Avec précaution(s)?
Bonjour,
Existe-t-il une expression figée « avec précaution » ou faut-il appliquer le principe généralement en vigueur dans ce cas, qui consiste à ajouter un déterminant pour savoir le nombre qu’on aurait dû utiliser, ce qui donnerait « avec précautions » (avec des précautions)?
En cherchant sur le net, je trouve une majorité d’occurrences du premier cas, d’où ma question.
Merci d’avance.
Bonjour Kion, encore une fois le dictionnaire de l’Académie nous donne la réponse (d’ailleurs corroborée par les dictionnaires usuels comme Petit Larousse et Petit Robert) : déplacer un blessé avec précaution (au singulier). Il s’agit bien d’une locution figée, basée sur le sens de précaution : prudence, circonspection (au singulier dans cette acception) plutôt que sur celui de disposition, mesure prise par prévoyance qui lui s’emploie plutôt au pluriel – on prend des dispositions, des mesures, des précautions.
Une expression figée est une suite de mots qu’on ne peut pas modifier. Son sens est généralement figuré
Il est impossible de modifier une expression figée, ni son lexique ni sa structure.
On ne peut dire avec le même sens :
J’ai du pain blanc sur la table
« Avec précaution » n’est pas une expression* figée. On peut varier la formule :
Avec d’infinies précautions – avec un luxe de précautions – sans aucune précaution – avec quelques précautions – les précautions qu’il avait prises…...
Le TLF dit seulement pour « précaution » : généralement précédé des prépositions avec ou sans]. Manière d’agir prudente et avisée, attention minutieuse que l’on apporte dans ses gestes, ses paroles, ses actes.
*locution : Groupe de mots constituant un syntagme figé (locution figée est un pléonasme)
Merci pour cette mise au point : on voit bien trop souvent cette expression employée abusivement, au point de croire qu’elle s’est elle-même (mal) figée dans les esprits…
Dont acte, merci Tara et Chambaron. J’ai effectivement repris un peu à la légère l’expression « locution figée » qui figurait dans la question, le terme « expression usuelle » aurait été plus approprié.
Bonjour Kion,
L’idée de mettre un déterminant pour trancher entre le singulier et le pluriel est intéressante, mais si avec un déterminant vous choisissez le pluriel, alors il faudra certes garder le pluriel, mais aussi généralement garder le déterminant.
Le mot « avec », accompagné d’un substantif au singulier et sans déterminant, crée une locution adverbiale.
* agir avec prudence, avec générosité = prudemment, généreusement (ici le singulier est évident parce que « prudence » et « générosité » sont des concepts qui ne s’utilisent qu’au singulier)
* agir avec précaution = précautionneusement
* on y parvient avec effort = difficilement
* travailler avec soin = soigneusement (le mot n’a même plus son sens concret)
Si on sent la nécessité d’un pluriel, c’est qu’on dépasse le simple adverbe pour en faire un complément plus concret désignant l’action entreprise, sa réalité, son résultat, et alors on met un déterminant.
Avec des précautions, on y arrive = en prenant des précautions
Avec des efforts, on y arrive = en faisant des efforts
Avec des soins, il s’en tirera = si on lui applique des soins
L’ambiguïté de :
– parler avec violence = violemment
– un vol avec violences = accompagné de violences
est due à la subsistance d’une utilisation de mots sans déterminants dans le domaine du droit et dans un nombre limité d’expressions (voir alors le dictionnaire), et à une tendance moderne mais souvent fautive à supprimer les déterminants.
De façon générale, mettez le singulier sans déterminant pour former l’équivalent d’un adverbe, et un déterminant avec un pluriel pour mettre l’accent sur un complément circonstanciel lié réellement à un substantif pluriel.
Certes, les critères de la non-compositionnalité et de la non- modifiabilité (évoqués par;Tara) sont d’importance. Mais il faudrait aussi parler de la non- substituabilité paradigmatique (aspect lexical) et de l’aspect graduel du figement (en fait, il existe un continuum de ce dernier).
Et encore n’arriverions-nous pas à une définition univoque. Ma présence à un colloque sur le figement m’a convaincu – comme d’autres – que, en dépit du grand nombre de colloques et de publications dans ce domaine, on n’est pas arrivé à une telle . définition.
L’enseignement que j’ai tiré de cela, c’est que le phénomène du figement n’est pas absolu et qu’il convient de considérer qu’une expression est figée ou ne l’est pas… avec beaucoup de précaution.
Bonne nuit.
(La taille des caractères est involontaire de ma part.)