Tranquille
Bonjour.
Je viens de voir ce message sur twitter :
« On apprend que des ministres se font des #restaurants tranquille pendant que le peuple est enfermé et amendé depuis un an[…] »
« [T]ranquille » n’est pas adjectif de restaurant dans le contexte ? Ne faudrait-il pas employer l’adverbe « Tranquillement » plutôt ?
Merci.
Bien sûr, « tranquille » ne s’applique pas à « restaurant ». Nous pouvons simplement dans un premier temps nous demander si c’est un adjectif s’appliquant à « ministres » ou un adverbe s’appliquant à la locution verbale « se faire un restaurant » : le mot s’applique-t-il au verbe, en nuançant le sens (déjeuner tranquille = déjeuner en paix, donc pas d’accord au sens adverbial) ; ou au sujet (les ministres, tranquilles, déjeunent, donc accord de l’épithète détachée).
Mais la règle n’est pas celle-là.
Un adjectif, même si on souhaite lui donner une valeur adverbiale, s’accorde si on peut le considérer formellement comme une épithète détachée, même sans virgule :
– Dans ce restaurant, les ministres déjeunent, tranquilles.
– Dans ce restaurant, les ministres déjeunent tranquilles.
– Les ministres se font un restaurant tranquilles.
La présence d’un verbe et le rejet de l’adjectif immédiatement derrière ce verbe n’y changent rien.
L’emploi adverbial du mot « tranquille » est recensé par des dictionnaires. Le fait même qu’on puisse isoler l’expression « déjeuner tranquille » signifiant « déjeuner en paix », qui ne s’applique à personne en particulier mais à une façon de déjeuner, montre que le sens est plutôt adverbial.
Je veux déjeuner tranquille = je veux déjeuner en paix.
Et cependant on accorde au féminin ou au pluriel : Ils veulent déjeuner tranquilles. Elles veulent déjeuner sereines, sans être dérangées.
Car c’est finalement le couple « sujet + verbe » qui reçoit un adjectif, et on l’accorde selon le sujet.
Au point que vous pouvez considérer que c’est une règle d’accorder systématiquement l’adjectif quand il peut être épithète du sujet exprimé.
Et même quand le sujet est sous-entendu.
– Est-il possible de déjeuner tranquilles, de déjeuner sans être dérangée ?
L’invariabilité n’est possible qu’en neutralisant le sujet.
– Y a-t-il dans cette ville un restaurant où (on puisse) déjeuner tranquille, sans être dérangé ?
L’épithète détachée, même quand elle suit un verbe, même non séparée par une virgule, et bien qu’elle puisse avoir dans l’esprit du locuteur une valeur adverbiale, s’accorde néanmoins avec le nom qu’elle est susceptible de qualifier.
Pour justifier le singulier dans votre phrase, il faut chercher une autre fonction, liée au contexte. Ainsi, le pseudo-adverbe « tranquille » pourrait ne s’appliquer ni au sujet ni au verbe, mais être syntaxiquement une incise à valeur de proposition, signifiant par exemple « et tout cela se passe comme si de rien n’était » : « Ils nous mentent. On gobe tout. Tranquille ! » Je pense que c’est ce sens, non rattaché syntaxiquement aux autres éléments de la phrase, qui est l’intention de l’auteur.
Merci Merou pour cette réponse très intéressante ! 🙂
Attention, car dans votre phrase, « tranquille » n’est pas précédé par un point. De plus, même recensé par les dictionnaires, cet usage n’est pas forcément correct ou conseillé.
Oui bien sûr, c’est un emploi « limite » car s’il y a un verbe, il faut un adverbe. c’est le cas de pareil.
On ne dit pas « on pense pareil »….