Je fuirai(s) certainement
Bonjour à tous,
Dans cette phrase, faut-il le conditionnel ou le futur ? : « Si on tombe sur cette créature, je fuirai(s) très certainement ». Le « très certainement » me fait songer qu’il faudrait le futur, mais cela reste tout de même incertain.
Merci beaucoup !
Bonjour,
La proposition conditionnelle est au présent : « Si on tombe… »
Vous avez 2 possibilités : Le présent « …, je fuis… » ou le futur « .., je fuirai… »
Le « très certainement » incline à choisir le futur selon moi.
Il vous faudrait utiliser le conditionnel si votre principale était à l’imparfait.
« Si on tombait.., je fuirais.. »
Avec la conjonction si exprimant une condition, la construction normative est : Si + présent, alors + futur.
Lorsque l’enchainement condition remplie/conséquence est certain, automatique ou systématique, n’hésitez pas et utilisez cette concordance des temps : « Si le directeur accepte ma demande, je serai en congé dès lundi.«
Dans certains cas, vous pouvez remplacer le futur par un présent. Ce présent exprime toujours un futur (une action encore non accomplie) mais il renforce le caractère de certitude : « Si tu y vas, j’y vais ! »
Cependant lorsqu’une once d’incertitude s’insinue, par exemple pour exprimer une suggestion, ou lorsqu’on veut se montrer particulièrement poli et délicat, le conditionnel peut être employé : « S’il fait beau demain, nous pourrions aller à la pêche. » « Si je viens avec ma fille, serait-il possible de lui proposer un menu enfant ?« .
Dans l’exemple que vous donnez, vous avez le choix :
Si on tombe sur cette créature, je fuis très certainement (100 % de chances que je fuie)
Si on tombe sur cette créature, je fuirai très certainement (90 à 100 % de chances que je fuie)
Si on tombe sur cette créature, je fuirais très certainement (peut-être je fuirai, peut-être je ne fuirai pas, mais comme je suis un trouillard…)
,
Si vous êtes dans le dernier cas et que vous voulez vous conformer à une écriture académique ou si vous rédigez un rapport professionnel , je vous conseille alors de changer le temps de la subordonnée : Si on tombait sur cette créature, je fuirais très certainement ; mais vous pouvez constater avec les exemples donnés que l’association présent suivi d’un conditionnel est admissible. A vous de voir.
À la deuxième personne du singulier, la phrase sonne tout de même de manière très disgracieuse :
« Si on tombe sur cette créature, tu fuirais très certainement. « . me parait fort peu littéraire..
L’exemple appartient manifestement au langage parlé (emploi du on et du je) ; c’est probablement un extrait de conversation. S’il s’était agi d’une formulation littéraire soignée , on aurait écrit : « Si nous tombons… » De plus, on ne peut pas à la fois dans la réponse envisager le présent d’intention « Si on tombe… je fuis. » à la place du futur simple et rejeter le conditionnel d’incertitude « Si on tombe… je fuirais« .
Les deux seules solutions soignées sont : « Si nous tombons… je fuirai. » ou « Si nous tombions… je fuirais. » Ce sont celles qu’il faut conseiller au rédacteur s’il veut être certain de ne pas se faire critiquer.
La vraie vie m’amène cependant à formuler deux objections :
1. Lorsqu’on répond à une question posée au présent, il est fréquent de reprendre les mêmes termes dans la début de la réponse …et la suite arrive comme et quand elle peut. Dans la deuxième partie, l’indication d’un degré d’incertitude devient ainsi plus importante que la conformité de la concordance des temps :
« Et si vous rencontrez cette créature ?
– Si on tombe sur cette créature, …je fuirais très certainement. Oh ! pardon -si on tombait-. »
Honnêtement, ce type de reprise corrective dans une conversation n’est pas très crédible.
2. La règle stricte de la concordance des temps efface la notion de double incertitude (car le conditionnel après l’imparfait est purement formel) ; il y a une incertitude sur la rencontre et une incertitude sur la fuite ; la deuxième n’est évidente que lorsque le conditionnel suit le présent.
La règle stricte de la concordance des temps correspond au IF de la programmation informatique (lorsque la condition associée au IF est remplie, alors l’instruction immédiatement suivante est exécutée). Cela exclut la logique floue telle qu’on la connaît dans la réalité et dans le langage (si la condition d’entrée est remplie, alors il y a 80 % de chances que A s’accomplisse et 20 % que ce soit [non A]). Pour exprimer ce genre d’idée on peut faire des tas de périphrases mais pourquoi se priver de ce que la langue commune nous offre avec simplicité ?
Exemple de Bruno : Si je viens avec ma fille, serait-il possible de lui proposer un menu enfant ?
Ici le conditionnel ressemble plutôt à une modalité de courtoisie. On peut proposer l’exemple : Si je viens avec ma fille, lui proposeriez-vous /proposez-vous un menu enfant ?
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Le présent peut, en effet avoir valeur de futur , surtout à l’oral.
Mais dans le cas d’une supposition, pas seulement. Le choix des temps est une modalisation importante.
Il suffit de comparer :
S’il ouvrait la bouche je quitterais la salle : Hypothèse avec degré d’incertitude
S’il ouvre la bouche je quitterai la salle : hypothèse avec degré d’incertitude moindre : Le présent de la subordonnée actualise fait se représenter la scène qui prend plus de réalité
S’il ouvre la bouche, je quitte la salle ; le présent, en actualisant les deux faits de la situation traduit et la détermination et la rapidité de succession des faits. Le deuxième fait apparaît comme une conséquence du premier, sans que la notion de condition disparaisse.
D’une formulation à l’autre, l’expression de l’affect est plus fort. La 3 peut être même chargée de menace