Verbe éclore
Bonjour,
Est-ce que le verbe « éclore » existe à l’imparfait? Je veux savoir si c’est correct: « Les fleurs éclosaient. »
Merci!
Extrait de : La notion de défectivité en grammaireé – Persée
(C’est moi qui grasse et souligne).
Les grammaires traditionnelles disent que le verbe « éclore » est défectif. C’est à dire qu’il ne se conjugue pas à tous les temps.
Ceux dont la défectivité ne relève pas de critères internes à la langue mais est liée à un phénomène de performance et aux conditions de l’énonciation. Par exemple des verbes comme frire, promouvoir, traire, éclore (cf. le désaccord entre Littré et l’Académie sur les temps et les personnes que possède ce dernier verbe) ne doivent, à notre avis, leur défectivité qu’aux problèmes posés aux usagers de la langue quand il s’agit de les conjuguer. Sinon comment expliquer que des verbes comme frire et éclore refusent le pluriel, à notre avis disponible, de l’indicatif présent ? Ce sont précisément les temps et les personnes auxquels de tels verbes sont défectifs qui posent des difficultés de conjugaison aux usagers.
Les verbes relevant de cette deuxième catégorie sont syntaxiquement improductifs. Mais cette improductivité touche, en réalité, à divers degrés tous les verbes français : s’il est vrai que toutes les formes du paradigme de la conjugaison sont théoriquement disponibles, cependant quelques-unes seulement d’entre elles sont effectivement utilisées. On peut dire que certaines formes sont aujourd’hui, sinon d’utilisation exceptionnelle, du moins rare : le plus-que-parfait du subjonctif est un exemple éclairant (pour ne citer que ce tiroir temporel).
On voit bien que selon le point de vue que l’on adopte (norme ou usage réel) la notion de défectivité change de sens.
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Éclore
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Effectivement on peut noter des divergences.
Défectueux qui n’a que les temps suivants : j’éclos, tu éclos, il éclôt, nous éclosons, vous éclosez, ils éclosent ; j’éclosais ; j’éclôrai ; j’éclôrais ; que j’éclose ; éclos, éclose. L’Académie met un accent circonflexe sur le futur et le conditionnel et n’en met pas sur je clorai, je clorais ; c’est pécher contre l’analogie.
L’Académie :
Ne s’emploie qu’à l’infinitif et aux formes suivantes : à l’indicatif présent il, elle éclot, ils, elles éclosent, les formes j’éclos, tu éclos, nous éclosons, vous éclosez étant rares; à l’indicatif futur il, elle éclora, ils, elles écloront; au conditionnel il(s), elle(s) éclorai(en)t; au subjonctif présent qu’il(s), qu’elle(s) éclose(nt); au participe présent, rarement, éclosant; au participe passé éclos, éclose
Pour conclure : vous pouvez suivre le Littré et conjuguer le verbe « éclore » à l’imparfait.
Pourquoi « suivre Littré » ? Pas de justification + très ancien (paru de 1873 à 1877).
Porchy8, faites très attention !
« Dictionnaire de la langue française, par É. Littré
« Texte intégral.
« Avertissement au lecteur
« Il s’agit d’un dictionnaire ancien, paru à la fin du XIXe siècle. Ses vedettes comme ses définitions s’appliquent à une langue française qui a beaucoup évolué en près de 150 ans. Certains passages portent l’empreinte de cette époque et doivent se lire dans ce contexte historique. Le sport était alors un néologisme, et le cafard semblait religieux ; la science collectionnait les planètes téléscopiques, doutait de l’avenir du tout nouveau téléphone et inventait le délicat stasimètre. Le mot race n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui. En ce temps déjà lointain on s’emberlucoquait, barguignait, faisait la bobe, se guédait, blézimardait, morguait, pour enfin s’acagnarder avec bonheur.
« Le rapport d’Émile Littré aux mots est souvent très affectueux, allant jusqu’à défendre des barbarismes pour que la poésie ancienne n’en soit pas gâtée. »
Le Bon usage actuel :
« Éclore a aussi la conjugaison de clore , mais, vu le sens, il est rare en dehors de la 3e personne.
« Clore [lat. claudĕre , fermer], verbe de la langue écrite , ne s’emploie qu’à l’infin. et dans les formes suivantes. Indic. pr. : Je clos, tu clos, il clôt, ils closent. — Futur (rare) : Je clorai , etc. — Impér. : Clos. — Subj. pr. (rare) : Je close , etc. — Part. pr. (rare) : Closant. — Part. passé : Clos. — Sur la rivalité de clôturer. »
Le Figaro : (et il est rare d’être le seul) :
Présent
je clos
tu clos
il clôt
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–
ils closent
Passé composé
j’ai clos
tu as clos
il a clos
nous avons clos
vous avez clos
ils ont clos
Imparfait
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–
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Plus-que-parfait
j’avais clos
tu avais clos
il avait clos
nous avions clos
vous aviez clos
ils avaient clos
Passé simple
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–
–
Passé antérieur
j’eus clos
tu eus clos
il eut clos
nous eûmes clos
vous eûtes clos
ils eurent clos
Suivre Littré parce que conforme au bon sens.
Voir ce que dit le texte que je cite : sa défectivité ne relève pas de critères internes à la langue mais est liée à un phénomène de performance et aux conditions de l’énonciation.
Autrement dit : la cause de la défectivité du verbe éclore est seulement due au fait que les locuteurs n’emploient pas toutes ses formes :
– parce qu’elles ne sont que rarement utiles
– parce que, les entendant peu (ou jamais, individuellement), il ne les connait pas.
– parce que telle conjugaison du verbe concerné est difficile à trouver seul
Concernant « clore » et « éclore », et « déclore » étant donné qu’on a déjà « close » et « éclose » (et « déclose », il n’y a aucun problème à trouver (et à utiliser) l’imparfait : elle closait – elle éclosait – elle déclosait.
Le passé simple lui, pose davantage problème : il est très difficile pour un locuteur quelconque, de l’imaginer, et comme il est assez peu utile, il paraît normal qu’il manque.
Remarque : il me semble que clore, éclore et déclore soient les seuls verbes dont l’infinitif est en -ore.
Quittons un peu la rigidité des interdits, et quand une affirmation, fût-elle dans les meilleurs ouvrages, est contestable, contestons-la. Après tout, la langue nous appartient.