Bonjour et merci de m’indiquer si la phrase suivante est correcte s’agissant de la concordance des temps.
Depuis ce matin les nuages blancs ourlés de gris avaient défilé en lentes processions, laissant échapper par intermittence de courtes averses avant que le soleil, qui semblait s’ébrouer en réapparaissant, ne dispense à nouveau pour un moment la douceur caressante qu’il réserve habituellement au printemps.
Les temps de cette phrase sont tout à fait corrects.
Le subjonctif imparfait devrait être employé ici : Depuis le matin…avant que le soleil, qui semblait s’ébrouer en réapparaissant, ne dispensât à nouveau. Mais il tombe en désuétude et est très fréquemment remplacé par le subjonctif présent comme vous l’avez fait.
Le présent ci : la douceur caressante qu’il réserve habituellement au printemps est correct puisqu’il s’agit d’un présent de vérité générale.
Merci beaucoup pour votre réponse.
Cordialement
1/
Dans un récit, on utilise des adverbes de temps anaphoriques et non déictiques (la veille et non hier ; le matin et non ce matin ; ce jour-là et non aujourd’hui…).
Déictique : Nous sommes mardi. Paul est parti hier et il reviendra demain
Anaphorique : C’était un mardi. Paul était parti la veille et il reviendrait le lendemain
La notion de concordance des temps (consistant dans l’exemple ci-dessus à utiliser « était parti » pour exprimer un passé dans le passé, ou « reviendrait » pour exprimer un futur dans le passé) n’a de sens qu’en contexte anaphorique, comme vous le voyez.
Donc on ne peut examiner la justesse des temps dans votre phrase que si vous remplacez les premiers mots « depuis ce matin » par « depuis le matin ».
Votre question n’aurait sinon aucun sens.
Les autres adverbes de la phrase, indications de temps, de répétition, de durée, de fréquence… me paraissent pouvoir être intégrés à des contextes tant anaphoriques que déictiques, avec malgré tout un cas particulier pour l’adverbe « habituellement » qui ici ne s’inscrit pas dans le moment spécifique du récit.
2/
Il est nécessaire que cette longue phrase dont le verbe principal est au plus-que-parfait s’intègre dans un paragraphe au passé contenant une phrase plus centrale, par rapport à laquelle la première se situe, car elle n’a pas de sens prise isolément. Exemple :
— Depuis le matin il avait plu sans interruption. Mais le soleil semblait vouloir apparaître. Paul se leva.
Dans votre phrase, pour vous autoriser à dire que les nuages avaient défilé, il faut impérativement dire aussi que les nuages ne défilaient plus, ou le sous-entendre, ou assumer d’écrire au plus-que-parfait sans raison, juste parce que ça fait joli. Mais globalement, une phrase isolée au plus-que-parfait n’a pas de sens. Il ne faut pas croire que le plus-que-parfait est un temps exprimant le contexte, ou un point de départ lointain, ou un fait qui perdure, ou une habitude dans le passé, ou que sais-je encore… Toutes ces utilisations, très fréquentes dans les livres modernes, sont fautives.
Si vous êtes comme moi convaincu que la simple phrase isolée « j’avais lu ce livre » n’a pas de sens, mais que vous avez cependant choisi le plus-que-parfait dans le cadre d’une articulation très réfléchie des temps des verbes dans un paragraphe, alors sautez deux lignes. Sinon il faut écrire votre paragraphe simplement à l’imparfait :
— Depuis le matin il pleuvait sans interruption. Paul se leva.
Peut-être dans votre texte y a-t-il effectivement une phrase à l’imparfait à suivre, exprimant que « c’est bon maintenant il fait beau », et alors on est d’accord.
Peut-être estimez-vous que les apparitions du soleil à l’imparfait que vous évoquez dans la subordonnée d’une principale au plus-que-parfait (alors qu’on attendrait l’inverse, c’est-à-dire qu’une subordonnée au plus-que parfait dépendît d’une principale à l’imparfait) vous autorise à invoquer une concordance des temps admissible. Pour moi c’est non. Si vous le faites quand même, expliquez pourquoi, parlez-nous de votre approche de la phrase, comme un auteur pourrait le faire, et nous appellerons cela une figure de style. Mais pour moi non.
J’estime que le plus important de ma réponse, c’est les deux points ci-dessus. Le reste n’est que technique.
3/
Pour ce qui est de la concordance des temps dans une subordonnée en contexte de récit (concordances anaphoriques), ce qui existe principalement au passé, alors il faut savoir que les concordances sont uniquement relatives au verbe de la principale.
Dès qu’on est dans un récit au passé, il n’importe aucunement que la principale soit au passé simple, à l’imparfait, au plus-que-parfait… car les seuls concepts à prendre en compte sont l’antériorité, la simultanéité et la postériorité.
— Depuis le matin, les nuages blancs ourlés de gris avaient défilé en lentes processions, laissant échapper par intermittence de courtes averses avant que le soleil, qui semblait s’ébrouer en réapparaissant, ne dispense à nouveau pour un moment la douceur caressante qu’il réserve habituellement au printemps.
— Depuis le matin, les nuages blancs ourlés de gris défilaient en lentes processions, laissant échapper par intermittence de courtes averses avant que le soleil, qui semblait s’ébrouer en réapparaissant, ne dispense à nouveau pour un moment la douceur caressante qu’il réserve habituellement au printemps.
Qu’importe que l’auteur ait choisi une principale au plus-que parfait ou à l’imparfait, tous les temps des verbes subordonnés sont relatifs au temps du verbe de la principale et donc identiques.
4/
Verbe par verbe.
4a/ — les deux participes présents et les deux infinitifs sont corrects, indifférents au contexte
4b/ — le soleil semblait : concordance de simultanéité (cet imparfait est un présent dans le passé)
4c / — avant que le soleil dispense : correct si on fait abstraction qu’il y a un ou deux siècles on aurait utilisé l’imparfait du subjonctif (avant que le soleil dispensât) ; on peut même conseiller de renoncer totalement à l’imparfait du subjonctif dans un texte actuel, mais cela peut évidemment dépendre par exemple du texte original que vous traduisez, ou de tel ou tel public de tarés visé par telle ou telle maison d’édition.
4d/ — il réserve habituellement : « J’aimais en ces temps lointains cette saison où la nature renaît ou renaissait « en parlant du printemps ? C’est une question classique. Peut-on utiliser un présent de vérité générale dans un texte carrément dé*** cté du présent ? A priori non, sous peine d’introduire dans le récit soit l’auteur soit le lecteur soit le temps de l’éditeur. Et donc en vérité oui, car tous les textes sont présentés, sont dits, lus, entendus, par des vivants. Une majorité des textes acceptent finalement le temps du présent intemporel, le présent qui ne s’accorde pas. Si votre question portait sur cette difficulté, n’hésitez pas à la formaliser et à la reposer avec un contexte explicite.
Je vous remercie pour votre fabuleuse réponse. Je n’imaginais pas que mes trois lignes et demi puissent en féconder autant.
J’ai bien compris, à l’avenir, devoir formuler mes questions plus simplement : « La phrase suivante est -elle correcte.»
Avant que je ne soumette cette phrase à votre expertise j’avais écrit : Depuis ce matin les nuages blancs ourlés de gris défilaient en lentes processions et laissaient échapper par intermittence de courtes averses, avant que le soleil qui semblait s’ébrouer en réapparaissant ne dispense à nouveau la douceur caressante qu’il réservait habituellement au printemps.
»J’avais au moins bon » pour les deux imparfaits : défilaient et réservait. Quoique, la phrase qui suit comporte bien un imparfait : A présent il était quatorze heures et je venais de déjeuner sommairement. Les averses avaient cessé ; seuls les nuages et le soleil poursuivaient toujours leur jeu de cache-cache.
Mon intention était, en me positionnant à quatorze heures, d’anticiper dans la première phrase, avec le plus-que-parfait, l’annonce de l’information qui allait suivre, la modification de la météo, à savoir qu’il n’y avait plus d’averse ; alors qu’avec l’imparfait, j’avais le sentiment qu’à la lecture, rien n’avait changé et qu’il y avait toujours des averses au moment même où j’exprimais le contraire en écrivant qu’il n’y en avait plus.
C’est bien là tout le problème de la relecture, à la recherche d’améliorations et de précisions qui peuvent se révéler préjudiciables.
Quant à votre remarque sur le présent de vérité générale, pour lequel je m’interroge souvent, je vous soumets une autre phrase comme vous m’y invitez, pour laquelle j’ai un doute, quoique à l’oreille elle semble acceptable, qui concerne l’emploi du présent dans la plage forme une belle anse, et de l’imparfait dans elle s’étendait sur cinq cents mètres, puisque je parle de la même chose au même moment.
Toujours à califourchon sur ma bicyclette, les deux pieds à terre et les coudes sur le guidon, j’offrais mon visage aux effets conjugués du soleil et du vent en contemplant le paysage. La belle anse naturelle de sable que forme la plage, épaulée par une petite digue de pierres, s’étendait sur cinq cents mètres environ entre deux promontoires. Au sud-ouest, sur la pointe rocheuse de Liouse, les pins et les cyprès ne faisaient que peu de cas de la brise qui soufflait. En revanche au nord-ouest, sur l’éminence herbeuse de la pointe de Brouel, les jeunes pins et les buissons s’ébattaient vivement.
Je vous remercie pour votre réponse.
Oui, c’est parfait. Le présent de vérité générale convient bien ici. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit obligatoire. Vous pouviez aussi garder le passé. Le choix du présent « relie » le récit au présent du narrateur. Le passé le couperait totalement (un choix).
Merci pour votre réponse ; c’est infiniment clair maintenant.