le « ne » explétif
Je lis la phrase: « Avant que nous nous quittions, il tint à me montrer l’emplacement de la tombe de Baudelaire. »
Je sais bien que le ne explétif n’est pas vraiment nécessaire, mais il me manque dans la phrase. J’aurais mis « nous ne nous quittions ».
Est-ce ce manque s’explique ou est-ce que je prête à mon instinct des choses qui n’existent pas?
Merci d’avance.
Bonjour,
Voici une réponse pour dissiper vos doutes.
Grâce à vous, je n’ai plus de doutes sur ce plan !
Quand même, sur le site il est écrit:
« Il te lui donne une de ses gifles. »
C’est quelqu’un qui parle avec une autre personne qu’il tutoie ? Je n’ai jamais vu / entendu une telle expression. C’est une exclamation dans le cas présent ?
Le pronom personnel te est explétif.
Cette tournure de phrase relève de la lange familière. Le locuteur exprime par là qu’il prend à l’action un intérêt particulier ou sollicite la personne à qui il s’adresse de s’intéresser à l’action.
On trouve dans la littérature cet emploi sous la plume d’auteurs célèbres.
A. Daudet ─ Et elle vous lui détacha un coup de sabot terrible, si terrible, que de Pampérigouste même on en vit la fumée.
Le pronom explétif double parfois un pronom de la même personne , mais pas du même nombre.
Colette ─ Je te vous les attrape et je te vous les roule, je les moule en bonne forme.
On a parfois même deux pronoms explétifs
Victor Hugo ─ Avez-vous vu comme je te vous lui ai craché à la figure
Si je reprends la première phrase, le locuteur sollicite l’attention de l’autre personne en l’interpellant au moyen du pronom te parce qu’il la tutoie? Ou cela n’a rien à voir ? Car comment alors expliquer les deux pronoms explétifs utilisés par Colette ?
En tous les cas, je vous remercie de ces explications si intéressantes.
Je comprends. Pourtant quand je dis : « Il va encore me faire une crise », je m’adresse à moi. Je peux encore me dire: « Il va te faire encore une crise. » (Il y a des personnes qui se parlent comme à une autre personne en disant: « Tu aurais pu faire autrement. » etc. Je trouve cela bizarre, mais cela existe.). Cependant, je n’ai pas l’idée de (me) dire: « Il va encore vous faire un crise. »,
C’est quand même assez amusant de lire de telles expressions. Je ne vais pas employer ces pronoms explétifs, mais je les comprendrai la prochaine fois que je les rencontrerai. Je comprends aussi que des grammairiens ne partagent pas le même avis.
Merci beaucoup.
Attention aussi à la concordance des temps :
Soit : « Avant que nous ne nous quittions, il tient à me montrer l’emplacement de la tombe de Baudelaire. »
Soit : « Avant que nous ne nous fussions quittés, il tint à me montrer l’emplacement de la tombe de Baudelaire. »
Ou là ! Les deux parties de la phrase, d’après ce que j’ai compris, sont au passé. Le sens serait: Avant de nous quitter, il a tenu à…
Cela correspondrait à la seconde de vos phrases ?
Merci pour votre apport.
J’ai corrigé la seconde phrase pour le plus-que-parfait du subjonctif en accord avec le passé simple de la principale.
La première est un présent de narration avec le présent du subjonctif.
Vous pouvez effectivement employer la formule « Avant de se quitter, il a tenu à… » pour plus de simplicité.
P.S. Comme explicité par czardas dans sa réponse, l’emploi du présent du subjonctif semble aussi acceptable même avec un passé dans la principale. Je reconnais ne pas savoir trancher sur le meilleur usage.
Merci, j’avais compris que la première phrase était une narration au présent du subjonctif et je comprends mieux la seconde.
C’est vrai, je n’ai pas fait attention: avant de nous quitter et avant de se quitter n’ont pas le même sens. Heureusement que vous étiez là !
Merci pour tout. J’ai de quoi méditer.
Il serait plus judicieux d’écrire : Avant de me quitter, il a tenu…
Avant de se quitter, ils fixèrent le lieu et la date de leur prochain rendez-vous.
Je comprends ce que vous voulez dire. Merci, je vais en parler avec l’auteur. Je suppose qu’elle a voulu dire que son compagnon et elle se quittèrent en même temps; « avant de me quiiter « voulant dire qu’elle serait restée sur place. Je viens de penser à « avant de nous séparer », mais on retombe sur le même cas de figure.
Merci encore.
Bonjour,
Avant que est un subordonnant qui gouverne le subjonctif.
Le verbe quitter conjugué à la première personne du pluriel du présent du subjonctif est quittions.
Quittâmes est du passé simple, donc au mode indicatif.
La phrase : « Avant que nous nous quittions, il tint à me montrer l’emplacement de la tombe de Baudelaire. » est tout à fait correcte.
Après un verbe principal au passé, on peut avoir un subjonctif présent si le fait exprimé est, par rapport au moment où l’on parle, présent ou futur.
Chaque siècle a jeté dans ce courant limpide, ses modes, ses archaïsmes prétentieux et ses préciosités, sans que rien surnage de ces tentatives inutiles.
Je n’ai jamais dit qu’aucune société soit parfaite.
B.U. Grevisse 12e édition § 869 c)
Merci encore une fois. C’est passionnant. Comme je l’écris à Chambaron, j’ai de quoi méditer. Vos explications sont claires et me rendent un grand service. J’ai l’impression que tout se remet en place.