Je ne me vois pas allant à ou aller à ?
Bonjour
Voici une question à laquelle je n’arrive pas à avoir de réponse, car quelle que soit la façon dont je la pose, cela m’amène à des sites où l’on s’interroge sur « se voir + infinitif ou participe passé » (des gens s’interrogent sur par exemple « se voir confier ou confié ». Or ma question concerne « se voir + infinitif ou participe présent ».
Ainsi, je voudrais savoir s’il y a possibilité d’utiliser l’une et l’autre de ces constructions, chacune ayant une nuance par rapport à l’autre :
« je ne me vois pas allant me baigner par un temps pareil »
« je ne me vois pas aller me baigner par un temps pareil ».
ou bien si l’une est incorrecte.
Pour moi il y a une nuance entre les deux : la première formulation, avec participe présent, met l’accent sur l’action comme si elle était en cours : je ne me vois pas allant maintenant me mettre à l’eau, par un temps pareil, et la formulation avec infinitif met l’accent sur le projet (je ne me vois pas décidant d’aller me baigner par un temps pareil), plutôt que sur l’action.
Ma question serait la même avec un autre verbe à la place de se voir (par exemple s’imaginer).
Quel est votre avis ?
Une fois de plus, je remercie les personnes qui voudront bien argumenter.
Bien cordialement
Emsi
Bonjour,
Je partage votre raisonnement et la nuance entre les deux formulations.
Le participe présent exprime généralement une action se déroulant en même temps que l’action décrite par le verbe principal de la phrase.
On pourrait remplacer le participe présent par « en train d’aller » (je ne me vois pas en train d’aller me baigner par un temps pareil ), ce qui marque bien que l’action se déroule au moment où l’on parle.
L »infinitif ne donne pas cette précision.
(désolée, une fermeture de parenthèse après « discussion », en fin de message, s’est transformée en binette – comme disent les Québecois – souriante. Bon, mieux vaut ça qu’un symbole de désagrément !!!)
Merci PhL pour cet avis. Oui j’avais pensé à « en train de… » mais c’est nettement plus lourd.
Ce qui m’intéresserait, c’est de savoir si la formule avec participe présent est une faute. Car dans un texte qui était « je ne me voyais pas inventant une excuse… » on m’a entouré ce participe présent et on m’a mis (fermement !) en marge « inventer » (sans explication). Or comme je le disais dans mon premier message, et comme vous en êtes d’accord, il y a une nuance entre les deux.
Mais j’ai beau chercher ici et là, sur la toile comme sur le bon vieux papier de mes livres, je ne vois personne abordant/aborder 🙂 cette question.
Pourtant, la formule est usitée, et sous ses deux formes à égalité. En d’autres temps, j’aurais pensé qu’elle ne posait pas problème, et que donc c’était pour ça que personne ne traitait de son emploi, mais ce « inventant » qu’on me corrige en « inventer » fait que je m’interroge. La personne qui m’a corrigée n’a pas de sources à me donner, donc j’essaie d’en trouver de mon côté.
Merci encore d’avoir répondu. Bonne fin de semaine.
En fait, ce serait bien de savoir que vous vouliez exprimer…
Pour ma part, si je me réfère à ce que j’ai entendu au cours de mon existence :
1) « Je ne me vois pas + inf. » = je n’envisage pas du tout / je refuse de faire cela
2) « je ne me vois pas + participe présent » = je ne me souviens pas d’avoir fait cela.
Voici quelques ressources, c’est maigre mais je comprends que pour mon premier sens, l’infinitif semble plus naturel.
Pour trouver quelques réponses il faut chercher : verbes de perception et Attribut de l’objet.
Voici juste deux petits extraits de : L’ATTRIBUT DE L’OBJET ET LES VERBES DE PERCEPTION – Dominique Willems et Bart Defrancq Université de Gand –
(c’est moi qui mets en gras) :
Si l’attribut de l’objet (АО) en français a déjà suscité pas mal d’intérêt tant chez les linguistes que chez les grammairiens, certains aspects de son analyse restent encore dans l’ombre : ainsi sur le plan formel la distinction entre attribut direct et indirect et la diversité des classes grammaticales impliquées ont à peine été effleurées.
[…] l’attribut peut appartenir à des catégories grammaticales différentes : à côté des adjectifs (a), l’on trouve bien sûr des noms (b), des syntagmes nominaux directs et prépositionnels (c), mais également, en ratissant large, des formes verbales et phrastiques (infinitifs, participes, relatives) (d) :
(1) a. cette nouvelle le rend malade b. on l’a nommé président
с il faut d’abord le mettre à l’aise d. je l’ai vu travailler
je l’ai aperçu qui travaillait
je l’imagine travaillant dans son jardin
je le vois très déçu
(2) a. on le tient pour unique b. on l’a traité d’imbécile
je te vois en vainqueur с on le regarde comme un étranger
————-
Le participe présent a en effet un aspect progressif que n’a pas l’infinitif
Si on accepte : je l’imagine travaillant dans son jardin, on doit accepter aussi je me vois travaillant dans mon jardin
La différence de sens entre je ne me vois pas aller me baigner par un temps pareil et allant me baigner est flagrante. Avec le participe présent l’aspect est ici plus sécant que progressif en face de l’infinitif (non sécant : action vie globalement).
>> je ne me vois pas allant me baigner… est parfaitement correct.
Un immense merci , Joëlle et Tara (qui m’avez déjà dépannée à quelques reprises).
Et bien sûr ce merci n’ôte rien à celui que j’ai dit à PhL.
Voyez-vous je suis un peu comme le musicien qui n’a jamais appris le solfège mais est très à l’aise avec son instrument : il joue d’oreille, moi je « parle d’oreille ». J’ai une bonne perception de la langue, j’en sens les nuances (je suis même un peu chipoteuse de ce point de vue lorsqu’il s’agit de contrôler un texte) mais mon allergie à la grammaire, non pas telle qu’on l’apprenait autrefois avec des mots simples et des exemples que j’ai toujours retenus, mais telle qu’elle est devenue, hyper conceptuelle dans ses termes, et saucissonnée à l’extrême, fait que lorsque je suis dans le doute et souhaite vérifier telle ou telle façon de dire, je ne comprends pas les explications qu’on me donne.
Dans votre réponse, Tara, j’ai eu un peu peur quand sont apparus des mots tels que « syntaxes nominaux directs et prépositionnels ». 🙂 mais ouf, c’était une fausse alerte : vous avez su me rester globalement accessible, et je suis heureuse d’une conclusion qui me conforte dans l’impression que j’avais, pour cette construction se voir + verbe, du droit du participe présent à exister, le cher mignon.
Joëlle, je n’avais pas songé au mode de distinction que vous faites entre l’usage de l’infinitif lié à une projection (« envisager ») et du participe présent lié à un souvenir. C’est intéressant, car en effet, si je dis « je ne me vois pas allant me baigner », je suis dans mes souvenirs, je cherche à me rappeler et vraiment non, je ne me vois pas faisant – en train de faire – cette chose. En revanche si je dis « je ne me vois pas aller me baigner », je suis dans une projection. Cela dit, ce n’est sans doute pas toujours aussi simple, et donc le contexte aidera l’auteur à faire un choix, et l lecteur à comprendre ce choix ! Je vais maintenant aller consulter votre lien.
L’important pour moi était de savoir si les deux formes existaient, donc un grand grand grand merci encore pour vos avis !
J’ai déjà dit dans un autre fil que je n’aime pas le principe de la note, j’estime que le mérite, égal pour tous, consiste à prendre la peine de répondre de façon constructive. J’aimerais mieux un petit symbole de satisfaction, qu’on pourrait mettre à plusieurs personnes.
En revanche, certains, dans leur réponse – ce n’est pas du tout le cas ici – vous « font la morale » ou (pire) sont assez « jugeants » (tiens au fait, ce mot n’existe pas. J’en ferai le sujet d’un autre fil de discussion !!! 🙂 🙂 à eux, je mettrais bien un petit symbole de déception !!!
Merci beaucoup, et bon dimanche.
PS : quelques soucis avec la touche « E » de mon clavier. J’ai relu, mais comme toujours, le cerveau sait ce qu’l doit lire, et le lit, même s’il manque une lettre. Si donc il manque quelques E, excusez-moi !
Il ne faut pas oublier que nous sommes locuteurs de la langue française. C’est notre langue et souvent, on sent, on sait avant de pouvoir expliquer.
Merci pour votre retour très circonstancié et surtout très bienveillant.