Accord du participe passé

Répondu
Frappée de stupeur par cette mort que, malgré l’état de sa mère, elle s’était refusé à imaginer, Annie Ernaux s’efforce de retrouver les différents visages et la vie de celle qui était l’image même de la force active et de l’ouverture au monde.
https://www.fnac.com/a1082580/Annie-Ernaux-Une-femme

Pourquoi le participe passé « refusé » n’est-il pas accordé au féminin ?

PierreC Amateur éclairé Demandé le 2 septembre 2023 dans Accords

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9 réponse(s)
 
Meilleure réponse

Bonjour,
La phrase doit être comprise sans l’incise : Frappée de stupeur par cette mort qu’elle s’était refusé à imaginer…
Il s’agit d’un verbe occasionnellement pronominal qui s’accorde avec le COD placé avant le verbe.
Le participe passé est toutefois suivi d’un infinitif et pour que l’accord se fasse avec le COD, il faut que ce COD fasse l’action exprimée par l’infinitif.
Le COD est que mis pour mort, placé avant refusé mais mort est COD de imaginer et il n’y a donc pas d’accord.

PhL Grand maître Répondu le 2 septembre 2023

Les accords de verbes pronominaux demandent décidément des heures de réflexion, sans qu’on soit pour autant sûr de la réponse !
Ici, la forme se refuser à + verbe a un sens dit autonome, c’est-à-dire qu’elle n’est pas un emploi occasionnel du verbe transitif sous la forme pronominale. Le pronom n’a pas de fonction grammaticale, ni C.O.D. (elle s’est refusée à son mari) ni C.O.I. (elle s’est refusé tout luxe).
L’accord se fait donc avec le sujet comme dans les verbes essentiellement pronominaux (s’emparer,s’envoler).
Illustrations dans la liste d’ouvrages jointe (en particulier le manuel de grammaire en tête).

Chambaron Grand maître Répondu le 2 septembre 2023

Difficile en effet de distinguer les différents types de pronominaux. Il faut néanmoins toujours s’appuyer sur le sens.

se refuser à  + infinitif signifie  ne pas vouloir+ infinitif.
et
Refuser qqc signifie ne pas accepter qqc
Dans « se refuser à + infinitif », le pronom « se » ne peut être analysé comme étant un COD du verbe refuser. Ce n’est pas soi-même que le sujet refuse, n’accepte pas.
Le sens du pronominal se refuser à + infinitif est donc autonome , c’est à dire que le sens est indépendant du sens du verbe de forme  simple refuser

Ce qui complique les choses, c’est que le pronominal se refuser n’est, pas toujours autonome, il est  parfois occasionnel et en ce cas l’accord se fait avec « se » qui est COD  – la construction est cependant différente :
se refuser à quelqu’un :

Je ne me serais jamais refusée à vous (Maupassant)
se refuser (tout court) :
[C’est] sur quoi repose leur vie. ils se sont  refusés eux-mêmes.

Tara Grand maître Répondu le 3 septembre 2023

Merci à vous trois. Si j’ai bien compris, PhL dit que la phrase est correcte, Chambaron dit que la phrase est incorrecte, et Tara dit que c’est compliqué. Comme ce texte est une présentation de livre par un éditeur rigoureux, je vais considérer qu’il est correct.
Tara, bien sûr, le pronom « se » ne peut pas être analysé ici comme un COD, mais on cherche s’il peut être analysé comme un COI, c’est apparemment le choix qu’a fait l’auteur du texte. L’emploi pronominal occasionnel du verbe « refuser » ne fait pas forcément du pronom un COD comme vous le dites. N’est-ce pas parfois un COI : « elle m’a refusé de rester, elle s’est refusé de rester » ? Cette interprétation est-elle possible avec « se refuser à » ?

PierreC Amateur éclairé Répondu le 3 septembre 2023

Je ne suis pas sûre d’avoir dit cela Pierre. Merci de me relire.
Pour répondre à votre dernière question
Se refuser à + substantif n’a pas le même sens que se refuser à + infinitif
Elle se refuse à quelqu’un : se = COD
Elle se refuse toutes les sucreries :se = COI
Elle se refuse à chanter : se = inanalysable

Je me permets de préciser ma pensée : l’accord du PP des verbes pronominaux n’est ni compliqué ni difficile ; il est complexe parce qu’il s’agit de bien repérer les différents types de verbes pronominaux.

le 4 septembre 2023.

Je rejoins en partie Chambarron : le pronom se est inanalysable, l’accord se fait par conséquent avec le sujet. En revanche, on n’est pas en présence d’un pronominal autonome, puisque son sens est équivalent à la forme non pronominale, simplement la forme pronominale fait passer le verbe d’une forme transitive directe à une forme transitive indirecte (le sujet reste identique, syntaxiquement et quant à son rôle sémantique) :

(Se) refuser de/à + infinitif = ne pas vouloir faire qq chose.
Elle a refusé d’ imaginer cette mort (elle a refusé cela > COD).
Elle s’est refusée d’/à imaginer cette mort (elle s’est refusée à cela > COI).

Pour info, techniquement, c’est ce qu’on appelle un antipassif (où le pronom réfléchi sert d’opérateur de valence, il a donc un rôle strictement syntaxique et aucune valeur sémantique).

marcel1 Grand maître Répondu le 3 septembre 2023

Merci Marcel1, au début de votre réponse, vous expliquez que le pronom n’est pas analysable syntaxiquement, et en conclusion, vous expliquez que le pronom a un rôle syntaxique. Je ne comprends pas cette contradiction apparente.
Sinon, je pense qu’on construit « elle s’est refusé de » comme « elle s’est interdit de », sans accord. Avez-vous trouvé un exemple d’accord chez un auteur ? Si l’absence d’accord dans le texte ci-dessus m’a étonné, c’est uniquement à cause de la construction « se refuser à ».

PierreC Amateur éclairé Répondu le 3 septembre 2023

Je vous en prie Pierre C, c’est toujours un plaisir de vous répondre.

J’ai dit que le pronom était inanalysable sans préciser davantage. Quand on dit du pronom réfléchi qu’il est inanalysable, on signifie qu’il ne renvoie à aucun actant/argument. Ce qui est le cas ici (contrairement à s’interdire de) :

Truc a refusé à Machin d’imaginer cette mort n’a aucun sens.
Et partant, également Truc a refusé à lui-même d’imaginer cette mort.

Le complément serait d’ailleurs un COD (Truc a refusé à Machin/à lui même cela – le lui a / se l’est refusé), ce qui en fait n’est pas le cas puisque la forme pronominale construit un COI (Truc s’est refusé à cela / Truc s’y est refusé).

Bref, dans le cas présent, le pronom réfléchi à défaut de renvoyer à un actant/argument marque un changement de valence (ce qui est bien une indication syntaxique).

Quant à donner des exemples d’accord, le faire m’a semblé parfaitement inutile, puisque Chambarron vous a obligeamment donné un lien qui pointe vers de tels exemples – Il a même pris la peine de vous préciser que le premier ouvrage était un manuel de grammaire. Sans doute étiez-vous trop occupé à chercher des noises et la petite bête (oui c’est une zeugme, oui c’est volontaire, faut bien se détendre un peu, sinon c’est trop triste, hein !) dans les réponses des uns et des autres pour prendre le temps de bien les lire.

le 4 septembre 2023.

Bonjour Tara, à votre demande, je vous ai relue, et vous avez clairement écrit que quand le verbe « se refuser » est occasionnellement pronominal, le pronom « se » est COD. Je demandais simplement si vous acceptiez la possibilité d’un pronom COI suivi d’un participe passé invariable (elle nous a refusé une chose, elle s’est refusé une chose), si cela pouvait être étendu aux verbes (elle nous a refusé de venir, elle s’est refusé de venir), et si ce pouvait être pour cette raison que l’éditeur d’Annie Ernaux a choisi l’invariabilité dans « elle s’était refusé à imaginer ». Je pense que c’est plus une erreur qu’un choix de l’éditeur.

Merci Marcel1, vous expliquez dans votre réponse à la fois que le pronom n’est pas analysable, et qu’il faudrait accorder le participe passé avec le sujet, mais qu’ici il faut écrire « elle s’est refusé à cela », parce que finalement il faut tenir compte du pronom. Si vous trouvez que c’est clair, tant mieux pour vous. Je pense que c’est simplement faux.
– Concernant la construction avec « de », c’est vous qui avez ajouté à la question des considérations sur la possibilité d’écrire « elle se refuse de faire ». Chambaron n’a pas traité cette question, son lien Google ne peut donc pas concerner votre nouvelle proposition. Ce cas pose d’ailleurs moins de problèmes, le participe passé est invariable dans les quelques occurrences qu’on trouve, sauf si vous avez trouvé un exemple contraire dans le manuel de grammaire dont vous parlez, ce ne serait pas totalement illogique, mais ce n’est pas l’usage.
Refuser à quelqu’un de faire une chose est une construction courante, vous ne pouvez pas dire abruptement, comme vous le faites en commentaire, que la phrase n’a aucun sens. Que ce sens soit moins évident à la forme pronominale (avec un pronom COI), c’est certain, mais c’est souvent le cas (se demander, ce n’est pas comme demander à soi-même, et cependant on construit comme si le pronom était un COI, sans accorder avec le sujet). Vous proposiez en réponse « elle se refuse d’imaginer », mais vous ajoutez en commentaire que la forme pronominale construit en fait un COI : « elle se refuse à ». Ces contradictions ne permettent pas de répondre clairement à une question qui de toute façon n’était pas posée.
– Apparemment, vous avez enchaîné une réponse fautive et un commentaire humoristique, mais je n’ai pas réussi à y identifier les éléments en lien avec la question.

PierreC Amateur éclairé Répondu le 4 septembre 2023

Ne voyant pas ce qui dans mon propos vous parait obscur, j’ai du mal à savoir quoi / comment désobscurcir, je vous donne quelques autres exemples d’antipassif, peut-être que ça pourra clarifier les choses et notamment vous montrer ce phénomène de passage du COD en COI :

Agripper une branche.
S’agripper à une branche.

Attaquer un travail.
S’attaquer à un travail.

Confesser ses péchés.
Se confesser de ses péchés.

Alors évidemment avec (se) refuser de/à* + infinitif, c’est moins lisible, puisque dans un cas (forme non pronominale) le de n’est pas une préposition introduisant un infinitif COI, mais un marqueur d’infinitif introduisant un infinitif COD, alors que dans l’autre cas (forme pronominale) c’est une préposition introduisant un infinitif COI.  La différence apparait – ainsi que je l’avais précédemment indiqué – dans la pronominalisation :

Elle le refuse, d’imaginer cette mort.
Elle y refuse, d’imaginer cette mort.

Elle s’y refuse, à/d’imaginer cette mort.
Elle se le refuse, à/d’imaginer cette mort.

Refuser à quelqu’un de faire quelque chose existe en effet, mais n’a pas le même sens que se refuser à/de faire quelque chose (n’importe quel dictionnaire donne ces nuances de sens, il vous suffira donc d’en consulter un pour éclairer votre lanterne).
À moins d’accepter que Elle s’est refusé à imaginer cette mort = Elle s’est privée d’imaginer cette mort (comme dans Elle s’est refusé ce plaisir > Elle se l’est refusé), mais à mon avis, ça n’a guère de sens.

 

* à est juste une variation dans la construction pronominale, qui n’est pas acceptée dans la forme non pronominale (en tout cas dans la langue contemporaine) :

le 4 septembre 2023.

Marcel1, ce qu’il y a d’obscur ? rien, tout est très clair, vous expliquez qu’il faut écrire elle s’est refusé à cela, et donc une mort qu’elle s’était refusé à imaginer, comme l’a écrit l’éditeur, et en parallèle vous mobilisez toute votre énergie à développer des arguments demandant l’accord avec le sujet, et à ironiser, en intercalant des questions annexes, c’est de la pure bêtise.

PierreC Amateur éclairé Répondu le 4 septembre 2023

Je ne suis pas sûr que la bêtise soit du côté que vous pensez.
C’est juste une coquille que j’ai faite dans la première réponse, je viens de la corriger (effectivement, cette coquille pouvait être perturbante, mais dans la mesure où j’avais très explicitement dit que rejoignais Chambarron « le pronom se est inanalysable, l’accord se fait par conséquent avec le sujet », que j’avais précisé que j’avais jugé inutile de donner des exemples, puisque le lien de Chambarron pointait vers des exemples où l’accord se faisait avec le sujet, qu’enfin dans mon dernier message, je soulignais l’accord au masculin – dans le cas où on accepterait se refuser à/de = se priver de – pour bien marquer que cet accord ne se faisait pas avec le sujet, qu’effectivement j’ai « mobilis[é] toute [mon] énergie à développer des arguments demandant l’accord avec le sujet », bref il était assez facile de repérer la coquille, pour quelqu’un d’un tant soit peu éveillé).

le 4 septembre 2023.

Marcel1, vous n’êtes pas venu pour contribuer mais pour ironiser. Votre réponse et vos trois commentaires se contredisent constamment, et les neuf dixièmes de vos propos n’ont aucun rapport avec ma question. Vos circonvolutions, vos formules humoristiques, vos digressions, la modification de votre première réponse au bout de trois objections, tout cela est méprisable.

PierreC Amateur éclairé Répondu le 4 septembre 2023

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