Bien que (quoique)
Quel temps doit-on utiliser pour la subordonnée précédée de « bien que » quand la proposition principale est au futur ? Si l’emploi du subjonctif est obligatoire, alors cela donne :
– Je devrai marcher seule bien que (quoique) j’aie préféré être accompagnée.
Pourtant, il me semble que :
– Je devrai marcher seule bien que (quoique) j’aurais préféré être accompagnée.
corresponde davantage à l’idée d’espérance.
Bonjour,
Le mode propre à une proposition concessive est le subjonctif. Nombre de grammairiens ont érigé cela en règle et c’est ainsi que l’Académie française le conçoit. Par ailleurs, la valeur temporelle du subjonctif est faible puisque ce mode s’inscrit dans l’univers de l’irréel ou de la pensée. Il n’y a donc pas de contre-indication à écrire et à utiliser très simplement le subjonctif présent : « Je devrai marcher seule bien que je préfère être accompagnée. »
On comprend néanmoins que le regret que vous exprimez a été pensé avant de prendre la décision de marcher seule. Il se situe dans le passé de votre énonciation et l’emploi d’un présent en ramenant à une vérité d’ordre général manque alors de subtilité. On pourrait alors astucieusement utiliser le subjonctif plus-que-parfait qui a également valeur de conditionnel : « Je devrai marcher seule bien que j’eusse préféré être accompagnée. » Cela sonne tout de même très archaïque et précieux !
Sachez au bout du compte et pour vous rassurer que la littérature regorge d’exemples d’emploi de l’indicatif, spécialement du conditionnel, dans des concessives. Il conviendrait à cet égard que la règle rende compte de l’usage plutôt que de vouloir le tordre. Peu de gens vous contesteront donc : « Je devrai marcher seule bien que j’aurais préféré être accompagnée.« , une formulation moderne et fidèle à l’intention de votre propos.
Enfin , vous pouvez aussi adoucir le rapport concessif et le résultat sera parfait : « Je devrai marcher seule, mais j’aurais préféré être accompagnée.«
Bonjour Bruno,
Le conditionnel passé me turlupine un peu.
Il existe d’autres locutions exprimant le regret, la concession, qui feraient parfaitement l’affaire tout en acceptant l’indicatif : Je devrai marcher seule, mais j’aurais préféré être accompagnée.
« Je devrai marcher seule, même si je préférerais être accompagnée. »
La concession ou le regret existe au moment de l’énonciation et non dans le futur
Bonjour Ouatitm,
Ce n’est pas une préférence personnelle. Le Grevisse cite presque une page entière d’exceptions à l’emploi du subjonctif après une conjonction de subordination exprimant la concession.
Bien sůr, je viens d’ailleurs d’en écrire une !
En revanche, la concession introduite par « bien que » ne supporte que le subjonctif.
Je vous invite à lire ce billet très éclairant : https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/chroniq/index-fra.html?lang=fra&lettr=indx_autr84vWAiHFbX6w&page=9U66xqoK0nJk.html
Bonjour,
Je vous remercie pour toutes ces explications. En effet, je voulais marquer le regret (espérance déçue) avec antériorité dans la subordonnée (j’aurais préféré/ j’aurais voulu). Spontanément, j’avais opté pour le conditionnel. À l’oral, je n’aurais pas douté. Cependant, quand j’ai voulu vérifier la concordance des temps, mes recherches me conduisaient systématiquement à l’emploi du subjonctif. Grâce à vos exemples, je me sens plus à l’aise pour justifier l’utilisation du conditionnel passé. Juste une petite remarque : nous sommes d’accord pour dire qu’il faut lire « dans une phrase au futur » et non pas « dans une phrase au présent ».
Un grand merci également à Bruno974 : explications tout aussi claires que celles de Tara, et tout aussi rassurantes pour moi.
Bonjour
Le subjonctif ne possède que trois temps, car il n’a finalement qu’une faible valeur temporelle.
Lorsque la principale est au futur, la subordonnée se conjugue au présent.
Je devrai marcher seule bien que je préfère être accompagnée.
Votre question est pertinente.
Le subjonctif ne marque que très peu le temps. Il n’existe d’ailleurs pas de subjonctif futur.
Le temps est essentiellement rendu par le verbe de la principale.
Ce qui est important de comprendre, c’est qu’il n’est jamais pertinent d’appliquer une règle les yeux fermés. C’est bien ce que vous soulignez ici. Dire qu’après « bien que » on a toujours le subjonctif, c’est méconnaître les faits de langue.
Il faut prendre ici le temps de l’analyse.
Nous allons remplacer préférer par vouloir pour éviter les homophonies
Dans cette phrase en fait que voulez-vous dire exactement ?
Je devrai marcher seule : le verbe devoir est au futur : l’exigence porte sur le futur
bien que je (préférer/vouloir) être accompagné : le fait de préférer/vouloir, où se situe-t-il sur l’échelle du temps ?
– dans le présent de l’énonciateur ? => bien que je préfère/veuille (subjonctif présent)
– dans le passé de l’énonciateur ? illogique ici. Il faut alors avoir un passé en principale. Ce qui donne :
Je devais marcher seule : l’exigence a eu lieu dans le passé.
bien que je préférasse/voulusse être accompagnée -comme l’imparfait du subjonctif est plus ou moins obsolète, je doute de son emploi.
– dans le futur de l’énonciateur ?
Je devrai marcher seule
Bien que je préfèrerai /voudrai être accompagnée : Si on veut vraiment marquer le futur pour le deuxième verbe, on ne peut ici qu’employer le futur de l’indicatif
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Mais attention ! on peut choisir d’exprimer l’irréel dans la subordonnée : cette fois-ci on abandonne le subjonctif pour le conditionnel
-Dans une phrase au présent :
Je devrai marcher seule
bien que je préfèrerais être accompagnée : le conditionnel est de politesse (moins direct que le présent)
ou
Je devrai marcher seule
bien que j’aurais préféré/j’aurais voulu* : conditionnel passé avec antériorité = regret
– Dans une phrase au passé
Je devais marcher seule
bien que j’aurais préféré/j’aurais voulu* être accompagnée : conditionnel passé = regret
*pour encore complexifier les choses : on peut ici employer le conditionnel passé 2e forme : j’eusse préféré/voulu : de même sens
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N’hésitez pas à nous demander des compléments d’information ou des explications. Nous ferons de notre mieux pour vous répondre.