Leur
Bonjour,
j’hésite entre ces 2 phrases :
L’instant où les grands ont perdu leur regard d’enfants
ou
L’instant où les grands ont perdu leurs regards d’enfants
Comme souvent dans ce type de formule à complément, lorsque le pluriel ne s’entend pas et qu’il n’est pas franchement exigé par le sens, c’est le singulier qui est préférable.
Certes le pluriel est grammaticalement possible mais le singulier est plus naturel (on dit aussi générique) et il est souvent stérile de se poser cent questions pour accorder.
Dans votre exemple, enfant peut aussi se laisser au singulier : L’instant où les grands ont perdu leur regard d’enfant.
Bonsoir,
Bien sûr, le singulier (L’instant où les grands ont perdu leur regard d’enfant) ressort du sens le plus commun compris avec cette expression, mais contrairement à des termes et concepts comme innocence, candeur pour lesquels le singulier s’impose, pour des regards, même au sens figuré, le pluriel est tout à fait envisageable, qui rend compte de la diversité exprimée, des façons de voir chez un enfant ou parmi des enfants : En ce temps, Bertin aussi rêvait ! Même son sens pratique, sa précoce ironie, ne le défendaient pas des espoirs impossibles, des généreux projets de rénovation humaine. Ah ! que l’avenir était beau à leurs regards d’enfants ! Et comme à ces visions, en des minutes ravies, leurs deux cœurs se fondaient d’amoureuse amitié!.. (Romain Rolland, Clerambault : histoire d’une conscience libre pendant la guerre, 1920) ; chaque ride est un siècle une forêt hantée par les étoiles une guerre qui a déchiré nos regards d’enfants (Tahar Ben Jelloun, Poésie complète, 1995)
Dans les deux exemples que vous donnez, êtes-vous sûr qu’il s’agit du sens figuré ? Ne s’agit-il pas plutôt du sens propre ? Au moins est-ce à mon avis le cas pour la phrase de Ben Jelloun, où pour le coup le singulier serait pour le moins étrange. Accepteriez-vous Ah que l’avenir était beau à mes regards d’enfant ! ?
Bien sûr, le sens est figuré dans les deux cas. Aucun objet n’est vu avec les yeux : l’avenir est chose abstraite et la guerre n’a pas rendu aveugle. Le sens figuré reste néanmoins très attaché au sens propre, car il ne renvoie pas seulement à l’idée d’une certaine appréhension du monde mais aussi à l’étonnement et l’innocence qui s’expriment par les yeux, par les mimiques ou les répliques.
Sans problème, l’avenir a pu être beau à mes regards d’enfants, comme la beauté inhérente à mes visions du monde. Il est en effet peu commun qu’au travers de ses expériences, un enfant se fasse une représentation de son environnement cohérente et unifiée. Elle est plutôt multiple et mouvante.
C’est une chose de recommander d’aller au plus simple (le singulier), mais l’option du pluriel reste ouverte si l’intention du locuteur la justifie.
Eh bien, je n’ai pas la même compréhension que vous – au moins pour la phrase de Ben Jelloun, mais comme c’est de la poésie, l’interprétation en est sans doute très libre et les interprétations multiples (et oui tout, de même, j’avais compris que la guerre n’avait pas rendu aveugle ! 😀 La guerre (ce qu’il se passe pendant cette période : le spectacle de la guerre) en revanche peut être vue (sens propre, donc ; et je doute qu’il s’agisse ici d’avoir un point de vue sur la guerre, sens figuré – mais encore une fois, c’est de la poésie, chaque lecteur en fait bien ce qu’il veut !).
Pour celle de Rolland, mon précédent message laissait supposer que j’optais pour le sens figuré, mais le pluriel me gêne alors ; et non pour une quelconque raison de simplicité – le singulier n’est pas plus simple que le pluriel qui n’est pas plus compliqué que le singulier -, juste pour une raison sémantique.
Je confirme que contrairement à vous je trouve les énoncés du type Mes regards sur le monde ont bien évolué / Mes regards sur l’avenir ne sont pas très optimistes / Mes regards critiques sur sa vie le perturbent, etc. pas franchement acceptables (pour ne pas dire franchement inacceptables).
Après, si regard – tout en restant figuré – ne signifie pas point de vue, le pluriel peut en effet se concevoir – et finalement, c’est sans doute le sens retenu par Rolland (il y aurait d’ailleurs à dire sur la syntaxe de sa phrase, licence du poète beau à leurs yeux d’enfants, oui, mais beau à leurs regards d’enfants… dans un registre non poétique, littéraire, je ne sais pas…) :
Je ne porte jamais mes regards vers l’avenir / En jetant mes regards vers le passé, blablabla où regards = regarder et non avoir un point de vue.
Tout à fait convaincue par Bruno seulement, auquel j’attribue un vote positif !
Je vois difficilement comment on pourrait accepter le pluriel dans le cas présent :
?????? L’instant où les grands ont perdu les regards qu’ils avaient lorsqu’ils étaient enfants.
L’instant où les grands ont perdu le regard qu’ils avaient lorsqu’ils étaient enfants.
(Et le singulier n’a ici strictement rien de générique.)
Ici, regard a un sens figuré = façon de voir et le pluriel n’est vraiment pas approprié, comme on peut le constater avec un sujet singulier : Mes regards d’enfant étaient naïfs / Mes regards étaient naïfs quand j’étais enfant.
On n’est donc pas dans le cas de Les grands ont perdu leur chapeau / leurs chapeaux où les deux accords sont effectivement possibles selon que l’on a un point de vue distributif centré sur le possesseur ( = chacun a perdu son chapeau) ou collectif centré sur le possédé (= les chapeaux ont été perdus par chacun).
Et où l’on voit également qu’un sujet singulier peut effectivement posséder plusieurs chapeaux (contrairement au regard) : Mes chapeaux ont été perdus.
Edit : si regard ne signifie pas point de vue mais est à prendre au sens propre, ce qui est en fait tout à fait possible, même si ce n’est pas le sens qui m’est apparu en premier (le contexte manque pour pouvoir décider), le pluriel devient bien évidemment possible (on retombe dans le cas chapeau / chapeaux) – on peut même envisager que chaque possesseur « possède » plusieurs regards, auquel cas, le pluriel serait seul possible).
merci beaucoup pour ces échanges riches !
Bonjour, je n’ai pas trouvé comment faire pour poser une question, alors, j’essaie de la poser ici, désolée, si ce n’est pas le bon endroit.
Quand le sujet de la phrase est « Leur visage », même si c’est chacun son visage, est-ce que je peux tout de même le mettre au pluriel, car le verbe qui suit est forcément au pluriel ?