Au-devant ou au devant ?
Bonsoir !!
J’ai une question au sujet de la phrase suivante =
– « Je le contrains à se mettre légèrement sur le côté pour m’offrir un accès illimité au-devant de son corps. ».
Est-ce que l’on peut écrire « au devant » sans trait d’union dans le sens de cette phrase ? Car ça me semble un peu différent de la description du Larousse pour « au-devant » avec trait d’union, et je ne trouve pas de définition pour l’orthographe sans le trait d’union.
Merci.
Je le contrains à se mettre légèrement sur le côté pour m’offrir un accès illimité au devant de son corps
En ce cas, le trait d’union ne doit de toutes façons pas être mis car « devant » est ici un nom auquel on peut substituer un autre nom :
Je le contrains à se mettre légèrement sur le côté pour m’offrir un accès illimité à la partie antérieure de son corps.
Voici un exemple d’emploi de la locution adverbiale : Au-devant, dans l’enfoncement sombre d’un angle de mur, (…), brûlent de petits cierges TLF
de la locution prépositionnelle : il attendait son retour avec une certaine impatience, courait au-devant d’elle en la voyant, TLF
En ces deux cas, je suivrai quant à moi, les indications de Chambaron plutôt que celles du TLF,
Merci, Le TLF n’est pas en soi prescriptif. Il reprend et compile différentes sources (dont l’Académie) et ne peut que constater ce qui s’est fait dans le passé…
Oui.
Quand une préposition et un adverbe réunis prennent un sens spécifique, ils forment un adverbe composé, ou une préposition composée, qui s’écrit avec un trait d’union.
Par exemple, il y a deux sens différents dans « je n’avais jamais été malade avant hier » et « avant-hier, j’étais malade ».
Dans « je vais au-devant de Paul », on ne parle pas du « devant de Paul » vers lequel on irait, mais on utilise « au-devant » dans le sens spécifique de « à la rencontre de » ou « vers », ce qui en fait une préposition composée, nécessitant le trait d’union.
Dans « un parc s’étend au devant de la maison », on parle bien du « devant de la maison », les mots sont utilisés dans leur sens ordinaire, ils ne forment pas une locution prépositive, il n’y a pas de trait d’union.
On entend même la différence à l’oral (je souligne la syllabe accentuée) :
— Il s’avance au devant de la scène. Il s’avance au niveau de la ligne. Il n’avait jamais joué avant hier.
— Il s’avance au-devant des spectateurs. Il s’avance vers les spectateurs. Il est arrivé avant-hier.
Puisque on entend la différence, il faut admettre que ce n’est pas une simple question d’orthographe ou de trait d’union inutile, on a réellement des sens différents,
C’est uniquement la locution prépositive signifiant « à la rencontre » qui prend un trait d’union, selon le dictionnaire que vous citez, et c’est effectivement normal et obligatoire. En revanche, les autres sens ne sont pas concernés, et il n’y a pas davantage de raisons d’écrire « au-devant » que « sur-le-devant » quand on parle réellement du devant d’une chose, ou d’un endroit.
Le « devant d’un corps » me semble un sens rare, mais c’est manifestement ce sens que vous utilisez, je ne cherche pas à comprendre. On a accès à l’arrière de la maison. On a accès au devant de son corps. Il n’y a ici aucune préposition composée porteuse d’un sens spécifique. Il ne faut pas de trait d’union.
Si l’on se fie aux sources habituelles, il y a de quoi perdre son latin avec la question des traits d’union dans les nombreuses locutions composés de en, par ou au avec un adverbe de lieu : en(-)dessous, par(-)derrière, au(-)delà ?
Le trait d’union est ici un archaïsme typographique (XVIIIe et XIXe siècles) que certains n’ont pas supprimé par conservatisme. Mais la philosophie générale est bien plus simple : le trait d’union est la marque des substantifs et on le supprime dans toutes les locutions adverbiales et prépositionnelles : partir pour l’au-delà mais aller au delà de ses forces.
Mieux vaut une bonne règle que dix sources érudites mais divergentes…
Vous voulez dire que l’on peut l’écrire sans trait d’union, et même les autres comme au dessous ou par dessus, par exemple ? Mais l’académie notamment ne semble pas l’accepter, ça ne risque pas d’être considéré comme une faute ?
Une « faute » , mais par qui ? Personne ne comprend la logique (car il n’y en a pas) et on trouve de tout dans les meilleurs ouvrages. Quant à l’Académie, le trait d’union est le cadet de ses soucis et son dernier Dictionnaire remonte à… 1935.
Je suis correcteur professionnel (et typographe) depuis longtemps et je n’ai jamais eu un retour sur ce principe que j’applique tous les jours.
Et du coup mettre « au devant » pour ma phrase irait ?
Oui, bien sûr. Sinon, mettez des traits d’union à toutes les locutions : en-dedans, au-dessus, par-devant, etc.
Merci beaucoup à tout le monde, c’est en effet très différent avec et sans trait d’union.
Chambaron : Si le dictionnaire de l’académie n’est pas une référence, auquel recommandez-vous de se fier le plus de préférence ? Au Larousse ? Au Robert ?
Aucun ouvrage n’est « la » référence ! Utilisez prioritairement le TLF-CNRTL pour vous renseigner (il compile les grands ouvrages lexicographiques et des textes littéraires).
La langue française écrite a été compliquée à loisir au cours des siècles et personne ne semble savoir ou vouloir la rationaliser. Il faut donc accepter de naviguer entre des incohérences que les spécialistes ne cessent de constater.
Amusant ou lassant, je ne sais pas mais c’est ainsi…
Je comprends. Merci pour ces renseignements. Je ferai ça alors.