Auteure
Dans de très nombreux journaux (dont « Le Monde »), j’ai lu que c’est la petite-fille de François Mitterrand qui est l‘auteure de la plainte contre Nicolas Hulot. Il ne s’agit cependant pas, en l’occurrence, de la féminisation du nom d’une profession. Ai-je tort d’être étonné ?
Bonjour Hercule.
Vous avez parfaitement raison de souligner cet abus de féminisation.
Historiquement, c’est en 1984 qu’une commission a été « chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes ».
Ce débat fait polémique, comme vous le savez.
Il n’est cependant pas étonnant qu’une dérive apparaisse et aboutisse à une féminisation systématique.
Mais au-delà des problèmes linguistiques soulevés, n’est-il pas cohérent d’envisager toute marque de sexisme dans notre langue ?
Merci pour la réponse. À vouloir ainsi féminiser tout ce qui peut l’être, on va aller de surprise en surprise. Une personnage ? Mais alors pourquoi pas un personne lorsqu’il s’agit d’un homme ?
Bonjour
Dans son livre intitulé Dans le jardin des mots Jacqueline de Romilly nous livre son point de vue sur la féminisation.
Voici quelques extraits
Lorsqu’il a été décidé que le mot ministre deviendrait féminin si la fonction était occupée par une femme, je n’ai pas été très heureuse. D’abord, cela me paraissait aller contre l’habitude du français, qui veut que les formes masculines prennent la valeur de ce que l’ on pourrait appeler un neutre, c’est-à-dire puissent englober aussi bien le masculin et le féminin.
On dira « nous avons été heureux, ma femme et moi, de vous revoir» ; et nul ne sera choqué que cette forme masculine convienne pour les deux sujets. Il en est de même lorsque l’on dit « tous les hommes sont mortels» ; il est clair que, dans ce cas, le mot hommes englobe, au masculin et au féminin, toute l’humanité.
[…] Dans ce texte, on voyait la féminisation s’étendre soudain à toutes les fonctions, à tous les métiers, à toutes les activités. Et elle y prenait des formes un peu insolites.
Ainsi, moi qui ai enseigné toute ma vie, j’ai découvert alors que j’étais professeure ! C’est un exemple parmi d’autres sur cette liste ; mais je dois avouer qu’il m’a atteinte au cœur. Je n’ai jamais éprouvé de scrupule à entrer dans une salle où, même dans un lycée de filles, on lisait sur la porte le mots salle des professeurs. Et lorsque j’ai écrit un livre intitulé Nous autres professeurs, je n’imaginais guère que, pour me conformer au nouvel usage, je devrais un jour écrire « Nous autres professeurs et professeures » !
De toute manière, on ne crée pas des féminins avec cette légèreté…
À la limite, pourquoi ne se mettrait-on pas à écrire la couleure et la blancheure , sous prétexte que ces mots sont féminins.
Une telle pente m’inquiète…
Certes, la langue évolue ; la langue change ; mais il n’est pas bon de la brusquer ni de la faire tituber, et la plus belle cause ne saurait gagner à la traiter ainsi.