Fable et inversion et le participe passé
Bonsoir à tous, j’ai eu l’occasion cet après-midi de consulter des archives sur l’accord du participe passé et l’inversion, dans les fables par exemple. Je pensais qu’on accordait uniquement avec le pronom COD.
Par ex. : Chaque goutte épargnée a sa gloire flétrie. Pas de pronom COD. Je pensais que l’accord était uniquement avec le pronom COD, pas avec autre chose.
Attention aux lectures rapides et biaisées d’un texte classique par des yeux modernes ! On se retrouve à dire que ce que Corneille a écrit « n’a aucun sens ».
Si vous relisez attentivement ce passage* célèbre d’Horace, vous comprendrez bien que le fait pour Horace (le jeune) d’avoir épargné son sang flétrit ledit sang aux yeux du vieil Horace. Ce sont les contraintes de la versification classique (héritée du latin) qui amène Corneille a inverser le participe et le complément. La phrase se lit donc bien comme chaque goutte épargnée a flétri sa gloire ou a sa gloire flétrie. Corneille accorde le participe puisque la réforme de Marot a déjà produit ses effets et l’Académie a imposé l’accord du participe postposé (on ne parle pas encore de COD à cette époque).
On voit bien avec un tel exemple à quel point cet accord (après l’auxiliaire avoir), loin de clarifier les choses, les rend plus obscures. On prend pour un adjectif naturellement accordable (il fait corps avec le nom) un participe dont on ne comprend pas qu’il s’accorde selon sa position dans la phrase.
Autrement dit, cela est un excellent exemple de l’inanité de cette sacro-sainte règle qu’aucune langue au monde ne nous envie (pas même l’italien, qui l’a inventée puis supprimée dans sa pratique moderne).
NB Si vous ne le saviez pas, je suis un farouche partisan (aux côtés de nombreux grammairiens et linguistes) de son abolition dans l’enseignement. Je m’abstiens en général de répondre aux questions sur le sujet, mais ici l’occasion était trop belle…
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*N’eût-il que d’un moment reculé sa défaite,
Rome eût été du moins un peu plus tard sujette ;
Il eût avec honneur laissé mes cheveux gris,
Et c’était de sa vie un assez digne prix.
Il est de tout son sang comptable à sa patrie,
Chaque goutte épargnée a sa gloire flétrie ;
Chaque instant de sa vie, après ce lâche tour,
Met d’autant plus ma honte avec la sienne au jour.
En effet Chambaron, j’ai fait un énorme contresens, faute d’avoir le contexte. Il me semble d’ailleurs que Joëlle a commis la même erreur…
Vous avez bien fait de placer un vote négatif sur mon message qui devrait même être effacé pour éviter toute confusion. Ce que d’ailleurs je fais sur le champ.
Ce souci vous honore. Je ne vous visais pas spécialement dans mon commentaire, mais les contresens sont fréquents dès qu’on touche à des textes d’une certaine ancienneté. Un auteur (j’ai préféré oublier son nom) a fait publier il y a peu un ouvrage entier, grand public, sur de prétendues « fautes » chez les auteurs classiques. Il s’en gausse avec une suffisance pitoyable. Un tissu d’âneries qui fait fi des conventions aux époques concernées et des bourdes des correcteurs, éditeurs et imprimeurs.
Nous vivons hélas une époque où les mauvaises rumeurs courent cent fois plus vite que les bonnes…
Merci de vos réponses très précises. Pourrait-on dire que le verbe « être » est sous-jacent dans ce genre d’utilisation du participe passé, pour simplifier bien sûr.
Manuel,
Joëlle écrit : Flétrie est un participe passé employé sans auxiliaire.
J’ai bien peur que sa réponse soit tout à fait fausse.
N’avez-vous pas remarqué le « a » sans accent dans cette phrase ? Eh oui, c’est l’auxiliaire « avoir » !
Fiez-vous plutôt à l’excellente réponse de Chambaron.
Désolé de revenir à la charge concernant ce participe passé « insolite » en langue moderne. Est-ce un adjectif épithète ? Le verbe être est-il sous-entendu ?
Merci de votre réponse.
Pourquoi est-il accordé ? Je ne vois pas le pronom personnel COD, je suis mis en tête que l’accord se faisait avec ce pronom personnel, j’ai peut-être tort ?
Manuel,
Vous écrivez « Est-ce un adjectif épithète ? Le verbe être est-il sous-entendu ? »
« Flétrie » n’est pas un adjectif ici, mais le PP du verbe flétrir.
Pourquoi voulez-vous ajouter l’auxiliaire « être » ? Qu’est-ce que vous en feriez, où le placeriez-vous ? Quel sens cela aurait-il ? Non, il n’est pas même sous-entendu.
Chaque goutte de sang qu’il a épargnée a flétri sa gloire.
Peut-être comprenez-vous mieux que l’auxiliaire « avoir » est déjà présent ?
Je ne comprends pas ce que vous ne comprenez pas dans la réponse de Chambaron, qui est pourtant très claire.
Notamment cette phrase :
La phrase se lit donc bien comme chaque goutte épargnée a flétri sa gloire ou a sa gloire flétrie. Corneille accorde le participe puisque la réforme de Marot a déjà produit ses effets et l’Académie a imposé l’accord du participe postposé (on ne parle pas encore de COD à cette époque).
Peut-être n’avez-vous pas lu sa démonstration avec suffisamment d’attention ?
Manuel,
Vous écrivez « Je ne vois pas le pronom personnel COD, je suis mis en tête que l’accord se faisait avec ce pronom personnel, j’ai peut-être tort ? »
Son acte a flétri quoi ? Sa gloire –> C’est « gloire » qui est le COD.
Pourquoi êtes-vous en boucle sur le pronom personnel COD ? Où voyez-vous un pronom personnel dans cette phrase ?
Les pronoms personnels
Sujets : je, tu, il, elle, nous, vous, ils, elles,
COD : me, te, le, les, nous, vous, leur
COI : me, te, lui, en, y, nous, vous, leur
CC de lieu : en, y
‘accentués’ : moi, toi, lui, elle, nous, vous, eux, elles
La plupart du temps on accorde avec un pronom personnel, je vois rarement un accord avec autre chose.
Manuel,
Vous écrivez « La plupart du temps on accorde avec un pronom personnel, je vois rarement un accord avec autre chose. »
D’où tenez-vous cela ?! Non, c’est tout à fait faux.
Ôtez-vous ça de la tête, ça risque de vous embrouiller.
N’avez-vous pas observé la plupart des exemples ? Presque tous ont l’accord avec le pronom personnel.