Accord du PP après c’est… que
Bonjour,
Dans une très récente discussion, un éminent contributeur a soulevé une question qui me laisse perplexe.. Il s’agit de l’accord du participe passé après la tournure emphatique c’est… que…. Par exemple : c’est une pomme que j’ai mangé(e) (au sens de : non, ce que j’ai mangé n’est pas une poire, c’est bien une pomme). Mon premier réflexe fut de me dire que l’antécédent du pronom que étant une pomme, il était évident qu’il fallait faire l’accord : c’est une pomme que j’ai mangée (contredisant l’avis du susdit contributeur, qui prétendait, lui, qu’il ne fallait pas accorder). Mais en marchant dans ses pas je me questionne : suis-je sûr au fond de moi d’avoir raison ? Et à bien y réfléchir, l’antécédent de que me semble finalement plutôt être le pronom c’ (pour ce, cela) : cela [que j’ai mangé] est une pomme. Auquel cas l’antécédent serait neutre donc l’accord ne devrait pas se faire. Ce qui n’est pas sans poser d’autres questions car de la même façon on pourrait (devrait ?) écrire : c’est une femme que j’ai vu cette nuit-là (toujours au sens non, ce n’était pas un homme !) ce qui me heurte un peu.
J’ai cherché sur ce site et sur Internet mais je ne suis pas parvenu à trouver une réponse précise à cette question : faire l’accord du participe passé dans ce cas est il obligatoire, facultatif ou fautif ? Qu’en pense la docte assemblée ? Merci de vos réponses éclairantes…
Je ne suis pas experte, mais je pense ou je me dis que vous avez raison. On devrait accorder. On écrit bien : la forme que j’ai faite – c’est la forme que j’ai faite.
Bonjour ChristianF.
« C’est… Que », « c’est… qui » sont des présentatifs qui permettent de mettre en relief un élément de la phrase sans le remplacer comme le ferait le pronom démonstratif « ce ».
L’élément ainsi mis en valeur garde toute sa fonction et dans l’exemple donné celle de COD, antécédent de « que ».
Je ferais donc l’accord.
De mémoire, cette question n’a pas effectivement été traitée comme telle depuis la création du site.
Il s’agit à mon sens d’un accord par syllepse, c’est-à-dire non strictement grammatical mais dépendant du sens. Je me baserai sur votre phrase légèrement modifiée :
— c’est une femme que j’ai vu cette nuit-là : ce que j’ai vu (neutre) est bien une femme.
— c’est la femme que j’ai vue cette nuit-là : la femme que j’ai vue (féminin) est bien celle-là.
Il faut donc accepter la difficulté consistant à ne pas avoir un accord « mécanique » mais dépendant de l’ensemble de la phrase et du contexte.
P.S. On entend la différence avec un verbe du 3e groupe :
— c’est une bombe que j’ai découvert ;
— c’est la bombe que j’ai découverte dans le sac.
Je ne trouve rien dans le Grévisse qui justifierait l’absence d’accord. Je n’y ai pas trouvé d’exemples complètement équivalents, mais ceux donnés vont dans le sens de l’accord.
Dans le paragraphe sur les présentatifs : « C’est sa montre qu’elle a perdue. »
Dans le paragraphe sur les pronoms démonstratifs, sous-paragraphe où « ce que » et « ce qui » sont des introducteurs permettant de mettre en évidence tel ou tel élément de la phrase : « C’est sa mère qui est venue tout à l’heure. » L’accord ici nous paraît évident. Il montre à mon avis qu’il s’agit bien d’un pronom relatif, et qu’il remplace le nom mis en évidence.
Bonjour Pascool, le cas de C’est sa mère qui est venue est légèrement différent et plus simple à gérer dans la mesure où le pronom qui est sujet et donc sans ambiguïté féminin (on ne peut pas se poser la question par rapport au c’ neutre). Mais néanmoins l’exemple est intéressant car dans la phrase C’est sa mère que j’ai vue tout à l’heure, je pense que l’accord est plus difficilement contestable (et comme vous je n’ai trouvé dans le Grevisse que des exemples allant dans le sens de l’accord).
Bonsoir,
Je confirme l’analyse de Phl.
Il faut bien écrire »c’est une pomme que j’ai mangée ; et ce, même s’il y a une virgule.
Sinon, il faut proposer une autre tournure »une pomme, c’est ce que j’ai mangé » » Ce que j’ai mangé, c’est une pomme »
Il en aurait été autrement si la phrase avait été du genre » La séparation a été plus rapide que prévu »
Là, en effet, il y a *c’est » sous-entendu.
Le Bon Usage va également en ce sens.
Je comprends que l’on puisse admettre une syllepse. Dans ce cas cependant, je pense qu’il serait utile d’introduire une virgule après « que » ; c’est une pomme, que j’ai mangé.
On peut aussi proposer d’autres tournures plus explicites:
– Ce que j’ai mangé, c’est une pomme.
– C’est une pomme, ce que j’ai mangé.
– Une pomme, voilà ce que j’ai mangé…
Bonjour et merci à tous pour vos réponse. La diversité des opinions prouve bien que le problème est plus complexe qu’il n’y paraît. Effectivement après une première recherche, tous les exemples que j’avais pu trouver, notamment dans le Grevisse, allaient dans le sens de l’accord et ne mentionnaient même pas qu’on pût envisager de ne pas le faire — et les avis de PhL, Cyril17, Pascool et Zully vont aussi dans ce sens, qui semble au premier abord le plus logique (le seul ?) d’un point de vue strictement grammatical (COD placé avant, etc.). Cependant les arguments de Kerglof et Chambaron me semblent également tout à fait recevables et tendent à prouver que dans certains cas il est légitime de ne pas faire l’accord. Ce qui me semble intéressant est que ces cas ne répondent pas à une règle simple (« mécanique ») en fonction du genre, du nombre, de la fonction, de la position, de la nature de l’article (la femme, une femme), etc., mais sont également étroitement dépendant du sens (sémantique)– manifestement il y a donc bien syllepse… Encore merci pour vos éclaircissements.
Les accords par syllepse sont finalement très nombreux en français : compléments de noms, noms en apposition, etc. Sur les 4 631 questions posées à ce jour sur ce site, très nombreuses sont celles qui y font référence, engendrant beaucoup de tergiversations et de litiges inutiles.
Cela souligne à mon sens, une fois de plus, la vanité de certaines règles de graphie. De nombreux grammairiens modernes proposent l’invariabilité des participes après avoir. L’accord est une nuance inaudible pour la plupart des verbes (premier et deuxième groupes) et souvent peu porteuse de sens à l’écrit, mais consomme une énergie disproportionnée pour être comprise et correctement appliquée.
Il y a là matière à réflexion…
Kerglof laisse entendre dans la phrase: Ce sont des murs de pierre que ces satanés Gaulois ont construits…, qu’en changeant le terme Ce sont par C’est, l’accord du participe ne se fait plus. Et dans: Ce sont ou C’est des enfants très agréables, pensez-vous que l’adjectif doit rester invariable en utilisant le présentatif C’est ? En consultant l’arrêté du 28.12.76. sur les tolérances grammaticales ou orthographiques, je citerai cet exemple de l’arrêté (n° 6 à l’article Verbe): Ce sont là de beaux résultats, C’est là de beaux résultats. Si vous remplacez Ce sont par C’est, vous changez le sens, et cela devient: C’est là un beau résultat, alors qu’il n’y a pas modifications en nombre selon l’emploi de Ce sont ou C’est.
C’est généralement l’avis des linguistes qui compte et l’usage, même si leur raisonnement n’est plus de mise de nos jours ou a évolué, c’est de cette façon qu’il faut écrire… Trop de réflexion peut être néfaste en orthographe.