Avenue (de) Lattre-de-Tassigny ?
Bonjour,
À Brignoles, une voie de circulation est officiellement désignée, selon ce que j’observe, par l’appellation « Avenue de Lattre de Tassigny ». Je ne vois pas vraiment comment corriger ça pour publication dans un document soigné.
Il convient d’écrire le terme générique en minuscule : « avenue… ». Le terme spécifique commence par des majuscules et a besoin de traits d’union, ce qui donne : « avenue de Lattre-de-Tassigny »… Cependant, le premier « de », la particule, n’a pas sa place ici, à mon avis. Formellement, cette avenue devrait être appelée « avenue Lattre-de-Tassigny », ou bien : « avenue Jean-de-Lattre-de-Tassigny », ou encore : « avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny », mais pas « Avenue de Lattre de Tassigny ».
Comment auriez-vous résolu ce cas ?
La typographie de la signalétique (ou de la publicité, ou d’un autre support public) n’est pas celle des ouvrages publiés. Cette dernière est codifiée à l’usage de la lecture d’un texte rédigé et suit ses propres règles.
Pour la signalétique (voir aussi les panneaux à l’entrée des villes), l’usage des majuscules et capitales est libre et les traits d’union disparaissent souvent. Certaines abréviations apparaissent (Sᵗ pour saint par exemple).
Pour votre exemple spécifique, dans une publication :
– pas d’ajout intempestif (Maréchal, prénom) si vous retranscrivez le nom de la voie ;
– pas de suppression de la particule de qui prend la majuscule si elle est en tête du patronyme ;
– pas de trait d’union mais espace insécable entre la particule et le reste du nom (cas typique avec La Fontaine) ;
– traits d’union ailleurs.
Exemple » J’habite depuis un an au numéro quarante-quatre de l’avenue De Lattre-de-Tassigny. »
Il est justifié de rétablir les bons usages orthotypographiques dans le corps d’un texte (majuscules, traits d’union). Mais il me paraît en effet inapproprié de modifier la dénomination officielle en y ajoutant un prénom ou autre.
Je suis vraiment tenté de supprimer la particule nobiliaire en raison de son caractère fautif : on parle de la rue La Fontaine, et non de la rue De La Fontaine, ou de l’avenue Mac-Mahon, et non de l’avenue De Mac-Mahon. De même, l’avenue aurait dû être nommée Lattre-de-Tassigny, et non De Lattre-de-Tassigny.
Néanmoins, je prends bonne note de votre solution, qui semble être le meilleur pis-aller.
Merci, Chambaron.
La typographie – à la différence de l’orthographie normative – est de l’artisanat qui demande en permanence des arbitrages en fonction des circonstances.
J’ai pris l’exemple de La Fontaine pour l’absence de trait d’union après le La. La particule de a, elle, disparu avec le temps et ne réapparait que lorsque le prénom Jean précède. Paradoxe de l’Histoire. Mais on imagine mal les rues s’appeler « Rue Gaulle » pour notre cher général…
Ah, l’exemple de de Gaulle ! Eurêka ! Mais c’est bien sûr ! Puisqu’on évoque un point d’orthotypographie, j’ai trouvé cet éclairage chez Lacroux :
« Devant les patronymes plurisyllabiques, si un prénom, ou un terme de parenté (famille, frère, oncle, etc.), ou un titre (nobiliaire ou de civilité), une fonction ou un grade ne sont pas précisés, la particule “de” est supprimée : La Fontaine, Lamartine, Richelieu, Vigny ; mais, éventuellement (usage très incertain), les frères Goncourt.
« La particule élidée est, en principe, conservée : d’Artagnan, d’Holbach ; mais, éventuellement, les Orléans.
« On ne supprime pas la particule “de” devant les noms monosyllabiques (ou bisyllabiques avec un “e” » muet final) : de Gaulle, de Grasse, de Lattre, de Mun, de Thou. Exceptions : cardinal de Retz, Retz, Donatien de Sade, Sade. »
Je dois donc me dédire. De même, l’avenue n’avait pas à être nommée « Lattre-de-Tassigny », mais bien « De Lattre-de-Tassigny ». Et la graphie orthodoxe, avec sa particule qui prend la cap initiale, n’a rien d’un pis-aller. C’est la bonne graphie.
Merci beaucoup pour votre aide !
Tout est bien qui finit bien ! Avec Lacroux, bien entendu, que j’ai lu et relu mais que j’avais négligé de consulter en l’occurrence…
Bonjour CParlotte,
En général, un texte dit soigné est un texte respecte les conventions orthographiques, grammaticales et typographiques que d’aucuns pourraient qualifier, en effet, d’« arbitraire illogique ».
Vous dites que l’on écrit rue de Mun, rue de Lattre, donc rue de Gaulle.
Or Ramat préconise la forme rue De Mun, rue De Lattre, rue De Gaulle.
Si vous disposez d’une référence orthotypographique où ce cas est prévu, je suis preneur.
Merci beaucoup !
@Maximilien, réponse à votre réponse,
Si vous parlez du cas précis des noms de rues, Ramat écrit peut-être « rue De Mun ». Il écrit aussi « rue De Lanaudière », « rue du Général-De Montcalm », « rue Jean-De La Fontaine ». Donc laissez tomber Ramat, son système n’a pas cours en France.
Si vous parlez plus généralement de la majuscule à la particule non précédée d’un prénom ou d’un titre, c’est une question à traiter indépendamment des noms de rues. Vous devez d’abord décider si vous écrivez « j’ai vu de Mun » ou « j’ai vu De Mun », « j’ai rencontré de Lattre » ou « j’ai rencontré De Lattre ». C’est le bon ordre pour raisonner. Il ne faut pas commencer par aller chercher comment Ramat écrit les noms de rues.
Pour faire le choix de la minuscule, vous pouvez constater l’usage (tapez avec les guillemets dans Google « avec de lattre » ou « à de lattre »), ou suivre par exemple Lacroux qui dit clairement de ne pas mettre de majuscule à la particule, même pour la distinguer d’une préposition, et d’écrire : « la flotte de de Grasse ».
Est-ce pour distinguer la particule d’une préposition que vous souhaitez mettre une majuscule à la particule quand elle suit le mot « rue » ?
@CParlotte
> Si vous parlez du cas précis des noms de rues, Ramat écrit peut-être « rue De Mun ». Il écrit aussi « rue De Lanaudière », « rue du Général-De Montcalm », « rue Jean-De La Fontaine ». Donc laissez tomber Ramat, son système n’a pas cours en France
Oui, je parle des noms de voies de circulation, d’odonymes. Mais, non, ce serait dommage de laisser tomberRamat. C’est un guide intéressant qui, dans l’édition que j’ai sous la main, fait clairement la part des choses entre l’usage de l’administration québécoise (rue du Général-De Montcalm) et l’usage ordinaire (rue du Général-de-Montcalm).
> Est-ce pour distinguer la particule d’une préposition que vous souhaitez mettre une majuscule à la particule quand elle suit le mot « rue » ?
Je crois que c’est l’idée (mais j’admets que c’est peut-être une mauvaise idée). Il me semble avoir lu « rue De Gaulle » quelque part, mais je n’ai pas tous mes manuels de composition sous la main. J’ai simplement Lacroux, Ramat, l’IN, le Code typo, Augier, le supplément de Colin, Dictionnaire des difficultés du français (Les Usuels, Le Robert)… Vraiment, si l’un des érudits qui fréquentent le présent forum dispose d’une référence orthotypographique (hors Ramat) où ce cas est prévu, je suis preneur.
(Si la voie s’appelait avenue du Général-de-Lattre-de-Tassigny, l’affaire serait entendue…)
@Maximilien, réponse à votre réponse à ma réponse
Tant mieux si vous avez trouvé chez Ramat une règle concernant un « usage ordinaire » pour la rédaction des noms de rues différant d’une règle québécoise. Je n’ai personnellement pas ces pages dans mon édition.
Encore une fois, vous devez d’abord répondre à la question « le vélo de de Mun » ou « le vélo de De Mun ». Répondez d’abord à cette question (sur laquelle il y a plusieurs points de vue possibles). Puis seulement ensuite, une fois que vous aurez choisi quel prescripteur vous souhaitez suivre, viendra la question de savoir si l’absence de majuscule dans « la rue nommée en hommage à de Mun » perdure ou non dans « la rue de Mun ». Vous ne devez pas raisonner directement sur les noms de rues, il y a une imbrication des normes à respecter.
Votre exemple de « de Gaulle » est peut-être à éviter, car le mot « de » n’y est pas une particule nobiliaire (et donc devrait nécessiter une majuscule systématique du point de vue de ceux qui veulent insister sur le fait qu’il n’est pas d’extraction noble ; des partisans de l’Algérie française ont en effet volontairement choisi d’écrire « De Gaulle », pour mieux banaliser son nom, voire le renvoyer à l’origine germanique de l’article « de »). Et cependant, en écrivant plus haut comme vous l’avez fait « l’exemple de de Gaulle », ne pensez-vous pas avoir clairement exprimé votre avis sur la majuscule à la particule, même involontairement ?
Si vous avez tous ces livres et qu’aucun de ces livres ne vous dit que la particule prend soudainement une majuscule quand on retire le prénom ou le titre (rue Albert de Mun –> rue De Mun), vous allez en acheter d’autres, jusqu’à en trouver un qui dise ce que vous espérez y trouver ?
> Répondez d’abord à cette question (sur laquelle il y a plusieurs points de vue possibles). Puis seulement ensuite, une fois que vous aurez choisi quel prescripteur vous souhaitez suivre, viendra la question de savoir si l’absence de majuscule dans « la rue nommée en hommage à de Mun ».
En effet. Ça me semble raisonnable.
> vous allez en acheter d’autres, jusqu’à en trouver un qui dise ce que vous espérez y trouver ?
Avec sous la main des refs à faire valoir, qui prévoient explicitement ce genre de cas de figure, ça simplifie beaucoup la vie collective dans certains cassetins, je vous l’assure !
En tout cas, merci pour votre éclairage.
La préposition « de » introduit souvent un nom apposé, comme dans « la ville de Paris ». Elle ne porte pas de sens. Elle est parfois facultative et on peut par exemple dire au choix « le nom de Moulin lui va bien » ou « le nom Moulin lui va bien ». Pour les lieux, l’usage varie, on a officiellement : le lycée Colonel-Arnaud-Beltrame et la place du Colonel-Fabien. Il n’y aurait pas de faute syntaxique à écrire sans préposition « avenue Maréchal-Juin ». Mais inversement, ce que nous constatons, c’est que quand le nom d’une rue est un nom de personne non accompagné, il n’y a jamais de préposition « de », donc dans votre exemple il s’agit obligatoirement de la particule, particule dont la présence vous étonne.
Vous n’abordez pas la question principale, qui est simplement que la particule est maintenue avec certains noms qu’on perçoit comme un tout, quelle qu’en soit la raison. Puisqu’on dit « j’ai rencontré de Mun », on dit aussi « la rue de Mun ». C’est certainement cette même raison d’un nom monosyllabique qui conduit à conserver la particule à « de Lattre de Tassigny ».
Alors que conserve-t-on en conservant un « de » qui en l’absence de prénom ou de titre antéposé ne peut plus être interprété syntaxiquement comme une préposition ? C’est évidemment un morceau du nom d’une personne en particulier qu’on conserve. Mais faut-il une majuscule ? Répondez à cette question indépendamment de la question des noms de rues : j’ai rencontré de Lattre ou j’ai rencontré De Lattre ?
Si comme la majorité des auteurs vous avez choisi la minuscule malgré l’absence de prénom et de titre, la question se pose à peine, on a juste un nom propre ne commençant pas par une majuscule. Et ce n’est pas de donner ce nom propre à une rue qui devrait en changer l’écriture. Si comme nom propre désignant une personne on n’y met pas de majuscule, comme reprise de ce nom propre pour désigner un lieu, on ne va pas faire apparaître une majuscule arbitrairement. Si on écrit « j’ai lu de Wismes », on écrit de même « j’habite rue de Wismes ». Si on écrit « j’ai rencontré de Lattre », on écrit « l’avenue de Lattre ». Si on choisit d’écrire « l’avenue De Lattre », c’est qu’on aurait également écrit « j’ai rencontré De Lattre », il y a une logique qu’il faut assumer entièrement.
Ensuite se pose la question des traits d’union. Ces traits d’union servent à agglomérer des mots qui sans traits d’union auraient un autre sens. C’est leur seule et unique fonction. Il serait donc logique de faire participer l’article, ou la particule conservée, à l’ensemble, et de l’y solidariser.
Et cependant l’article initial du nom propre, pas davantage que la particule ne sont liés au reste par un trait d’union, et on écrit :
— Voici Yves Le Roux. Voici Le Roux. La rue Yves-Le-Roux. La rue Le Roux.
— Voici Albert de Mun. Voici de Mun. La rue Albert-de-Mun. La rue de Mun.
— Voici Jean de Lattre de Tassigny. Voici de Lattre de Tassigny. La rue Jean-de-Lattre-de-Tassigny. La rue de Lattre-de-Tassigny.
Cette convention illogique existe. Je n’y trouve pour ma part rien de « soigné » comme vous le dites, mais seulement le respect d’un arbitraire illogique.
[j’ai remplacé mon exemple avec « du » par un exemple plus clair avec « de »]