Accord du verbe quand il n’y a qu’un déterminant pour plusieurs termes coordonnés
Bonjour,
J’ai une question à soumettre concernant une règle que j’ai trouvée dans (le bon usage). Il s’agit de : l’accord du verbe avec un seul déterminant pour l’ensemble des termes coordonnés.
a)
S’il y a un seul déterminant pour l’ensemble des termes coordonnés, le verbe et l’attribut se mettent au pluriel si le déterminant ainsi que le nom (les adjectifs étant au singulier par accord distributif) sont au pluriel.
Par exemple :
– Les langues anglaise, portugaise, espagnole servent à l’interprétation de la pensée de plusieurs millions d’hommes
– Les VI et X armées s’élancent à l’assault
(Bien évidemment, on peut répéter le déterminant au singulier devant chaque nom pour justifier l’accord du verbe au pluriel. Mais mettre le déterminant au pluriel évite les répétitions)
b)
Le verbe et l’attribut sont au singulier si le déterminant unique ainsi que le nom sont au singulier.
Par exemple :
– La littérature grecque et latine nous a familiarisés avec les dieux du monde
– Une seconde, troisième et ixième édition était censée s’écouler plus facilement que la première
Pour ma part, c’est ce dernier point là qui me choque. Comment peut-on justifier l’accord du verbe au singulier alors qu’il y a plusieurs sujets distincts dans ces phrases, bien qu’il n’y ait qu’un seul déterminant au singulier. Cette règle me parait fautive. J’aurais plutôt tendance à accorder au pluriel en considérant l’ellipse des autres déterminants. Comme dans les phrases suivantes (l’ellipse est entre parenthèses) :
– La littérature grecque et (la) latine nous ont familiarisés avec les dieux du monde
– Une seconde, (une) troisième et (une) ixième édition étaient censées s’écouler plus facilement que la première
Mes exemples me semblent de meilleure langue. Qu’en pensez-vous ? 🙂
D’ailleurs, ce qui fait qu’on peut imaginer quatre tours :
– La langue latine et la langue grecque
– La langue latine et la grecque
– Les langues latine et grecque
– La langue latine et grecque
De plus, quelques auteurs se rangent de mon côté :
– L’amateur de masques a pu porter de temps à autre celui du joyeux drille, du roué désinvolte ou, tout simplement, du bon Belge, faux nez plus factices encore que son loup de jeune prince (Yourcenar)
Dans la phrase de Yourcenar, « faux nez factices » renvoie en fait à trois « celui », dont deux ne sont pas exprimés. Même chose dans l’exemple suivant :
– Cette fixité qui rend redoutables l’attention de l’enfant perplexe et du chien incrédule
(ellipse de « celle » devant « du chien »)
Merci pour vos réponses
Bonjour Tony, je suis un peu surpris que vous soyez « choqué » par l’utilisation du singulier, car il me semble que nous sommes ici typiquement dans le cas de sujets multiples « exprimant une même idée ». Cette notion avait été défendue par plusieurs contributeurs à l’occasion d’une question que vous aviez posée (ici) à propos de la phrase « le calme et le respect des habitants est/sont une priorité ». Autant dans ce dernier cas je n’étais pas d’accord avec l’utilisation du singulier, l’argument d’ « une même idée » m’y semblant quelque peu fallacieux, autant dans le cas qui nous occupe ici cela me paraît au contraire très naturel (un seul nom et plusieurs adjectifs participent bien de la même idée). Personnellement je ne trouve donc rien à redire à la phrase la littérature grecque et latine nous a familiarisés avec les dieux du monde, je serais au contraire très gêné par le verbe au pluriel (la littérature […] nous ont familiarisés). Pour le deuxième exemple (une seconde, troisième et ixième édition était censée s’écouler), j’aurais plutôt comme vous mis le pluriel, mais il me semble que le principe de « même idée » est ici aussi tout à fait défendable (on peut également y voir une certaine « gradation »).
Bonjour Christian,
Dans le post que j’avais fait précédemment, ce n’était pas vraiment le même cas. Dans l’autre post, il s’agissait de l’accord du verbe avec plusieurs sujets dits neutres. Quand il s’agit de sujets neutres, en effet les deux accords sont possibles. Il y a des exemples des deux genres dans le « Bon usage »
Par exemple :
– Ceci et cela ne me dérange (ou dérangent) pas
– Voler et mentir n’est (ou ne sont) pas bien
Mais dans le post d’aujourd’hui, il ne s’agit pas de sujets neutres mais de sujets définis. Seulement, la question de l’accord du verbe se pose lorsqu’il n’y a qu’un déterminant.
Pour vous, le pluriel choquerez dans la phrase « la littérature grecque et latine nous a familiarisés {…} »
Je peux le comprendre car votre point de vue est défendable et c’est notamment celui du « bon usage ». Cependant, je pense que le mien est défendable également en se basant sur une ellipse. Êtes-vous d’accord pour l’accord au pluriel dans la phrase suivante ?
– La littérature grecque et la latine nous ont familiarisés {…}
Si vous êtes d’accord, refaite la même phrase en faisant ellipse de « la » devant « latine ». À ce moment, considérez-vous le pluriel comme fautif ? 🙂
Bonjour Tony, vous basez votre analyse sur le fait que dans la littérature grecque et latine vous sous-entendez un deuxième sujet (la littérature grecque et [la [littérature]] latine). Or pour ma part je ne vois qu’un seul sujet (la littérature) et deux adjectifs qui s’y rapportent. Si vous préférez, mon sous-entendu à moi est la littérature [, qu’elle soit grecque ou latine,] nous a familiarisés… Je ne dis pas que votre point de vue est moins valide que le mien, ni que le pluriel est grammaticalement fautif, simplement que dans ce cas précis le singulier me semble plus naturel. Cela dit, cet exemple est un peu un cas d’école (sans jeu de mots 😉), les exemples de ce type (le <nom> <adjectif1> et <adjectif2>) ne sont pas légion…
En y réfléchissant à nouveau, je vois un autre moyen de trancher ce nœud gordien, qui est de dire que la question ne se pose pas car cette phrase est de toute façon sémantiquement incorrecte : la littérature grecque et latine n’a pas sens car la littérature ne peut pas être à la fois grecque et latine… 😛
Je pense que ce qui justifie le singulier c’est le déterminant : la littérature grecque et latine…
On considère ainsi une entité unique et il est normal que l’on accorde le verbe au singulier.
Même chose pour l’édition qui globalise un phénomène que l’on pourrait considérer tout autant par des éléments distinguables.
Loin d’en être choquée, je considère que c’est une grande subtilité de toute langue d’avoir une série de modulations. Et si l’on se trompe, après tout, ce n’est pas si grave de dire : la première et la seconde édition sont en rupture.
Bonsoir Joëlle,
En effet, vous avez raison. Après tout toute langue a ses subtilités. Puis si l’on veut vraiment enlever toute subtilité, autant privilégier les parallélismes de construction normalement. Au moins, il n’y aura pas de doute 🙂