analyse grammaticale
Bonjour,
« Courir après sa jeunesse. » On me demande la fonction de « après sa jeunesse ».
Deux réflexions :
1. « courir après » étant une locution verbale, je peux considérer que « sa jeunesse » est COD, mais la question concerne « après sa jeunesse » !
2. « après sa jeunesse » est un GN prépositionnel, sa fonction est-elle COI car la question pouvant être posée est « après quoi » ?
Qu’en pensez-vous ?
Bonjour,
Sans doute pourriez-vous transmettre à ce correcteur le lien suivant :
https://www.cnrtl.fr/definition/courir
Courir a deux emplois.
Le premier intransitif donc pas de COD ou de COi, uniquement des compléments circonstanciels.
Le second transitif direct avec diverses acceptions : « Il aime courir la gueuze », « La gentillesse ne court pas les rues », « elle court le monde pour son travail », etc.
Il n’a jamais de COI.
La grammaire académique (et sa terminologie parfois absconse) a décidément beaucoup de mal à rendre compte de la complexité de la langue. Au mieux, je lui trouve une utilité scolaire mais elle ne cesse ensuite de soulever des questions assez vaines au lieu d’apporter des réponses pratiques. Les Latins étaient plus heureux, eux qui se contentaient de décliner les noms là où nous martyrisons les phrases sur un lit de Procuste pour les faire entrer dans des catégories artificielles.
Enfin, votre réponse en complément circonstanciel avec préposition me semble la plus sensée. Je ne vois là aucune trace d’un datif, ce que nous avons jargonesquement appelé C.O.I.
Bonjour,
» Après », dans votre phrase, introduit un complément circonstanciel de but.
Il indique une action de recherche en cours, il précise la raison pour laquelle il court.
On peut courir après un voleur, la gloire, sa jeunesse, etc.
Bonjour,
Merci pour cette réponse. Je suis plutôt d’accord avec vous malgré la correction proposée par un professeur de français, – correcteur de préparation concours, qui indique que c’est un COI.
Eeeeh oui ! ce site n’est pas exactement à la page pour un certain nombre de questions, et particulièrement pour ces questions d’analyses grammaticales.
En l’espèce, faites confiance à votre prof (même si personnellement je n’appellerais pas ce complément un COI, mais un complément indirect de verbe – mais c’est un détail d’étiquetage et non d’analyse, malheureusement cette absence de consensus dans les dénominations ne clarifie pas les choses, et c’est bien dommage !) et si vous êtes à nouveau confronté à ce genre de questions, vous pourrez utilement consulter ce dictionnaire qui est à jour concernant la nouvelle nomenclature sur la (in)transitivité des verbes.
Vous pourrez y constater que la forme courir après est bien donnée transitive indirecte (une bulle informe que ce verbe est donné intransitif par la grammaire traditionnelle), ce qui suit est donc bien un complément de verbe et non un complément circonstanciel.
Vous diriez donc que dans la phrase : « Un groupe de dauphin nage au-devant du voilier », « au-devant du voilier » est complément indirect de verbe, et non un complément qui précise le but de cette nage.
Donc dans la phrase « »Un groupe de dauphin nage rapidement » , « rapidement » serait donc un complément direct de verbe (ou un adverbe, c’est une question d’étiquette).
Il y a bien sûr ici une image, mais elle ne doit pas forcément nous inciter à raisonner différemment que nous le ferions avec un sens plus concret ; commençons avec l’analyse grammaticale d’une phrase bien concrète :
— Pierre poursuit Paul.
— Pierre court après Paul.
Ces deux phrases commencent par un sujet. C’est le sens qui dit si le complément qui suit le verbe est un objet.
Si vous voulez bien admettre que ces deux phrases expriment exactement la même réalité, et s’il y a un complément objet dans la première phrase, alors il y a un complément objet dans la seconde phrase. Cela n’est pas négociable, ce n’est pas la construction syntaxique qui détermine l’objet, mais le sens.
Dans une phrase avec un sujet et un objet, il y a deux actants, et un sens transactionnel liant les deux. Ici on a Pierre, on a Paul, l’un pousuit l’autre, l’autre est poursuivi par l’un… Tout est très clair (parfois il faut faire un effort de conceptualisation, mais a priori pas dans ce cas très simple). Ces deux propositions ont un sujet, un verbe et un objet.
Dans la première phrase, il n’y a pas de préposition, donc le CO est COD.
Dans la seconde phrase, il y a une préposition, donc le CO est COI.
La notion de complément d’objet n’est pas une notion liée à la construction syntaxique de la phrase.
La réponse peut s’arrêter là.
Votre réflexion 1.
Faut-il rattacher le mot « de » à la locution verbale (courir après) ? Ou ce mot fait-il partie du COI (après Pierre) ? Ce n’est pas une question bien importante, et c’est un peu les deux, selon l’approche. Dans « Paul obéit à Pierre », est-ce qu’on utilise la locution « obéir à », ou simplement le verbe « obéir » suivi du COI « à Pierre » ? Formellement c’est la deuxième réponse qui est syntaxiquement juste, mais c’est vrai que quand le verbe change de sens selon qu’il est ou non suivi d’une préposition, on a tendance à parler de locution verbale (car « courir après » ce n’est pas vraiment « courir »). Formellement, on doit préférer parler d’un verbe simple suivi d’un COI. Mais ça a peu d’importance, et surtout, si jamais vous parliez de « courir après » comme d’une locution verbale, il ne faudrait pas en profiter pour dire que, comme vous le sous-entendez, puisque la préposition est presque intégrée au verbe, elle n’est pas dans le complément d’objet, et que ce complément est donc un COD. Comprenez que ce qui compte pour différencier un COD d’un COI, c’est simplement la présence ou non des mots « après », « à », « de », « sur »… peu importe si on les rapproche plutôt du verbe ou de son complément.
Votre réflexion 2.
Oui, « après sa jeunesse » est un GN prépositionnel. Oui, sa fonction est COI (voir plus haut). Non, la question qu’on pose pour l’identifier n’est pas celle-là, car un « après quoi » pourrait aussi bien évoquer un complément circonstanciel. Pour identitifier un COI, il faut d’abord identifier qu’on a un CO ; et si ce CO commence par une préposition, alors c’est un COI.
La locution imagée.
Est-ce que le sens imagé de l’expression « courir après sa jeunesse » ne change pas la donne ? Si c’était le cas, ce serait plutôt dans l’autre sens.
En effet, on peut éventuellement admettre que « je cours après le voleur » signifie encore (par fidélité à l’origine de la locution) d’une part « je cours », et d’autre part, de façon subsidiaire, « dans l’objectif d’attraper le voleur ». On n’aurait pas le sens de « poursuivre », mais de « courir, avec un objectif en tête ». Cette approche consiste en ce que l’article du TLFi mis en lien par Ouatitm appelle un « aspect connotatif progressif au procès ».
On dirait plus simplement que l’idée de but est présente dans le verbe, et qu’un verbe qui contient l’idée de but est transitif dans ce sens. Et donc, même si dans un sens concret on acceptait la notion de verbe intransitif suivi d’un complément circonstanciel, dans un sens imagé ce serait impossible, car courir après sa jeunesse ne signifie pas courir. Dans le sens imagé de « courir après » encore plus que dans le sens concret, le complément est un complément d’objet désignant ce qu’on tente de retrouver, de rattraper…
Bonsoir,
je suis entièrement d’accord avec le fait que si « courir après » est considéré comme une locution verbale, c’est à dire qu’il a en soi une fonction verbale, alors « sa jeunesse » ne peut être que COD, ce qui infirmé (sauf si vous êtes Yoda) par la possibilité d’écrire : « Sa jeunesse, il court après »
En revanche, je ne vois pas en quoi la poursuite d’un but introduit par une préposition change un verbe intransitif en verbe transitif indirect.
Diriez-vous que dans la phrase : « La route va jusqu’ après les montagnes puis se termine. « , le verbe aller est transitif indirect, n’ayant pas ici son sens concret ?
Le mieux serait que vous posiez vos questions générales sur l’analyse grammaticale dans le fil principal plutôt que dans les commentaires d’une question particulière.
A/
Votre première remarque correspond exactement à la réflexion 1 de Riiggz, et j’y ai répondu plus haut.
Dans COD, le O traite du sens et le D de la construction.
La construction « courir après » n’est pas directe donc on n’a pas là un COD.
Dire que « courir après » signifie « poursuivre » et donc reçoit un COD, c’est comme dire que « se souvenir de » signifie « se rappeler » et donc reçoit un COD. Mais non. Dans les deux cas on a un complément d’objet, et selon qu’il y a ou non une préposition entre le verbe et l’objet, le CO est COI ou COD.
Et donc « courir après » est une expression verbale transitive, de construction indirecte, et reçoit un COI.
B/
Vous utilisez le mot « transitif » comme une classification de dictionnaire, et c’est à tort dans le cadre de l’analyse grammaticale. La transitivité n’est pas une caractéristique interne du verbe. C’est phrase par phrase qu’il faut voir si un verbe a un emploi transitif ou intransitif. Un verbe a un emploi transitif quand il met en rapport nécessaire deux actants de la phrase.
Vous voyez bien à quel point le TLFi a dû ramer pour dire sans le dire que « courir après » met en relation un sujet et un objet, et qu’à ce titre, comme « poursuivre », cette locution verbale est transitive dans cet emploi. Au lieu de dire cela en quelques mots, ils ont été obligés de dire que « suivi de la préposition après, on a un (I) emploi intransitif (B) prépositionnel avec (2) aspect connotatif progressif au procès suggérant l’idée de poursuite ». Eh bien leur phrase à la con, elle veut juste dire que le verbe est transitif dans cet emploi. On peut dire « je cours », avec emploi intransitif. Mais on ne peut pas dire sans ellipse « je cours après » donc « courir après » n’autorise en aucun cas l’emploi intransitif.
C/
Le cas particulier des compléments de lieu et des verbes de déplacement, avec sens concret ou avec sens imagé.
L’idée de complément circonstanciel de lieu accompagnant un verbe intransitif est totalement abandonnée et très absurde, elle n’est d’ailleurs pas si ancienne, elle ne relève aucunement de la grammaire traditionnelle mais seulement de la grammaire scolaire fautive, elle correspond simplement à une période d’errance de l’enseignement en France (hélas celle qui a formé nos enseignants actuels), et il ne reste guère sur notre site qu’une contributrice pour défendre cette idée. Le verbe aller, par exemple dans « je vais à Paris », est bien suivi d’un complément obligatoire non circonstanciel.
La majorité des grammaires (par exemple le Grevisse) utilisent simplement la notion de complément essentiel de lieu.
Je mange quoi = COD. J’obéis à qui = COI. Je vais où = CEL.
Dans votre exemple « aller jusqu’à », oui, le verbe nécessite un complément. Je vous suggère donc d’utiliser la notion de CEL. Si pour vous, « transitif indirect » appelle un COI, et si vous pensez que les montagnes sont un objet de la phrase davantage qu’un lieu où se situe l’action de la phrase, vous pouvez, comme l’analyse fonctionnelle le fait souvent, parler de verbe transitif, d’objet, et donc de COI. Aucune importance à l’échelle d’une phrase isolée.
L’analyse fonctionnelle de la phrase peut en effet fusionner les compléments d’objet et les compléments essentiels de lieu.
Dans « je regagne ma chambre », on peut voir un CO direct ou un CEL direct.
Dans « je monte dans ma chambre », on peut voir un CO indirect ou un CEL indirect.
Mais en termes d’analyse grammaticale, il y a une perte d’information, et cela ne présente aucun avantage évident.
Merci pour cette réponse explicite. Les subtilités grammaticales de la langue française m’étonneront toujours. Et les questions afférentes à cette langue aussi.