Accord du verbe avec syllepse / Mot mis en apostrophe
Rebonsoir,
Je me suis acheté le « Bon usage », et il y a quelques points dedans que je ne comprends pas.
1) Dans ces deux phrases, il s’agit bien d’une espèce de syllepse n’est-ce pas ? On fait omission de « tu » et « vous » si je comprends bien.
– Notre père, qui es aux cieux (Cf. $931, b)
– Tous deux avez tort
2) Dans ces deux phrases, il est dit que le locuteur a assimilé un complément prépositionnel à un mot en apostrophe. Je ne comprends pas les accords. Qu’en pensez-vous ?
– Hardi ! ouvriers, paysans, bourgeois, prêtres français qui souffrez et luttez sur chaque arpent de la patrie.
– À tous ceux et a toutes celles qui m’écoutez ce soir.
3) Quand l’antécédent est un mot mis en apostrophe (cf. $376), le verbe est à la 2 personne du singulier ou pluriel selon que l’on vouvoie ou tutoie l’interlocuteur :
– Qui n’apparais qu’au jours des pleurs ?
– Adieu, vilain chat qui aurais tant voulu avoir des ailes.
– Qui rêves sérénade ..
(Le pronom « qui » n’est pas toujours à la troisième personne du singulier quand il ne désigne personne de concret ?)
Par exemple :
– Enfant qui joue avec le feu !
– Qui se ressemble, s’assemble.
Pour cette raison, je ne comprends pas non plus l’accord des trois premières phrases. Pouvez-vous m’expliquer brièvement ?
Merci pour vos éclaircissements
1. La syllepse (accord avec le sens, constructio ad sensum , ou accord logique) consiste à faire l’accord d’un mot, non avec le mot auquel il se rapporte selon les règles grammaticales, mais avec le terme qu’on a dans l’idée ou, si l’on veut, avec la réalité sous-jacente.
Nous sommes dans le cas où l’accord contredit le genre ou le nombre normaux du donneur.
Quand les pronoms personnels nous et vous sont employés pour un seul être, l’adjectif, attribut ou épithète, le participe passé qui s’accordent normalement avec ces pronoms, se mettent au singulier (et au genre correspondant au sexe de la personne) :
Nous nous sommes résolu à publier les résultats de notre enquête (A. Martinet).
(Le Bon usage, § 435 et § 438)
Il s’agit bien d’un accord par syllepse dans vos deux exemples.
2. – Hardi ! ouvriers, paysans, bourgeois, prêtres français qui souffrez et luttez sur chaque arpent de la patrie.
– À tous ceux et a toutes celles qui m’écoutez ce soir.
On s’adresse à des personnes ; on pourrait écrire : « Hardi ! ouvriers […] prêtres français, vous qui souffrez… » et « À tous ceux […], vous qui m’écoutez… ».
Ce qui explique l’accord.
3. Le mot en apostrophe est un nom ou un pronom (ou un syntagme nominal ou pronominal) désignant l’être animé ou la chose personnifiée à qui on s’adresse.
(Le Bon usage, §376)
– Qui n’apparais qu’au jours des pleurs ?
– Adieu, vilain chat qui aurais tant voulu avoir des ailes.
– Qui rêves sérénade ..
Là aussi, on s’adresse à une personne, le pronom « toi » est sous-entendu :
« Toi qui n’apparais qu’au jour des pleurs ? »
« Adieu, vilain chat, toi qui aurais… »
« Toi qui rêves sérénades ».
Merci beaucoup pour tout ces éléments Jean Bordes. Vous m’avez bien aidé !
Juste une petite question pour le point deux.
Peut-on simplement écrire :
– Hardi ! ouvriers {…} prêtres français qui souffrent (ou souffraient)
– À tous ceux et à toutes celles qui m’écoutent (ou m’écoutaient)
Ce serait correct en ce sens ? On n’est pas obligé de sous-entendre « vous » me semble-t-il
« Hardi ! ouvriers {…} prêtres français qui souffrent ».
Non. « Hardi ! » s’adresse à un groupe de personnes. Donc, on ne peut employer que la 2e personne du pluriel : « Hardi ! ouvriers {…} prêtres français qui souffrez ».
« À tous ceux et à toutes celles qui m’écoutent ».
Cette formule peut s’employer.
« Hardi » n’est pas adjectif ? Comment se fait-il qu’il représente un groupe de personnes ..
À moins que, s’il avait été au pluriel « hardis ! » Là, la troisième personne du pluriel aurait pu s’utiliser non ?
Tony,
« Hardi » n’est pas adjectif ? Comment se fait-il qu’il représente un groupe de personnes ..
Non, « Hardi » n’est pas un adjectif ici, mais une interjection (ne pas confondre avec « un projet hardi » où « hardi » est adjectif).
Je n’ai jamais dit qu’il représentait un groupe de personnes, j’ai dit « il s’adresse à un groupe de personnes ».
Ah oui, au temps pour moi Jean Bordes.
Une dernière remarque, êtes-vous sûr que cette phrase a du sens ?
– À tous ceux et à toutes celles vous qui m’écoutez
Elle me parait vraiment bizarre cette tournure ..