Histoire de confiture…
Bonjour,
Dernièrement, j’ai lu ceci, que je cite :
« On dit de la confiture de fraise (fraise au singulier), mais de la confiture d’abricots (abricot au pluriel). »
L’explication donnée était, je cite :
« Les singuliers ou pluriels s’appliquent en fonction du degré de transformation du fruit pendant sa préparation et sa cuisson. »
J’ai beau essayer d’y réfléchir sous différents angles, cela me laisse perplexe.
Angle 1 : Un « degré de transformation des fruits » lié à un accord me gêne.
Je fais cuire une pomme/je fais cuire des pommes ou je fais cuire une pomme/je fais cuire des carottes ou encore, je fais cuire des légumes/je fais cuire un poulet, etc.
Pour moi, le degré de transformation ou de cuisson, quel que soit le fruit, le légume ou la viande, n’enlève en rien le fait d’accorder singulier ou pluriel selon le nombre.
Angle 2 : Si j’imagine une « préparation dans son ensemble » comme le cas de la confiture, je reste encore dubitative.
En effet, si je fais une confiture, cela signifie que j’utilise plusieurs fruits. Que ce soit pour une confiture avec des fraises ou pour une confiture avec des abricots. Je ne vois donc pas de distinction logique là non plus.
Angle 3 (que je n’affirmerai cependant pas)
Il me semble que je peux autant choisir de dire « une confiture de fraise » qu’une « confiture de fraises ».
Une confiture de fraise = une confiture faite avec le fruit « la fraise » ou à partir de celui-ci.
Une confiture de fraises = une confiture réalisée avec des fraises.
Si tel est le cas admis, il est reproductible.
Une confiture d’abricot = une confiture faite avec le fruit » l’abricot » ou à partir de celui-ci.
Une confiture d’abricots = une confiture réalisée avec des abricots
Vous l’aurez compris, je ne réussis pas à intégrer le pourquoi de la phrase que j’ai lue et encore moins son explication.
Pouvez-vous me donner votre point de vue s’il vous plaît ?
Merci d’avance
Cocojade
Cocojade, vous avez parfaitement bien résumé la situation :
– soit on envisage le fruit (le légume) de façon massive et alors on a un singulier : confiture faite avec de la fraise / de l’abricot, etc. > Confiture de fraise.
– Soit on envisage le fruit (le légume) de façon comptable et alors on a un pluriel : confiture faite avec des fraises / des abricots, etc. > Confiture de fraises.
On retrouve cette différence, cette fois-ci visible/audible en remplaçant la préposition de par la préposition à :
Une confiture à la fraise / aux fraises.
Bonjour Marcel1
Je vous remercie de m’avoir donné confirmation et de m’avoir aiguillée vers l’utilisation d’une préposition plus parlante pour imager la différence des accords. 🙂
Concernant cette histoire d’accorder (ou pas) en fonction d’un degré de cuisson/préparation… pensez-vous que cette « règle » puisse exister ou est-ce une pure fantaisie ?
Bonjour Cocojade,
Je pense que cette histoire de degré de transformation rejoint la vision massive, et se place donc à la fin du processus (lorsque vos fraises sont réduites à l’état de purée, elles ne sont plus comptables, elles forment une matière massive équivalente à du sable, de la farine, du sucre, etc.) plutôt qu’au début, où c’est la vision comptable qui prévaut (au début on a des fraises entières bien dénombrables, à la fin on a des fraises réduites en bouillie, non dénombrables : on a de la fraise).
Donc d’après ce principe, selon que votre représentation cognitive privilégiera le début ou la fin du processus de la fabrication de la confiture, vous préférerez le pluriel ou le singulier.
Mais ce critère me semble assez peu recevable, comme le montre l’exemple de la tarte qui peut être à la fraise aussi bien qu’aux fraises, alors que les fruits sont dans les deux cas entiers et toujours bien dénombrables (dans ce cas l’usage du massif s’explique pour la raison que vous avez donnée : singulier = matière/substance « fraise », pluriel = les fruits)
Pour ce qui est de l’usage, et au moins pour pêche, abricot , fraise, framboise, pomme et poire, c’est le pluriel qui est privilégié. La confiture de rhubarbe fait exception, ce qui est logique, puisque cette plante est par défaut saisie de façon massive plutôt que comptable :
J’ai acheté des pommes, des poires, des fraises, etc., mais de la rhubarbe.
Bonsoir Marcel,
Retour extrêmement intéressant dont je vous remercie.
Votre cheminement me convient parfaitement, si j’avais dû fournir une explication ou hypothèse, j’aurais souhaité pouvoir donner celle-ci. Chapeau bas 🙂
En revanche, je ne m’attendais vraiment pas à ce que l’usage du pluriel ait prévalence… alors là, je n’en reviens pas !
Merci pour tout cela Marcel, c’était très enrichissant.
Bonne fin de journée
Bonsoir Cocojade,
Je vous en prie. 🙂
Concernant le pluriel, pour ma part, il ne me surprend pas, puisque c’est ce nombre que j’aurais choisi de préférence.
… Comme quoi. 😉
Confiture mais aussi gelée, compote, marmelade, sirop ou les fameux jus.
Les grammairiens, surtout depuis Littré et sa « théorie des morceaux visibles » , se sont beaucoup amusés avec ce sujet culinaire idéal pour les dimanches pluvieux.
Il ne s’agit, selon moi, que de l’un des avatars du problème aux cent bras des compléments de nom sans article. Vous aurez beau tourner la question dans tous les sens, vous ne sortirez que des subtilités non perçues par un lecteur moyen ou même lettré.
Ma réponse est donc que cela n’a aucune importance, que le singulier prévaut simplement par défaut et que le pluriel « volontariste » doit être marqué autrement (article¹, adjectif², complément³) que par un simple signe graphique.
J’ai déjà donné plusieurs fois sur ce site des réponses en ce sens et me tiens à ce principe qui semble perturber certains sans qu’on sache pourquoi.
Exemples : ¹– de la confiture aux fraises ²– de la confiture de fraises espagnoles ³– de la confiture de fraises de mon jardin.
Bonjour Chambaron
Je vous remercie pour votre retour. Je ne puis pas grammairienne (et pas forcément non plus une excellente cuisinière 😉 ) mais je reconnais que ce sujet culinaire me trotte en tête (et m’agace) depuis que j’ai vu cette explication d’accord ou de non-accord… liée au degré de cuisson des aliments.
Les deux accords peuvent s’entendre en fonction de ce que cherche à dire l’orateur, mais sans repère « volontariste » affiché, je vous rejoins sur la prévalence (c’est ma préférence) du singulier, car cela me semble plus cohérent, plus « propre ».
C’est la raison pour laquelle, si je lisais « de la confiture de fraises espagnoles », j’aurais tendance à y préférer l’emploi du singulier « de la confiture de fraise espagnole ».
En effet, bien que l’accord pluriel soit également juste, la démarche « volontariste » ne me parait pas assez claire, ce même avec l’emploi d’un adjectif pour appuyer la volonté d’un pluriel.
De la confiture aux fraises espagnoles ou de la confiture avec des fraises espagnoles me semble plus volontariste.
Pour l’exemple 3, je comprends que l’appui d’un complément puisse aider à l’emploi du pluriel, mais là encore, je ne peux m’empêcher d’y préférer le singulier.
Alors oui, certes « de mon jardin » laisse à penser que vous n’y avez pas qu’une seule fraise, mais… »de la confiture » tout court, laisse pareillement à penser qu’elle n’est pas confectionnée qu’avec une seule fraise, alors…retour case départ à mes yeux.
« De la confiture de fraise, de mon jardin » me parle mieux.
Ou bien de la confiture aux fraises de mon jardin. De la confiture avec les fraises de mon jardin.
En clair, seul l’exemple 1 me semble parfaitement clair sur l’accord pluriel. L’ajout d’un adjectif ou d’un complément ne me semble donc pas suffisant à lui seul.
Vous me direz, tout ceci n’est que de la tambouille et chaque cuisinier est différent (heureusement 😉 )
Le principal restant que l’on peut choisir le singulier comme le pluriel.
Ceci étant dit, vous n’avez pas donné votre avis ou fait part de vos connaissances sur la possible existence d’une règle liant accord avec degré de transformation…
Vous me dites ? 🙂
Je n’ai aucun avis particulier sur cette affaire de « degré de transformation » qui me semble une amusante facétie de lexicographe, sans plus.
Pour le reste, c’est à votre convenance… Encore une fois, si le pluriel n’a pas d’intérêt particulier, grammatical ou sémantique, le singulier est la solution par défaut. En français, c’est le pluriel (comme le féminin) qui se marque (se rend visible d’une manière ou d’une autre), pas l’inverse. C’est une base linguistique permanente, pas un caprice de grammairien.
Je vous rejoins à nouveau sur l’utilisation préférentielle du singulier.
Pour le degré de transformation déterminant l’accord singulier ou pluriel, je pense également qu’il s’agit d’une amusante règle issue de l’esprit de celui ou celle qui a voulu que ce principe puisse s’appliquer.
Je me garde cependant de me forger des certitudes sur la base de mes seules convictions.
… D’où ma question insistante sur cette histoire de cuisine 😉
Merci d’avoir donné votre sentiment Chambaron.
Je vous souhaite une bonne journée.