Cela en …

Les phrases « Cela en »…
Comment justifier auprès des étudiants l’emploi du « en » dans les phrases suivantes…
Cela fait des kilomètres / Cela en fait des kilomètres
Eduquer des enfants, cela demande de l’énergie/ Eduquer des enfants, cela en demande de l’énergie

…mais aussi dans les phrases suivantes :

Cela en est assez

Cela en est fini

Je vous remercie.

Frederic Débutant Demandé le 16 janvier 2024 dans Question de langue

Pour vous améliorer en orthographe, testez les modules d’entraînement du Projet Voltaire :

2 réponse(s)
 

Dans vos deux phrases, le pronom « en » est une simple répétition du COD, et n’est justifiable syntaxiquement qu’en reconnaissant qu’il y a une répétition :
— Je mange des carottes. J’en mange. Des carottes, j’en mange. J’en mange, des carottes.
Certains parlent de « COD disloqué », mais dans une explication simple, il suffit de dire « COD répété ».

L’utilisation du pronom « en » est due au nom partitif ou indéfini pluriel de l’antécédent :
— Je la vois, la mer. J’en bois, de l’eau.
— Je les vois, les mouettes. J’en vois, des mouettes.

Q1) Demander de l’énergie.
Le COD est partitif et se pronominalise donc en « en ».
* Incorrect : Éduquer des enfants, cela en demande de l’énergie.
* Correct : Éduquer des enfants, cela demande de l’énergie.
* Correct avec un antécédent placé avant : Aller au travail, cela demande de l’énergie, mais éduquer des enfants, cela en demande aussi.
* Correct à l’oral, avec une virgule, et une précision sur l’antécédent du pronom « en » ; c’est une répétition acceptable : Aller au travail, cela demande de l’énergie, mais éduquer des enfants, cela en demande aussi, de l’énergie.
* Correct à l’oral, en style populaire, même sans antécédent placé avant ; pour que ce ne soit pas un pléonasme syntaxique et donc une grosse faute de français, la virgule est obligatoire : Éduquer des enfants, cela en demande, de l’énergie.
À l’oral, il n’y a pas de différence pratique entre « éduquer des enfants, cela demande de l’énergie » et « éduquer des enfants, cela en demande, de l’énergie« , mais on entend, en lisant à voix haute, que la première phrase accentue le COD « de l’énergie », et que la deuxième phrase accentue le verbe « demander », soulignant l’effort. Ce sont des nuances qui dans un style écrit nécessitent des adverbes, par exemple respectivement : « éduquer des enfants, cela demande surtout de l’énergie » et « éduquer des enfants, cela demande vraiment beaucoup d’énergie« .

Q2) Pareil pour « ça en fait, des kilomètres » mis pour « ça fait beaucoup de kilomètres« . Même si vous entendez quelqu’un ne pas marquer un arrêt à la virgule, il est nécessaire de noter la virgule à l’écrit, pour bien marquer qu’il s’agit d’une répétition du COD :
— Ça en fait, des kilomètres. Il y a des kilomètres entre Lyon et Paris. Il y en a, des kilomètres, entre Lyon et Paris.

Ce n’est pas une question spécifique à l’utilisation du pronom « cela », c’est d’abord une question d’antécédent du pronom « en » :
— Tu as mis beaucoup de temps pour faire ce travail. Tu en as mis, du temps !
Dans cette expression, on n’entend pas à l’oral une pause à la virgule, mais on entend une très forte accentuation sur le verbe « mettre ».
Il est clair pour un linguiste que cette construction centrée sur le pronom « en », dont on précise l’antécédent en fin de phrase, est porteuse d’une intention, mais les manuels de grammaire se contentent d’y voir une double mention du complément, une fois sous forme de pronom, une fois sous forme de nom. C’est ce qui s’enseigne, vous devriez imposer aux élèves d’insérer une virgule, et éviter d’évoquer la possibilité que le pronom « en » ait ici une autre fonction syntaxique que COD.

Comment disparaissent les virgules ?
— Tu t’en fiches, de ce que je te dis ?
Là, le pronom COI « en » est apparemment inutile, il suffirait de « tu te fiches de ce que te dis ?« , mais la répétition rend la phrase beaucoup plus expressive. Comme il s’agit bien, syntaxiquement, d’une répétition, la virgule est nécessaire à l’écrit. Si l’usage confirme la construction avec un COI répété sous la forme d’un pronom, un jour on arrêtera de mettre une virgule, et on dira que « s’en fiche » (ou « s’en ficher ») est devenu une locution verbale dans laquelle le pronom « en » n’est pas analysable, et on écrira :
— Tu t’en fiches de ce que je te dis ?

Les « en » difficilement analysables sont fréquents, comme dans « en découdre », « en baver », « en avoir pour son argent »… mais cela ne pose pas de problème s’ils ne sont pas doublés par leur antécédent comme par exemple avec ce très litigieux : j’en bave de ce travail.
Mais avec « j’en ai marre », c’est presque devenu la norme : j’en ai marre de ce travail.
Je vais vous donner un truc, mais ne le répétez pas. Quand vous ne savez pas analyser un mot, faites comme les contributeurs de ce site, dites que c’est inanalysable, en prenant un air pénétré, et vos élèves n’y verront que du feu.

Q3) Dans « j’en ai assez de travailler« , il y a à l’origine un complément répété, mais comme on ne pense pas « j’en ai assez ! — assez de quoi ? — assez de travailler ! c’est de cela que j’ai assez ! j’ai assez de travailler !« , et comme le pronom « en » est systématique dans la locution, même quand on la complète, il faut dire que le pronom n’est pas, n’est plus, analysable. Car s’il était analysable, il y aurait un complément double, et un pléonasme syntaxique. Le raisonnement est que quand la faute est systématique, ce n’est plus une faute mais une nouvelle construction.
Pareil pour la construction « c’en est assez« . Quand la phrase n’est pas complétée (c’en est assez de…), on peut si on le souhaite revenir à l’origine et donner formellement une fonction au pronom « en » : il y a assez de problèmes, il est assez de problèmes, c’est assez de problèmes, c’en est assez…

Q4) Avec « c’en est fini » ou « il en était fini« , il suit généralement un complément introduit par « de » (c’en était fini de ses espérances, Hector Malot), offrant l’apparence d’un pléonasme syntaxique. C’est le jour où l’usage, c’est-à-dire en pratique les auteurs (mais de préférence ni un lexicographe ni un grammairien, qui serait alors juge et partie), décide que cette construction est valide qu’elle le devient, et qu’en conséquence « en finir de » peut entrer dans le dictionnaire, et le pronom « en » cesse d’être pléonastique. Le « en » devient alors non analysable.

CParlotte Grand maître Répondu le 16 janvier 2024

On est dans le cas suivant signalé dans le TLF :

b) [La détermination est de nature qualificative avec valeur d’épithète; en est généralement suivi de de]

[avec un adjectif] Vous avez vu les principales personnalités locales… Il y en a de pittoresques… Le docteur Bellamy les surclasse de beaucoup…

 Il n’y a pas chez lui d’affaissement intellectuel, mais, selon la formule de Dugas, « confiscation de l’esprit au profit d’un sentiment fixe ». Il en est de savants, il en est de ministres.
—-
Et puis on a des locutions figées :
C’en est assez – c’en est fini — où « en »est COI  « de cela » >> c’est assez de cela – On en a fini avec cela
 

 

 

 

 

 

Tara Grand maître Répondu le 16 janvier 2024

Pour ne plus vous poser cette question ni tant d'autres,
découvrez les modules d’entraînement en orthographe et en expression du Projet Voltaire :

Votre réponse
Question orthographe est un service proposé par Woonoz, l'éditeur du Projet Voltaire et du Certificat Voltaire.