la peine que ça m’avait fait(e)
Bonjour,
Comment faut-il accorder ici ? « Il était gêné à cause de la peine que ça m’avait fait(e). »
Merci,
Vous n’accordez pas car « cela » est un pronom impersonnel et l’emploi du verbe faire est ainsi employé de façon impersonnelle : cela / ça va bien ; cela a fait…. De plus, faire de la peine, comme faire la tête est figé et « la peine » n’est pas forcément le COD mais fait partie de la locution verbale.
Ce n’est pas exactement pareil que : « La proposition qu’elle m’a faite ! »
Si vous voulez éviter le problème ; écrivez « la peine que cela m’a causée ».
Vous allez sans doute rencontrer des personnes qui vont vous faire appliquer la logique grammaticale de l’accord du COD placé avant mais vous devrez vous faire votre opinion. Vous fréquentez suffisamment ce site pour savoir qu’il y a des débats épiques et des avis tranchés.
Adversaire farouche de la règle sacrée de l’accord-du-participe-avec-le-COD-antéposé-avec-l’auxiliaire-avoir, je n’irai pas à l’encontre de votre réponse et je la note « +1 ».
Mais qu’il me soit permis de sourire que l’on démolisse ainsi, en toute bonne conscience, ce dogme inlassablement expliqué sur ce site et ailleurs. Cela prouve pour moi combien il est délabré et sauvegardé comme une coquille vide. C’est un cas de masochisme grammatical !
Bescherelle doit se retourner dans sa tombe et cela lui fait un peu d’exercice…
« La peine qu’il m’a faite », ce n’est pas pareil pour moi que « la peine que cela m’a faite ».
On est bien d’accord que la règle que vous combattez souffre d’exceptions et notamment en expression impersonnelle ». Dans « Tous les efforts qu’il a fallu. », il est impersonnel…
Ne prenez pas mon commentaire pour vous ni pour ce cas précis.
C’es juste l’occasion de constater, une fois encore, que cet accord est contre-nature, sème la confusion et consomme inutilement beaucoup d’énergie, tout cela pour un bénéfice espsilonesque.
L’invariabilité devrait être la norme mais ce site (et d’autres) diminuerait d’un bon tiers…
Voici les liens vers 1) l’extrait de l’Académie et 2) l’article qui fait le point complet.
https://www.academie-francaise.fr/cela-est-triste-mais-ca-rigole
https://parler-francais.eklablog.com/aussi-curieux-que-cela-puisse-paraitre-a173623930
Bonjour,
Au-delà des débats sur la pertinence générale de la règle d’accord et du cas des relatives avec cela/ça/ce pour sujet, posez-vous la question de la passivation. S’il y a COD, alors la transformation au passif doit être possible : Jean m’a causé de la peine > De la peine m’a été causée par Jean ; Jean m’a fait de la peine ne peut pas être renversé en *De la peine m’a été faite par Jean. Une peine faite, ça ne peut être qu’une peine de prison ! L’expression « faire de la peine » constitue en effet un syntagme lié. Il n’y a pas de véritable COD et il n’y a donc pas d’accord : La peine qu’il m’a fait tout comme La peine que cela m’a fait.
Sur la passivation en général
Il faut se méfier de la passivation, elle ne marche pas à tous les coups :
Ce pays a connu des drames épouvantables > Les drames épouvantables que ce pays a connus > ??? Des drames épouvantables ont été connus par ce pays.
Sur le caractère lié du syntagme faire de la peine
Avant de revenir à notre faire de la peine, considérons avoir peur et avoir sommeil. Ces deux syntagmes semblent construits de façon identique : verbe avoir + substantif sans déterminant. Pourtant, le premier accepte la relativisation : la peur que j’ai eue, mais le second, non : le sommeil que j’ai eu.
Pour reprendre la classification de Gross, avoir peur est une construction à verbe support, alors que avoir sommeil est une locution (un syntagme lié).
Tout comme dans avoir peur et contrairement à avoir sommeil, le substantif est relativisable dans faire de la peine, on est donc en présence d’une construction à verbe support. On peut sans doute discuter de la fonction du SN qui suit le verbe support étant donné son caractère très atypique (son statut prédicatif), mais Gross en fait bien un objet (ici direct). Par ailleurs, si on refuse cette fonction CO, il faudrait d’une part dire qu’elle est sa fonction, d’autre part expliquer pourquoi l’accord se fait classiquement comme si c’était un COD (voir ci-dessus le cas de avoir peur), ou encore par exemple donner une claque / prendre une décision > la claque qu’il m’a donnée / la décision qu’il a prise.
Sur la passivation de faire/causer de la peine
Je vous rejoins sur le caractère peu recevable de la forme passive de faire de la peine, mais je trouve celle avec causer à peine meilleure.
En revanche, je pense que vous n’aurez pas de peine à accepter :
La peine faite…
Et pour finir, en tous cas, l’usage en désaccord avec vous accorde !
Les expressions du type [faire + sentiment + à qqun] sont des formules elliptiques. L’ellipse est d’autant plus ignorée et mal analysée qu’elle est inconsciente et refoulée, car elle permet de reporter sur le sujet la responsabilité du sentiment. Or, si le sujet peut être l’auteur du fait générateur d’un sentiment chez une autre personne, il ne peut pas être objectivement l’auteur de ce sentiment. Il ne peut ainsi pas y avoir de « peine faite » car le sujet n’est pas celui qui a « fait« , alors qu’il y a « des drames connus par un pays« . Quant au COI, il n’est pas facultatif et si parfois il est absent, il est alors sous-entendu et c’est aussi une ellipse. Les formulations honnêtes seraient donc : Il m’a fait ressentir de la joie. Je lui ai fait éprouver de la peur, Il était gêné à cause de la peine que ça m’avait fait ressentir. Dès lors, si l’Académie préconise de ne pas accorder les participes passés de faire suivis d’un infinitif, la recommandation doit aussi s’étendre lorsque cet infinitif est sous-entendu. Certes l’usage de l’accord est majoritaire mais il relève de l’application docile d’une règle formelle, pas d’une écriture raisonnée ni d’une énonciation spontanée.
Donc on dira La blessure fait au bras ? (Ou bien ici, si, l’accord se fait, faute d’inconscience et de refoulement, puisque le sujet est responsable de la blessure ? Ce serait mélanger grammaire et psychanalyse). Mais si je vous suis donc on dira Les misères fait aux enfants ? Responsabilité ou irresponsabilité ? entre les deux ? alors on accorde au doigt mouillé ? ou bien selon que la misère est morale ou matérielle ?
Et dans la forme sans verbe support, puisque « si le sujet peut être l’auteur du fait générateur d’un sentiment chez une autre personne, il ne peut pas être objectivement l’auteur de ce sentiment. Il ne peut ainsi pas y avoir de « [de personne peinée] » car le sujet n’est pas celui qui a « [peiné] » », donc ce qui suit le verbe n’est pas COD et la passivation n’est pas possible ?
Pourtant l’usage, sans doute par application docile d’une règle formelle, pratique sans problème la passivation : Machin peine Truc >>> Truc est peiné par Machin.
Ramenons donc un peu de raison à ce faible usager, et indiquons-lui que la formulation honnête serait : Machin a fait ressentir de la peine à Truc, c’est bien ça ? Et comme il y aurait un infinitif sous-entendu, et en laissant l’usage pratiquer contre toute logique la passivation, si Truc était de sexe féminin on aurait non pas : Truquette est peinée par Machin, mais Truquette est peiné par Machin, parce que ce qui suit le verbe n’est pas un vrai COD ?
Faire est causatif, et synonyme de causer, on dit sans problème la peine causée. Le sujet grammatical est l’agent causatif sémantique de la peine éprouvée par l’objet grammatical (expérient sémantique), tout reste finalement logique, et il n’est pas nécessaire de faire intervenir un supposé infinitif sous-entendu.
Ce qui est simple dans cette histoire, c’est que pour une ou plusieurs raisons à définir (Wilmet en propose une) cet accord heurte un certain nombre d’oreilles de natifs (dont la vôtre manifestement, la mienne aussi, si vous voulez tout savoir, mais si vous avez de la mémoire, vous le savez déjà, voir ici et là), pourtant il est parfaitement logique de le faire (tant qu’on applique les règles d’accord du PP toujours actuellement en vigueur).