Anantapodoton
Bonjour,
Lorsque la négation omet le « pas » (ou un autre mot du type) en employant « ne » tout seul, s’agit-il d’un anantapodoton ?
Merci !
Le mot qui complète une négation (il ne mange jamais, il ne mange rien…) n’est pas syntaxiquement induit par le « ne« , mais exigé par le sens. Omettre les mots « jamais », « rien », « guère », ce n’est pas une rupture de style, c’est simplement écrire une phrase tronquée ayant perdu son sens. Ce n’est pas une figure de style.
Quand le mot manquant est le simple mot « pas« , un pendant vide de sens à la négation « ne« , quand on dit « je ne sais » pour « je ne sais pas », alors l’omission de ce mot plus ou moins obligatoire est actuellement une figure de style dont la fonction est juste de « faire vieux », en ne complétant pas la négation par le marqueur « pas » exigé dans l’usage moderne. Cela ne porte aucune intention liée à l’articulation du discours.
La mot rigolo anantapodoton ne concerne pas la syntaxe. C’est un mot inventé par jeu, inutile à la grammaire, qui décrit juste un effet de surprise dans la construction d’une phrase, présentant une apparence de syntaxe correcte, mais dont le déroulé logique semble inachevé. En voici un exemple :
— De deux choses l’une, ma réponse vous conviendra ou non : si vous en êtes satisfait, tant mieux ; et je vous souhaite un joyeux Noël.
Non, ça peut être un ne explétif.
« ANANTAPODOTON, subst. masc. RHÉT. Variété d’anacoluthe où la rupture de construction se fait par suppression d’un élément normalement attendu dans une formule syntaxique généralement binaire (de sorte que le mouvement naturel de la phrase se trouve suspendu). » Le TLF
Voici une phrase avec un « ne » dit « explétif » (sans « pas ») : Je craignais que mes soins ne fussent mauvais.
Voici une autre phrase sans « pas » qui ne contient pas de « ne » explétif : Vous irez voir votre mère pour le 31 décembre ? Je ne sais.
Merci,
Certes, « ça peut être un ne explétif », mais cela peut-il aussi, dans des phrases erronées, que ce soit un anantapodoton ?
Non, une négation « ne » non suivie de « pas » ne peut certainement pas être un « ne explétif », c’est du n’importe quoi. Essayez de vous en tenir à votre question.
Par exemple « Je n’ai reçu de réponse. » Ou à l’inverse « J’aime pas. C’est pas bien. »
Ce que vous appelez « inverse » n’est inverse de rien du tout. Dans « j’aime pas », l’absence de négation est simplement due à une facilité de prononciation, comme dans « je n’sais pas, je sais pas, j’sais pas, chaipa, chpa… » Il n’y a là aucune figure de style.
D’accord, c’est à cause du « pas » qu’on s’autorise à supprimer le « ne », parce que « on comprend quand même ». Mais il n’y a aucune raison, à part la prononciation rapide, pour supprimer le cœur de la négation.
Dans tous les cas une tournure mérite l’appellation de figure de style que dans le cas où est un effet voulu et qu’elle porte du sens. au cas contraire on a une faute de style, de lexique ou de syntaxe selon les cas.
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L’article ci-dessous vaut la peine d’être lu. Il explique de façon très claire ce qu’est un anantapodoton : L’Auteur Inspiré: La figure du jour: l’anantapodoton
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J’inaugure une nouvelle série d’articles sur les figures de style. Purement techniques, ces articles sont l’occasion d’approfondir certains aspects méconnus de la langue française qui en font tout le charme. Aujourd’hui, l’anantapodoton.
Le mot barbare anantapodoton vient du grec, et signifie à peu près « phrase incomplète » (je simplifie). L’anantapodoton apparaît lorsqu’on commence une phrase comprenant une alternative en omettant de donner le deuxième terme. Exemple:
« D’une part, elle me plait, oui, elle me plait. »
On s’attend logiquement à ce que la phrase continue avec l’expression « d’autre part » pour conclure l’alternative. Mais on ne la retrouve pas, à notre grande surprise! L’effet obtenu renforce le sentiment amoureux de celui qui prononce la phrase: alors qu’il s’apprêtait à faire la liste des points positifs et négatifs de sa bien-aîmée, il s’arrête en cours de route pour ne rester que sur le point positif.
Cette figure de style ressemble à s’y méprendre à une erreur de langage et son utilisation volontairement poétique n’est pas si facile. Toutefois, la surprise face à cette disparition peut provoquer soit le rire…
« Quelle est la différence entre ta mère? »
Quelques poètes un peu plus raffinés se sont servis de l’anantapodoton pour provoquer quelque effet, comme cet exemple de Paul Valéry:
« Les uns, dirait-on, ne songent jamais à la réponse silencieuse de leur lecteur. »
En omettant « les autres », Valéry illustre bien cette absence de réponse. De plus, cela lui permet de ne pas devoir expliciter la suite de la phrase, qui serait assez banale: « les autres s’en inquiètent tout le temps ». On avait bien deviné! La licence poétique l’autorise à se départir des poids morts qui n’apportent rien au texte.
L’anantapodoton est une figure de style qui fait partie du groupe des anacoluthes, qui ont comme point commun de se baser sur une rupture de la synthaxe: au sens strict, elles sont donc à considérer comme des fautes de grammaire! Attention, donc, à ne les employer que si l’effet provoqué en vaut la peine!