très estival
J’entends à la radio « un temps très estival ». Qu’est-ce que ça signifie ?
un temps estival – équivalent : un temps qui a les caractéristiques de l’été.
un temps très estival : un temps qui a les caractéristiques de l’été de façon très marquée.
C’est un cas intéressant, puisqu’à l’origine estival est un adjectif relationnel – d’ailleurs, les dictionnaires « classiques et de référence » consultables en ligne (soit le Tlfi, la 9e édition de l’Académie, Larousse, Robert, Usito, auxquels on peut facilement accéder depuis cette page) ne donnent que cette acception -, or les adjectifs relationnels ne sont pas gradables : une voiture très présidentielle, une suite très parentale, un code très commercial, etc.
Il existe des adjectifs à l’origine relationnels qui ont acquis une valeur qualifiante, c’est par exemple le cas de royal : Versailles est un palais royal = qui est celui des rois, où vivent les rois, là royal est relationnel et on ne peut alors pas dire Versailles est un palais très / un peu / pas du tout royal. Cependant, par extension royal peut avoir une valeur qualifiante et signifier digne d’un roi = majestueux, somptueux. Dès lors, il devient gradable : un cadeau (très / pas du tout / etc.) royal.
Les dictionnaires précédemment cités mentionnent tous cette acception de royal.
Estival a manifestement suivi le même chemin que royal, mais les dictionnaires n’ont pas encore enregistré cet usage.
Cela signifie un adjectif (estival) accompagné d’un adverbe d’intensité (très), la question que vous posez est : Peut-il y avoir des degrés dans le caractère saisonnier du temps (à savoir les « normes » ) ? Peut-on avoir un temps peu estival, très hivernal ou modérément printanier ?
Je dirais que oui, même si l’on peut qualifier plus précisément : un temps caniculaire, un froid polaire, ou une brise rafraichissante, peu habituelle au printemps.
Je n’aime pas ce raisonnement qui consiste à constater qu’aucun dictionnaire ne dit que « estival » signifie « chaud », mais que c’est parce que les dictionnaires ne sont pas à jour. Est-ce la peine de les consulter si c’est avec l’intention de ne pas en tenir compte ?
En fait, les dictionnaires ont toujours un train de retard sur l’usage, puisqu’ils ne font que l’entériner. C’est un fait linguistique constant que les mots évoluent. Un exemple parmi des milliers d’autres : le sens originel de hécatombe, c’est l’action de tuer cent bœufs à des fins sacrificielles. De ce sens très précis n’a été retenue que l’idée de morts en grand nombre, exit donc les bœufs, la quantité de cent et la fin sacrificielle.
Si on revient à nos adjectifs relationnels, si vous regardez l’étymologie de royal, vous verrez qu’il s’est passé un peu plus de 2 siècles entre son apparition comme adjectif relationnel (autour de 880) et son emploi comme adjectif qualificatif (autour de 1100).
C’est ce qui est en train de se produire pour estival (l’emploi qualificatif est déjà enregistré par les dictionnaires pour printanier), si son usage comme adjectif qualificatif s’étend et se confirme, il sera enregistré par les dictionnaires. En attendant, libre à vous de rejeter cet emploi.
@ Marcel
… Passionnant.