid ». En vous lisant tous, je comprends très bien que la répartition des verbes en verbes d’état et verbes d’action n’est pas la plus satisfaisante. Mais c’est ce qui est enseigné aujourd’hui. Vos réponses sont très intéressantes et je les lis avec intérêt. Je débute dans ce métier et j’essaie d’anticiper les questions des élèves comme celle-ci (en essayant de leur apporter la réponse la plus claire possible).
Bonjour Novice,
J’ai trouvé cet exercice sur la toile, et je constate (sur un échantillon très/trop restreint) qu’en général chaud / froid dans avoir chaud / froid n’est pas analysé comme attribut, toutefois ici, il l’est.
Coquille ou bien influence de la sémantique ? Avec extrapolation à avoir chaud de cette explication, trouvée là :
En effet, il est ici, verbe d’action. « Dans la maison » ne précise pas « nous ». C’est un complément circonstanciel de lieu.
(Graissé par moi.)
Or, dans Nous avons bien chaud, bien chaud précise nous, alors ? Eh bien on retombe à la case départ.
On peut faire une analyse un peu subtile (avoir froid = locution verbale, inanalysable vs avoir peur = verbe support + prédicat nominal, avec peur COD), ou bien moins finement, mais plus simplement (mais on ne pourra pas alors expliquer pourquoi on peut dire La peur que j’ai eue, mais pas Le froid que j’ai eu) mettre toutes les locutions dans le même panier, comme ici (et ailleurs) :
Notez : de nombreuses locutions verbales ne sont pas analysables séparément : avoir froid, avoir faim, crier victoire, faire défaut, perdre pied, rendre justice, etc. doivent être comprises comme équivalent à un verbe simple.
(Souligné par moi.)
Avoir froid c’est ressentir le froid : je parlerai peut-être de verbe de sensation.
Phil-en-trope a raison de dire: on a ici une locution verbale, je ne sais pas s’il est très pertinent de l’analyser.
Avoir faim, avoir mal, avoir peur … sont des locutions, et le nom qui suit avoir n’est pas réellement Cod, ni attribut d’ailleurs.
Bonjour,
Avoir froid est un verbe d’action. En effet, un verbe d’état sert à préciser l’état ou la manière d’être du sujet. Il est pour cela accompagné d’un attribut du sujet :
Je suis beau. Il semble heureux.
Dans ta phrase, froid n’est pas un attribut du sujet car il ne dit pas comment EST le sujet (on ne dit pas nous sommes froids mais bien nous avons froid). Il donne plutôt une information sur le verbe avoir, c’est un complément du verbe.
Donc avoir froid est un verbe d’action.
Bonne journée.