Present ou subjonctif?
Bonsoir,
Doit on dire comme le pense la petite amie de mon petit fils à propos d’une phrase taquine que j’ai dite a celui ci :
« Tu ne m’impressionnes pas aussi grand que tu es »
ou, comme je le pense
« Tu ne m’impressionnes pas aussi grand que tu sois »
D’avance merci.
Bonsoir,
1. C’est le subjonctif qui est habituellement employé dans les propositions concessives.
a. Cf. Le Bon usage , version électronique actuelle, § 1150 (en gras dans le texte) :
« a) Tout … que … mis à part (cf. § 1151) , le subjonctif est le mode habituel des propositions concessives, même s’il s’agit d’un fait réel. » Suivent de nombreux ex.
b. Voir aussi Le Grevisse de l’étudiant. Capes et agrégation lettres, De Boeck supérieur, 2018, p. 622 :
« Le plus souvent le verbe de ces relatives [il s’agit des relatives « servant à l’expression de la concession »] est au subjonctif ; il marque que le procès n’est pas actualisé et demeure virtuel. » (Les grasses sont de moi.)
Cette grammaire illustre cette assertion par cet ex. concernant le marqueur de concession qui nous occupe (aussi … que) : aussi gentil qu’il soit.
2. Compte tenu de ce qui précède, il semblerait qu’occasionnellement (cf. habituel let le plus souvent), on puisse utiliser l’indicatif dans les propositions de concession.
Et de fait, le Bon usage indique qu’on on constate que « l’indicatif (y compris le conditionnel) est fréquent dans la langue parlée [et [qu’il] Il n’est pas si rare dans la langue écrite ». Il cite alors de nombreux ex. littéraires comportant l’emploi de l’indicatif et de différents marqueurs concessifs.
3. Toutefois, des indications que donnent les deux excellentes grammaires citées ci-dessus introduisent la confusion.
a. En effet, d’une part, le Bon usage, toujours à propos des concessives, précise : Si le subjonctif est le mode régulier*, on constate que l’indicatif … (Mis en gras par moi.)
Or, on sait que dans cette grammaire, régulier signifie « correct » (cf. le symbole ° qui veut dire « tour qui n’appartient pas au français régulier », apposé devant des tours (phrases ou autres) qui sont manifestement incorrects.°…
b. D’autre part, le Grevisse de l’étudiant (p. 628), dans un § concernant « le subjonctif dans les relatives construisant des expressions concessives », indique : Le subjonctif est le mode obligatoire » dans ces relatives (sauf après tout + adjectif + que), ce qui exclut la possibilité d’employer l’indicatif occasionnellement (cf. point 2 supra).
4. Ma conclusion pratique générale
Compte tenu de ce qui précède, je vous recommande (comme à mes étudiants) :
– d’employer le subjonctif afin d’éviter de prêter fortement le flanc à la critique ;
– de ne pas condamner catégoriquement l’emploi de l’indicatif.
5. Mon point de vue sur la phrase soumise
Tu ne m’impressionnes pas aussi grand que tu es »
OU
«Tu m’impressionnes pas aussi grand que tu sois » ?
Normalement, l’on doit choisir la seconde phrase, en application des considérations qui précèdent.
Toutefois, le premier énoncé m’apparaît défendable en théorie.
En effet, on peut, à mon sens, faire la distinction suivante :
– soit l’énonciateur connaît la taille de l’homme auquel il s’adresse : il sait, avec certitude, qu’il est grand, voire très grand. Dans ce cas, l’indicatif (es) est soutenable ;
– dans le cas contraire (par ex., son interlocuteur lui a dit : Fais attention à toi, je suis grand et fort). Il n’a ici aucune certitude sur la grandeur de son interlocuteur, le subjonctif (sois) est de rigueur.
Cordialement.
Merci c’est clair et complet, vous avez évoqué la version électronique du Bon usage (pas d’italique sur mon portable).
Je suppose qu’il s’agit d’un abonnement.
Après aussi que on emploie le subjonctif, donc « aussi grand que tu sois ».
Bonsoir,
Voilà une réponse qui sera satisfaisante pour la petite amie qui entre en Khâgne et pour moi qui me pique de parler un français aussi correct que possible bien que j’ai bientôt 74 ans et un seul diplôme: propédeutique, validé en 1963…
Il va de soi que je sais avec certitude que mon petit fils est grand, voire très grand puisqu’il mesure 1m97!
Je retiens donc que la proposition de cette jeune fille est « soutenable » mais que c’est la mienne qui est « régulière »
L’honneur est donc sauf pour les deux!
Merci à Prince. Cordialement
La proposition concessive avec tout : tout grand qu’il est. Tout grand qu’il soit…
…hésite entre le subjonctif et l’ indicatif.
Quelque… que, locution conjonctive qui exprime la concession, suivie du subjonctif
1-quelque + substantif ou syntagme nominal + que
Quelques folies que vous fissiez, je ne vous en aimais que plus encore.
Quelque rage que tu puisses éprouver, je saurai bien te calmer
2-quelque + adjectif + que
Quelque amoureux qu’il soit, il sait bien que tous ses espoirs seront déçus.
Quelque avare qu’il pût être, il n’abandonna pas son enfant.
Quelque amical qu’il veuille paraître, je continue à me méfier de lui.
Quelque misérable qu’il fût, il n’en était pas moins homme.
Merci mais cette réponse ne correspond pas exactement à la question!
Cordialement
Pas exactement, mais c’est un apport complémentaire qui montre – pour l’ensemble des propositions concessives – que le subjonctif n’est pas systématique.
Je partage l’avis de joelle.
En effet le subjonctif exprime une hypothèse alors que l’indicatif exprime une certitude.
Si la taille de l’individu est connue et si cet individu est effectivement grand, l’indicatif me semble indiqué.
Si la taille n’est pas connue, alors ils’agit d’une supposition donc d’une condition et le subjonctif est de rigueur.
Bonjour,
La bonne réponse est » … aussi grand que tu es »
Le subjonctif exprime un doute, une incertitude, un souhait…
Nous ne sommes pas dans ce cas-là.
Marino a bien constaté que son petit-fils était grand, c’est une réalité objective, certaine.
Seul le présent de l’indicatif est correct dans ce cas précis.
Je ne serais pas aussi affirmative que vous : dans la famille des concessives, « quelque …que » (un peu vieilli) implique le subjonctif, « tout…que » hésite et je pense qu’il en est de même pour « aussi…que ». Comme je suis en déplacement sans mes usuels, je me garderais bien de contredire Jean bordes sans preuve irréfutable…
Par ailleurs, et surtout, le subjonctif est obligatoire avec « bien que » qui n’exprime aucun doute ni hypothèse :
« Bien qu’il soit fatigué, il est venu travailler« . Il est vraiment fatigué, il n’y a pas de doute, mais il y a « bien que », d’où le subjonctif.
Joelle, vous m’avez concaincu avec cet exemple » Bien qu’il soit fatigué, il est venu travailler »
Mais alors il faut dire que le subjontif peut exprimer aussi une certitude, tout comme l’indicatif.
Les Huns ne me font pas peur, aussi grands soient-ils. (nous sommes tous d’accord)
Attila, aussi grand est-il, ne me fait pas peur. (c’est l’objet du débat)
Si le sens de la deuxième phrase existe, alors on conçoit mieux l’indicatif de constat, mais on peut aussi y chercher un degré de hauteur emportant le subjonctif, comme avec ‘quelque que’.
Dans le premier cas, le ‘aussi que’ balaie le champ des situations possibles : [Dans le noir] Il y a quelqu’un ? Aussi grand que tu sois, viens ici ! (même si tu es grand, tu viens)
Dans le second cas, le ‘aussi que’ me semble s’appliquer à un objet identifié et non à une situation hypothétique : Toi, là, aussi grand que tu es, viens ici ! (toi qui es si grand, tu viens)
La bonne question pourraît n’être pas « indicatif ou subjonctif après ‘aussi que’ ? », mais plutôt « peut-on appliquer ‘aussi que’ à un objet identifié ou est-ce réservé aux hypothèses et aux degrés ? » Il n’est pas fait mention de cette utilisation dans le CNRTL.
Note : La tournure concessive, de ‘aussi que’ est constatée mais contestée par Hanse et Grevisse, qui trouvent si j’ai bien compris que ‘si que’ est plus logique, dépourvu de notion comparative.
Perso je ne vois pas bien la différence entre :
« Aussi grand que tu sois, viens ici ! (même si tu es grand, tu viens)«
Et
Tu ne m’impressionnes pas aussi grand que tu sois!
(même si tu es grand tu ne m’impressionnes pas …)!
Merci pour cette discussion passionnante..,
Bonjour.
La solution est trouvée et elle est bonne, la discussion est close, mon intention n’est pas de la relancer ou d’exprimer une réserve, mais juste de faire une remarque d’ordre général qui n’a rien à voir avec la question de Marino en particulier.
En toute logique, quand un verbe doit exprimer une certitude, cette certitude de l’indicatif, il ne faut pas le faire précéder d’une expression ou d’une locution qui exige impérativement un subjonctif. Pour ne pas créer un conflit dans la phrase.
Il est possible de dire et d’écrire.
– tu es fort, mais tu ne me fais pas peur.
-tu peux être aussi fort que tu veux, tu ne me feras pas peur.
Mais allez discipliner les usagers !
C’est l’usage qui commande et les usagers en font à leur tête. Les pauvres grammairiens n’ont qu’à suivre, et se débrouiller pour expliquer l’inexplicable et conciliier l’inconciliable.
J’ai pensé qu’il n’était pas inintéressant de terminer par cette conclusion.
Cordialement