Ceux mêmes et Descartes
Je reviens avec la phrase de Descartes :
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. »
J’ai deux questions :
1. Lorsque l’on veut reproduire la phrase et qu’on corrige « ceux même » par « ceux mêmes », à la suite de la remarque de Czardas, indique-t-on ce changement ?
2.Comment peut-on expliquer la graphie qui est reproduite dans les manuels ? Je peux faire quantité de suppositions, mais…
Quant au « ne explétif » qui pourrait venir à la fin de la phrase « plus qu’ils n’en ont », j’ai compris, PhL, qu’il n’est pas absolument nécessaire.
Je vous remercie de vos explications.
Bonjour,
Dans la réponse que je vous avais faite, j’ai considéré que même est un adjectif qui doit s’accorder avec le pronom qui le précède. Or l’adverbe même peut se trouver placé immédiatement après un nom ou un pronom sens en modifier le sens.
L’adverbe même a alors un sens d’extension et pourrait se remplacer par: aussi , de plus, encore, jusqu’à , y compris, etc.
Le menu de la pension contente tous les élèves, ceux même qui ( même ceux qui) sont les plus exigeants.
La phrase […] que ceux même qui ( même ceux qui) sont le plus difficile à contenter… est donc correctement orthographiée. Il est donc inutile de la corriger.
Dans le dictionnaire des difficultés de la langue française (A. Thomas) il est dit:
On peut également considérer l’idée que l’on veut exprimer:
• identité, similitude pour l’adjectif
• Sens de aussi, de plus, encore plus pour l’adverbe.
Ses paroles même m’ont surpris( ses paroles aussi, même ses paroles)
Ses paroles mêmes m’ont surpris (ses paroles elles-mêmes.)
Il fut déchiré par ceux-là même qu’il avait aidés.
Ceux mêmes qui en sont dépourvus.
Bonjour Zully, voici ce que dit le Petit Larousse à propos de même qui peut être adjectif ou adverbe :
« Même est adjectif et variable quand il précède le substantif (redire cent fois les mêmes mots) ou qu’il suit un pronom personnel auquel il est joint par un trait d’union (eux-mêmes). Il est adverbe et invariable quand il modifie un adjectif, un substantif, etc. (ses parents même ne l’ont pas reconnu). »
Pour moi, dans ceux même qui sont les plus difficiles, même est bien adverbe (comme dans ses parents même) et il n’y a pas lieu de l’accorder. Je laisserais donc la phrase de Descartes telle qu’elle est écrite.
On évite de corriger Descartes, son premier éditeur s’en étant déjà chargé. La dernière édition publiée du vivant de l’auteur sert en principe de référence, mais l’orthographe et la typographie, important peu, sont modifiés par les éditeurs suivants au fil des siècles. Ce sont des choix d’éditeur. Quand ils touvent une ambiguïté, ils la conservent. Si vraiment on pense à une erreur de sens commise par le premier éditeur, on ne peut modifier qu’en citant l’éditeur et l’universitaire qui ont établi une nouvelle édition (dans les compilations de citations, il faudrait toujours mentionner l’édition, en plus de l’auteur).
Voify cosment eftoyt escris cescy dedans esdyszion 1637 :
« Le bon ſens eſt la choſe du monde la mieux partagée : car chaſcun penſe en eſtre ſi bien pouruû, que ceux meſme qui ſont les plus difficiles a contenter en toute autre choſe, n’ont point couſtume d’en deſirer plus qu’ils en ont. » (source)
On trouve donc des modernisations de graphie (des ‘s’ qui disparaissent, le ‘u’ devenant ‘v’, les accents sur les ‘a’, ‘e’, ‘u’, l’accent circonflexe supprimé ou ajouté) qui paraissent normales. En revanche, la suppression de la virgule après ‘autre chose’ (entre le sujet et le verbe) semble une amélioration arbitraire.
Pour même/mêmes, à la page suivante, on lit « les mesmes choses », ce qui montre que la nuance adverbe/adjectif est bien établie par l’éditeur de 1637, et on ne peut que lui faire confiance.
Que je suis soulagée de vous lire tous les deux, Czardas et ChristianF !
Me voilà au clair avec vos explications et exemples. Cela n’a pas été inutile. Je vous remercie. Avec moi, le retour d’information est très souvent le même : les mots et expressions expliquées prennent un relief particulier dans ma vie. Je vous en remercie. De plus, la phrase vient de cesser de tourner dans mon esprit !
Comme vous l’avez peut-être constaté, c’est un concours de circonstances qui a amené des questions et des réponses. Je vous remercie pour la reproduction du texte original. C’est passionnant. Je vous remercie, David91.