Concordance des temps
Bonjour,
Si j’utilise le passé composé dans la première partie de ma phrase, est-ce que je peux avoir le futur proche pour la deuxième partie?
Ex. Je n’ai pas compris si nous allons avoir un programme pour ce qu’on doit faire.
J’ai mis la première partie au passé composé car je parle de qui s’est passé avant mais le « programme » est pour l’avenir.
Merci
Oui, bien sûr.
Je n’ai pas compris (dans le passé même immédiat) si nous allons avoir (futur immédiat)/si nous aurons (futur) un programme pour nous guider.
Moi non plus.
Votre question est : le passé composé est-il vraiment un temps du passé demandant à ce titre une concordance des temps dans la subordonnée ? La réponse est : parfois oui (A), parfois non (B), et dans votre exemple non.
(A) Le récit de faits passés.
Dans un récit au passé, on pourrait utiliser le passé simple :
— Ce jour-là, je ne compris pas si nous allions recevoir ou non un programme le lendemain.
— Ce jour-là, je ne compris pas si nous recevrions ou non un programme le lendemain.
Et dans ce cas on applique obligatoirement une concordance des temps dans la subordonnée, pour exprimer un futur dans le passé.
Mais on n’utilise plus le passé simple en dehors de la littérature. On peut donc le remplacer par le passé composé (c’est ce qu’on fait tous dans nos écrits modernes non littéraires), mais le sens reste celui du passé simple, et il faut conserver la concordance des temps.
— Ce jour-là, je n’ai pas compris si nous allions recevoir ou non un programme le lendemain.
— Ce jour-là, je n’ai pas compris si nous recevrions ou non un programme le lendemain.
(B) Un texte au présent.
Dans ce cas, le passé composé est utilisé avec le premier sens enseigné dans les livres de grammaire, à savoir : décrire un événement ponctuel, terminé, situé dans le passé, mais ayant des conséquences sur le présent (il est sorti = il n’est pas là ; il s’est coupé = il est blessé).
Vous devez ainsi généralement considérer les expressions du type « j’ai appris que », « on m’a dit que », « je n’ai pas compris si« … comme relevant d’un système présent ; elles signifient « je sais que », « il paraît que », « j’ignore si« …
Dans tous ces cas, n’hésitez pas à utiliser le futur dans la subordonnée. C’est même ainsi qu’il faut logiquement conjuguer, et vous aurez toujours raison d’utiliser une conjugaison logique :
— Nous sommes jeudi, et je n’ai toujours pas compris si nous allons recevoir ou non un programme demain.
— Nous sommes jeudi, et je n’ai toujours pas compris si nous recevrons ou non un programme demain.
(C) Utilisation de la concordance des temps dans un texte au présent.
Au lieu d’écrire :
— J’ai été informée hier que le programme nous sera fourni demain.
certains écrivent, au prétexte que « j’ai été informée » est du passé :
— J’ai été informée hier que le programme nous serait fourni demain.
C’est une grave faute, bien que cette concordance soit très souvent préconisée sur ce site. Il ne faut jamais appliquer de concordance des temps avec le temps passé de la principale si l’action de la subordonnée est explicitement considérée par rapport au présent.
Il existe cependant des cas où la concordance des temps dans la subordonnée est possible en référence au moment de la principale, mais ils sont l’exception. C’est-à-dire que la règle est de ne pas appliquer de concordance des temps, et que l’exception doit être justifiée. Je ne vois rien dans votre phrase qui puisse demander une concordance des temps artificielle. La correspondance des temps mécanique, appelée parfois hypercorrection, est une faute syntaxique faisant perdre du sens à la phrase, au motif fallacieux d’une supposée élégance de style.
(D) Déictique / anaphorique
Cette notion peut vous intéresser.
Hier, demain, ce matin… c’est du déictique : une approche des faits par rapport à ici et maintenant ; aucune concordance des temps n’est demandée. C’est le cas (B).
La veille, le lendemain, ce matin-là… c’est de l’anaphorique : une approche des faits par rapport à un moment précisé par le contexte (souvent un moment précis dans le passé) ; on applique la concordance des temps en référence à ce moment. C’est le cas (A).
Quand vous hésitez, cherchez si dans la subordonnée vous préférez ajouter l’indicateur de temps déictique « demain » (et n’appliquez pas de concordance des temps artificielle) ou l’indicateur de temps anaphorique « le lendemain » (et appliquez la concordance des temps nécessaire).
Ambiguïtés possibles ?
— Il m’a dit que qu’il était d’accord pour venir demain.
-> verbe d’état, forcément anaphorique (c’est à ce moment-là qu’il était d’accord)
— Il m’a dit que qu’il viendra demain 12 novembre.
-> verbe d’action, dans un contexte déictique, situé par rapport au présent du locuteur (ce n’est pas à ce moment-là qu’il parlait du futur dans le présent, mais c’est le locuteur qui assume le mot « demain »)
(E) Subjectivité.
Vous avez une langue natale autre que le français ? quelle langue ? Comment avez-vous appris le français (professeurs et livres, ou contact prolongé avec des locuteurs natifs) ?
Par facilité, certains professeurs enseignent une concordance des temps systématique et artificielle. Mais la substance de la langue française se trouve dans la langue pratiquée par le peuple. Si votre boulangère dit « j’ai ajouté une baguette parce qu’on m’a dit que vous avez des invités ce midi » et que votre professeur dit « j’ai ajouté une baguette parce qu’on m’a dit que vous aviez des invités ce midi », c’est la boulangère qui a raison et le professeur de français qui a tort. Ne vous inquiétez pas pour cela : la bonne façon de dire est celle de ceux qui savent précisément ce qu’ils veulent dire.
Je vous remercie de me dire clairement si j’ai compris le sens de votre question et si j’y ai répondu.