accord

Bonjour à tous, je ne sais si je dois accorder dans cette phrase le mot « ferme » ne s’agissant pas d’une peine de prison dans ce cas, j’ai cherché, mais n’ai rien trouvé.
– Notre cabinet était chargé de rédiger un projet de bail d’une durée de dix ans, dont six ans ferme(s), sans franchise.
Merci de votre aide.
Cordialement.

LIBANE Érudit Demandé le 16 août 2024 dans Question de langue

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2 réponse(s)
 

Cette tournure est bien connue dans le monde judiciaire et carcéral. Dans les deux cas, le mot « ferme » est employé comme adverbe . Les années elles-mêmes ne sont ni fermes ni molles, elles sont comptées fermement, autrement dit « sans possibilité de raccourcissement » ou « sans sursis » pour de la prison.
Plus d’explications dans ce billet.

Chambaron Grand maître Répondu le 16 août 2024

merci pour votre réponse.

le 16 août 2024.

[A]
L’impossibilité d’utiliser un adjectif de façon attributive ne démontre en rien qu’il s’agit d’un adverbe et non d’un adjectif.
Les journalistes sportifs ne sont pas tous sportifs, la place assise n’est pas assise, la ville ouvrière n’est pas ouvrière.
Donc ne tenez aucun compte de l’argument exposé dans la réponse ci-dessus : « les six ans eux-mêmes ne sont pas fermes ».

[B]
Choisir une acception particulière d’un adjectif pour démontrer que ce n’est pas un adjectif est un raisonnement vicieux.
Ne tenez aucun compte de l’argument exposé ci-dessus : « puisque la condamnation n’est pas ferme au sens de non-molle, c’est que ferme n’est pas un adjectif ». Car le même raisonnement (lol) avec une autre acception peut donner une conclusion inverse.
L’acception « dur » permet d’ironiser sur « une peine ferme » / « une peine molle »
L’acception « certain » montre clairement l’opposition « une peine ferme » / « une peine éventuelle ».
J’imagine que vous avez l’intelligence de savoir que c’est au sens de certain, définitif, obligatoire, avec engagement, exécutoire… c’est-à-dire au sens contraire de possible, avec sursis, facultatif, optionnel… que le mot ferme est utilisé dans votre phrase.

[C]
Aucune considération sur le sens d’un mot ne permet de définir s’il est adjectif ou adverbe. Un même mot, selon qu’il complète un nom ou un verbe peut être un adjectif ou un adverbe, avec le même sens : une odeur forte –> sentir fort.
Donc ne tenez pas compte des arguments d’autorité du type « dans tel sens, tel mot est un adjectif, et dans tel autre sens, c’est un adverbe », ou comme on lit sur le blog proposé en lien dans la réponse ci-dessus : « ferme, employé au sens de sans sursis possible, n’est pas adjectif mais adverbe ».

[D]
Même quand le sens d’un adjectif semble se spécialiser dans son emploi adverbial, cela n’importe pas, le retour à l’emploi adjectival sur la base du sens de l’emploi adverbial donne à nouveau un emploi adjectival ordinaire.
Par exemple, l’adjectif « net » peut être utilisé adverbialement dans certains sens : on peut être rémunéré 2000€ net. Mais dès qu’on applique ce mot à un nom, même en conservant ce sens spécifique lié à la façon dont a été calculée la somme, il redevient un adjectif ordinaire : ces 2000€ nets me suffisent ; la rémunération nette est intéressante ; ce salaire est net…

[E]
Les métonymies permettent tous les accords.
On peut par exemple désigner une période ou un événement par sa durée, et quand on dit « ces trois mois m’ont permis de réfléchir » pour dire « ce congé d’une durée de trois mois m’a permis de réfléchir », on voit qu’on conjugue au pluriel, selon le nombre de mois, alors même qu’on sait que les mois n’y sont pour rien, ils ne sont là que pour exprimer la durée du congé.
C’est donc là encore un raisonnement invalide que d’estimer que les mois ou les années ne pouvant pas avoir telle ou telle caractéristique, ils ne sauraient être suivis d’un adjectif épithète leur attribuant cette caractéristique. C’est absurde de ne pas en tenir compte, les métonymies sont pourtant partout en français. Dans une construction métonymique du type « six mois » pour « une peine d’emprisonnement de six mois » ou « une période de six mois en prison », ou « un engagement de six mois », rien n’exclut la présence d’un adjectif qualifiant la peine, la période ou l’engagement.
Et pour ce qui est des accords, quand on utilise un mot pour un autre, on accorde selon le mot qu’on utilise, et pas selon le mot qu’on n’utilise pas. Il peut ainsi y avoir des mois fermes, des années heureuses, et des jours optionnels. Les adjectifs s’accordent avec les mots et non avec les idées. Il n’est nul besoin d’invoquer un emploi adverbial pour appliquer tel adjectif à tel nom. Que nous importe de savoir si les années heureuses étaient par elles-mêmes heureuses ou si nous les qualifions d’heureuses parce que nous y avons vécu heureux ? Quand une figure de style permet de flanquer un nom d’un adjectif, l’adjectif s’applique tout simplement au nom.

[F]
Quand on parle précisément d’une mesure et non d’un critère (durée, poids…) ayant cette mesure, il arrive cependant que la mesure reste au singulier : deux kilos est un poids suffisant, trois kilomètres est une courte distance, deux ans est une peine légère. Mais on voit qu’il faut le formaliser clairement. Quand on parle de six années obligatoires pour une obligation de six années, il ne s’agit pas d’une mesure mais bien des six années.

[…]
Mais je vois que vous commencez à vous impatienter, j’abandonne donc mon introduction, qui de toute façon commence à m’ennuyer moi aussi, pour vous donner la réponse à votre question. Dans votre phrase, le mot « ferme » est un adjectif utilisé dans le sens de « certain » ou « obligatoire ». Accordez évidemment « ferme » comme vous accorderiez son contraire « optionnel ».
— Notre cabinet était chargé de rédiger un projet de bail d’une durée de dix années, dont six années fermes et quatre années optionnelles.

CParlotte Grand maître Répondu le 16 août 2024

ce ne fut pas ennuyeux, mais riche et instructif, donc aucune impatience… Cela confirme la complexité de la langue française et toute sa subtilité. Merci de votre précieuse réponse.

le 19 août 2024.

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