Comme s’il se fût agi
Bonjour,
dans la phrase : « La nuit, j’étreignais mon oreiller, exactement comme s’il se fut agi d’un être humain. »
Comme s’il se fut agi ne devrait-il pas être soit au subjonctif plus-que-parfait (comme s’il se fût agi), soit à l’imparfait (comme s’il s’était agi) ?
Merci de votre aide!
Transposons votre phrase au présent :
La nuit, j’étreins mon oreiller, exactement comme s’il s’agissait d’un être humain.
Dans votre phrase, parce qu’elle est au passé, c’est en effet le plus que parfait à valeur modale qui convient :
La nuit, j’étreignais mon oreiller, exactement comme s’il s’était agi d’un être humain.
Ou le subjonctif plus que parfait à valeur hypothétique :
La nuit, j’étreignais mon oreiller, exactement comme s’il se fût agi d’un être humain.
On a ici le choix seulement entre deux plus-que-parfaits :
– plus-que-parfait de l’indicatif (registre courant) : comme s’il s’était agi
– plus-que-parfait du subjonctif (registre soutenu) : comme s’il se fût agi
Indicatif.
Le plus-que-parfait de l’indicatif, proposé par Tara comme par Prince, est carrément incorrect.
Décalé dans le passé, l’imparfait de « comme si c’était », qui n’est pas un imparfait d’antériorité, doit rester un temps de simultanéité ; or il n’existe qu’un temps de simultanéité dans le passé, et c’est l’imparfait.
De toute façon, aucun temps non composé au présent ne deviendra jamais temps composé dans une transposition au passé.
Le plus-que-parfait de l’indicatif indique une antériorité dans le passé (quand je suis arrivé, il avait déjà fini). Il n’y a ici aucune antériorité. Tara et Prince le savent. Vous le savez. À l’âge de huit ans, on sait tous dire « je cours comme si j’étais pressé ; je courais comme si j’étais pressé », et on ne dit pas « je courais comme si j’avais été pressé ».
Le temps de la simultanéité dans le passé est l’imparfait. Il n’y en a pas d’autre ! C’est aussi simple que ça :
— Je crois que tu es là
— J’ai cru que tu étais là
— J’avais cru que tu étais là
— J’aurais pu croire que tu étais là
— J’avais étreint mon oreiller comme si tu étais là
La simultanéité dans le passé s’exprime avec l’imparfait de l’indicatif !
–> La nuit, j’étreignais mon oreiller, exactement comme s’il s’agissait d’un être humain.
Subjonctif.
Maintenant, il y a aussi la possibilité, l’ancienne possibilité, la vieillerie, qui consiste à mettre du plus plus-que-parfait du subjonctif dans les deux termes d’une hypothèse, tant dans la condition que dans la conséquence.
— Si je l’eusse su, je l’eusse dit.
— C’était comme si j’eusse eu un oreiller entre mes bras
— Je faisais cela comme s’il se fût agi d’un oreiller
Cette manière de dire est parfois ridicule, mais pas toujours. En revanche, il est souvent difficile de l’intégrer parmi d’autres temps, sachant que tous les mélanges sont possibles (si je l’eusse su, je l’eusse dit ; si je l’avais su, je l’eusse dit ; si je l’eusse su, je l’aurais dit). Il faut avoir une bonne connaissance de la littérature des trois derniers siècles pour décider qu’une tournure est intéressante et une autre trop artificielle. Je peux malgré tout vous dire que votre proposition a une forme assez conventionnelle, bien construite, intégrant juste un peu d’hypothèse au subjonctif plus-que-parfait, à la troisième personne, dans un texte probablement rédigé de façon classique. Normalement ça le fait, surtout si tout le texte est rédigé selon cet esprit. Donc l’autre possibilité est bien :
–> La nuit, j’étreignais mon oreiller, exactement comme s’il se fût agi d’un être humain.