Mère-Grand, Mère-grand ou mère-grand ?
Bonjour !
Dans la phrase « Le loup avala Mère-Grand » (Mère-Grand étant le nom donné par le Petit Chaperon Rouge à sa grand-mère), faut-il mettre zéro, une ou deux majuscules à Mère-Grand ?
Mère-Grand, Mère-grand ou mère-grand ?
Autre manière de poser la question :
– Faut-il mettre ou non une majuscule à Papa dans la phrase « Je suis content que Papa vienne m’aider » ?
– Si un nom propre est composé de 2 mots reliés par un trait d’union, faut-il mettre une majuscule également au mot qui constitue la deuxième partie de ce mot ?
Merci de votre réponse !
Heidi.
Je n’ai pas la réponse, mais je vous offre cinq minutes de conversation.
C’est de la typographie et non de la grammaire. Typographie et grammaire sont des disciplines relativement indépendantes. La grammaire a des grands maîtres, la typographie a des écoles. Ces écoles de typographie sont en concurrence davantage que ne le sont les grammairiens. Le journal Le Monde est réputé être partisan du plus faible nombre possible de majuscules, les publicitaires aiment bien les majuscules, pour un éditeur de littérature il faut lui demander.
Mettons que nous voulions limiter le nombre de majuscules.
Le nom commun, composé ou non, ne prend généralement pas de majuscule : le sénateur, la grand-mère.
En tant que titre, on met une majuscule : Monsieur le Sénateur, bonjour Sénateur !
‘Grand-mère’ n’est pas un titre, on ne met pas de majuscule, ni avec un article, ni en apostrophe. On peut écrire la grand mère, bonjour grand-mère ! Le degré de nom propre contenu dans le mot ‘grand-mère’ est à considérer : bonjour grand-mère, bonjour mère-grand, bonjour mamie, bonjour mammy, bonjour Mammy, bonjour Mamité et Mamito, bonjour Grand-mère Donald (c’est son nom).
Dans votre conte, il n’y a pas ces familiarités, conservons les minuscules.
Pareil pour papa : Bonjour papa, bonjour père Eustache, bonjour père, bonjour mon père… les minuscules suffisent.
[personnellement, je déroge, je mets obligatoirement une majuscule quand j’écris à ma mère : bonjour Maman]
En dehors d’une apostrophe, souhaitez-vous vraiment utiliser ce mot sans article, en tant que nom propre ? Grand-mère Donald va au marché, le dimanche Mère-grand fait un gâteau… Alors le principe d’identification à une unique personne semble commander la majuscule, comme dans ‘le Général’.
Si c’est mis dans la bouche d’un enfant, ‘c’est vrai, papa m’a dit’, je crois que ce n’est pas un identifiant unique (ça l’est pourtant pour lui), mais que c’est comme ‘mon papa’, ce n’est qu’une relation.
Donc, si c’est « le Petit Chaperon rouge » (nous mettons maintenant une majuscule à l’adjectif placé avant le nom mais pas à l’adjectif placé après, comme nous l’allons voir tout-à l’heure) qui parle, je ne mettrais pas du tout de majuscule à ‘mère-grand’. Si c’est l’auteur qui parle et qui identifie de façon unique ce personnage sous le nom de ‘Mère-grand’, je mettrais une majuscule au moins au premier mot.
Voyons maintenant le cas de la majuscule, comment faire avec un nom composé ?
Pour les titres d’œuvre, vous savez peut-être qu’on met classiquement une majuscule au premier substantif, et également au premier adjectif s’il le précède (ce sont des règles modernes en usage dans les bibliothèques et cinémathèques, probablement aussi dans les universités et les journaux) : « La Belle Vie » / « La Vie rêvée ».
Pourquoi ne pas appliquer cette règle ? Voici Grand-Mère ! Voici Mère-grand !
Dans l’ordre de la Légion d’honneur, il y a des grands maîtres, sans tiret ni majuscule. Mais en tant que titre, on met deux majuscules.
Pour des noms composés avec tiret et adjectif après le nom, je n’ai pas trouvé d’exemple correspondant à notre problème.
Si c’est le nom donné par l’auteur, comme identifiant, j’écrirais ‘Mère-grand’. Si c’est le nom donné par l’enfant (comme vous l’écrivez), j’écrirais plutôt ‘mère-grand’. Le paragraphe suivant montre que le mot n’est de toute façon jamais utilisé sans déterminant chez Perrault, et donc toujours sans majuscule.
Cherchez d’autres critères en allant aux sources.
édition 1697 : « Il estoit une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eut sçû voir ; sa mere en estoit folle, et sa mere-grand plus folle encore. Cette bonne femme luy fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seïoit si bien que partout on l’appelloit le petit Chaperon rouge. »
édition 1902 : « Il était une fois une petite fille de village, la plus éveillée qu’on eût su voir : sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le petit Chaperon rouge. »
Dans ces deux éditions, ‘mère-grand’ est utilisé 14 fois, toujours avec un adjectif possessif ou un article, donc sans majuscule.
Si vous voulez traiter ce mot ancien d’une façon moderne, à vous d’assumer un choix après avoir listé vos critères.
Un très grand merci pour cette réponse si complète et détaillée !
Dans notre texte (il s’agit d’un texte que nous écrivons pour une dictée), c’est l’auteur qui identifie ce personnage à trois reprises en l’appelant Mère-grand.
Nous allons en rediscuter ensemble et voir si nous choisissons cette solution, ou la solution de dire plutôt « la grand-mère », ce qui enlève toute ambigüité par rapport aux majuscules.
Encore un très grand merci à vous !
Heidi.