que peut-il y avoir de si inquiétant que cela te mette/ met dans un tel état ?

Bonjour,

je ne sais pas quel mode choisir, indicatif ou subjonctif, après la structure : que peut-il y avoir de si inquiétant que cela  te met/mette dans un tel état ?

Je vous remercie par avance de vos réponses.

veronikan Amateur éclairé Demandé le 5 janvier 2020 dans Général

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11 réponse(s)
 

Bonjour veronikan,

La locution conjonctive pour que impose le subjonctif, en revanche employée seule, la conjonction que peut être suivie de l’indicatif, si le fait est réalisé, ce qui est le cas dans ta phrase, ou encore dans ces exemples extraits de Larousse pour le premier et du TLFi pour les suivants :

– une cause, après une principale exclamative ou interrogative : Vous êtes donc bien occupé qu’on ne vous voit plus ?

− [dans des phrases interr. ou exclam., justifiant l’acte interr. ou exclam.] Êtes-vous encore endormi, que vous ne voyez pas l’éclat des bougies ? (Sand, Lélia, 1833, p. 248). Est-ce que vous avez des amis de ce côté-là, que vous connaissez si bien Balbec ? (Proust, Swann, 1913, p. 131).

 

phil-en-trope Grand maître Répondu le 6 janvier 2020

Je ne vois rien dans ma réponse qui justifie ce vote négatif.

Il me semble que les exemples donnés correspondent en tous points à la phrase de veronikan, que par conséquent la  conjonction que peut aussi bien se trouver non accompagnée de la préposition pour que non suivie du subjonctif.
À mon sens, la suppression de pour introduit une nuance : l’énoncé perd de sa neutralité et se colore  de la subjectivité de l’énonciateur : surprise, ironie, reproche, etc.

 

le 6 janvier 2020.

Bonjour,

Je choisirais :

Que peut-il y avoir de si inquiétant que cela te mette dans un état pareil ?

En effet, la tournure si + adjectif + que implique en général un  indicatif : La situation est si inquiétante qu’elle te met dans un état d’anxiété grave.

Sauf dans une tournure négative ou interrogative.

La situation n’est pas si inquiétante qu’elle te mette dans un état second.
La situation est-elle si inquiétante qu’elle te mette dans un état second ?

Certes, le tour peut paraître désuet, mais je pense qu’il est correct.
J’en trouve des exemples, notamment  dans le BU 16 e édition § 1131 :
Il n’est pas si habile qu’il soit sans rival ou Est-il si habile qu’il soit sans rival ?

Evinrude Grand maître Répondu le 6 janvier 2020

Éléments, surtout pour avoir les avis de mis-en-trope et Evinrude.

1/ Conséquence (passer ce paragraphe si vous avez déjà lu ma première réponse)

Je recommence avec mon « que de conséquence » signifiant « au point que ».
Nous sommes probablement tous d’accord sur :
— C’est si important qu’il faut intervenir dans l’heure.
— Est-ce si important qu’il faille intervenir dans l’heure ?
La question porte sur le rapport entre l’importance et la nécessité d’intervenir.
Il n’y a pas d’ambiguïté possible, parce que « il est important qu’il faut/faille intervenir » n’a pas de sens.
En supprimant le verbe falloir, l’ambiguïté arrive.
— C’est si important que la direction intervient.
— Est-ce si important que la direction intervienne ?
À la forme interrogative, on perd carrément le sens, pour n’entendre que « il est important que… » au lieu de « c’est important au point que… ». Deux sens totalement différents, et il convient alors de modifier la phrase.
Par exemple, en ajoutant une virgule, on facilite la lecture.
— Est-ce si important, que la direction intervienne ? (important au point que la direction intervienne ?)
C’est ce sens que j’avais perçu dans la question de veronikan (est-ce que c’est inquiétant au point de te mettre dans un tel état ?)
Ma réponse était donc : « que » peut être utilisé seul pour signifier « au point que », et est alors à la forme interrogative suivi du subjonctif, et la virgule lève l’ambiguïté (est-ce inquiétant que tu sois dans cet état / est-ce inquiétant au point que tu sois dans cet état).

Si, Evinrude, vous validez la phrase sans virgule, c’est soit parce que vous trouvez le début de la phrase suffisamment explicite (mais vous l’explicitez encore davantage en ajoutant « la situation » et dans ce cas je suis d’accord avec vous), soit parce que contrairement à moi vous lisez « c’est inquiétant que » et non « si… que », avec deux sens bien différents de « que ». Mais si c’est insatisfaisant ou ambigu à mon oreille, j’admets que ça reste possible.

2/ Demande de compléments à mis-en-trope

Le « si… que » de veronikan m’avait donc un petit air de rapport fait / conséquence. Mais j’admets que ce n’est pas si évident. Et en proposant l’indicatif, vous montrez assez brillamment qu’il peut très bien s’agir d’un rapport assertion / justification. Mais vous le faites d’autant plus facilement qu’il n’y a pas le mot « si » dans vos trois phrases. D’accord, c’est tout comme, c’est la même grammaire, mais vous vous mettez à l’abri de l’objection qui consiste à considérer que l’expression « si… que » a pris le sens unique de rapport fait / conséquence : il fait si beau que je vais sortir.
Votre premier exemple :
— Vous êtes donc bien occupé qu’on ne vous voit plus ?
n’est pas, nous en sommes conscients, la forme interrogative de la phrase affirmative :
— Vous êtes si occupé qu’on ne vous voit plus.
Le « que » n’introduit pas une conséquence mais une justification. Et en la remplaçant par :
— Êtes-vous êtes si occupé qu’on ne vous voit plus ?
ne conseilleriez-vous pas le subjonctif (modifiant le sens) ou la virgule (permettant de conserver le sens ?)
— Êtes-vous êtes si occupé qu’on ne vous voie plus ?
— Êtes-vous êtes si occupé, qu’on ne vous voit plus ?

Et surtout, comment appliqueriez-vous cette possibilité de l’indicatif à la phrase soumise par veronikan ? Je crois que c’est possible, mais je voudrais voir la phrase, et les aménagements que vous y ferez. Personnellement, en exagérant, je passerais la justification au passé composé, je remplacerais le « peut-il y avoir » par « y a-t-il », je mettrais un complément ou un autre séparateur derrière « inquiétant », et je mettrais une virgule.
— Qu’y a-t-il de si inquiétant ici, que cela t’a mis dans un tel état ?

3/ Sur quoi porte la question ?

[Ici une démonstration avec le « que » de conséquence et le subjonctif, mais on peut l’adapter avec le « que » d’explication et l’indicatif]
* avec « si… que » la question porte généralement sur la corrélation :
— Fait-il si froid qu’on ne puisse sortir ?
* avec un autre adverbe et une virgule, la question porte d’abord sur la première partie de la phrase :
— Fait-il encore froid, qu’on ne puisse sortir ?
C’est ainsi que dans les trois exemples proposés par mis-en-trope, la question porte sur la première partie de la phrase, et non sur la corrélation, la fin de la phrase n’étant qu’un complément.
Je pense que l’évolution de l’adverbe de degré « si » associé à la conjonction « que » peut rendre difficile son utilisation non corrélative. Elle reste possible, mais avec des précautions (complément, adverbe, ponctuation…)
— Fait-il réellement si froid dans ce pays, qu’on ne puisse sortir ?

4/ Le caractère désuet de cette tournure

Les tournures que nous présente mis-en-trope sont certes peu scolaires, mais elles sont parfaites. On peut trouver, comme Evinrude, que c’est désuet, mais il faut voir que c’est également très contemporain.
— Tu te prends donc pour mon père, que tu me parles comme ça ?
— Tu es si fier, que tu ne dises jamais bonjour ?
— Tu es si fier, que tu ne dis jamais bonjour ?
Le « que » de conséquence entraîne le subjonctif.
— Tu es si fier, que tu ne dises jamais bonjour ? = Es-tu tellement fier ? Et cette fierté entraîne-t-elle que tu ne dises jamais bonjour ?
Un « que » de justification entraîne l’indicatif.
— Tu es si fier, que tu ne dis jamais bonjour ? Es-tu tellement fier ? Est-ce pour cela que tu ne dis jamais bonjour ?
Si l’on veut bien considérer que les gens fiers ne disent pas bonjour et que les gens qui ne disent pas bonjour sont des gens fiers, le rapport de causalité n’est pas si net.
[Note : Je pense qu’il est mouillé, car il pleut. Je pense qu’il pleut, car il est mouillé. La première approche est une déduction. La deuxième approche est une abduction. Les deux approches sont des approches de causalité. Sous forme de question, l’indicatif convient à la réalité première, celle sur laquelle s’appuie l’autre, et le subjonctif à la réalité conséquente. On peut, pour introduire une chronologie de la pensée, parler de fait + justification ou de fait + conséquence.]
Dans ces versions contemporaines, le subjonctif et l’indicatif sont valides, avec leurs nuances. C’est du Proust, c’est du bon sens, c’est de la logique, c’est du très bon français.
Le vrai problème est la petite normativité étroite et simplificatrice qui s’interpose entre le génie de la langue de nos écrivains et le génie de la langue dans ses usages encore populaires.
Quand on aura pendu la dernière fonctionnaire du Ministère de l’éducation nationale avec les tripes du dernier rédacteur du Manuel du français correct dans l’administration, on retrouvera toute la richesse du français, heureusement conservée dans nos livres, nos campagnes et nos banlieues.

5/ Et mis-en-trope, pour le vote négatif attribué à votre réponse, c’est normal. Tant que vous citerez des auteurs ou des usages, tant que vous n’édicterez pas des règles soviétiques comme « pas de rais après si », « pas d’indicatif après ceci », « cette phrase est fautive », « la concordance des temps est obligatoire », « cette idée est inappropriée », vous perdrez des points, et vous vous finirez par partir ou être exclu ; on supprimera vos questions (comme pour les bords de la route qui vous ont pourtant intéressé), on mettra vos points à zéro (ChristianF)… c’est normal, c’est l’usage ici, ne vous inquiétez pas.

Nicola Érudit Répondu le 7 janvier 2020

Bonjour à tous,
merci beaucoup pour toutes vos réponses qui m’éclairent sur les raisons de mon indécision. Je n’avais notamment  pas conscience de l’importance du registre de langue dans ce cas. Sans parler des autres aspects, bien sûr 🙂
Bien cordialement,
Veronikan

veronikan Amateur éclairé Répondu le 7 janvier 2020

Je ne crois pas que les propos (qui se veulent) humiliants ou l’ironie soient constructifs. Pour ce qui est de cette dernière, ce que je trouvais intéressant dans cet exemple, c’est de voir comment le il ne luy pouvoit venir dire  du texte en ancien français avait été restitué en français moderne.
Mais on trouve ce que conjonctif employé seul (suivi d’un indicatif le cas échéant) pour introduire une circonstancielle (de but, de cause, de temps…) dans des textes tout à fait de notre époque.

D’ailleurs,  cet emploi de que seul est attesté par n’importe quel dictionnaire (dont la 9e édition de l’Académie) ou encore le TLFi que j’ai précédemment cité, et dont je mets ci-dessous l’extrait qui intéresse tout particulièrement la phrase de veronikan :

phil-en-trope Grand maître Répondu le 8 janvier 2020

Que peut-il y avoir de si inquiétant que cela  te met/mette dans un tel état ? Cette phrase est syntaxiquement incorrecte.

Qu’y a-t-il d’inquiétant (ou de si inquiétant) pour que tu sois dans un tel état ?
Que peut-il y avoir de si inquiétant pour te mettre dans un tel état ?

joelle Grand maître Répondu le 5 janvier 2020

Chers Veronikan et Evinrude,

Désolée de ne vous répondre que maintenant, je n’avais pas vu le commentaire d’Evinrude au milieu de tout ce fatras d’inepties infantiles.

Que peut-il y avoir de si inquiétant POUR que cela te METTE dans un tel état ?

En effet, comme l’explique très bien Joëlle dans son commentaire à Nicola, « que » n’est pas ici un pronom relatif, et ne peut donc pas être employé comme tel.
Ici il s’agit de la locution « pour que« . « Pour » est donc indispensable, car il détermine la cause de son état d’inquiétude.

Cathy Lévy Grand maître Répondu le 8 janvier 2020

Ah ! Vous voyez la proposition « que cela…. état » comme une causale. Je vais y réfléchir, mais j’y vois plutôt une subordonnée de conséquence.  « Que » est ici la deuxième partie d’une locution conjonctive exprimant la conséquence : si… que.

le 10 janvier 2020.

Avec « au point que » introduisant un degré de conséquence, c’est plutôt l’indicatif à la forme affirmative et le subjonctif à la forme interrogative.
– C’était très inquiétant, au point qu’il est venu me déranger.
– Est-ce vraiment inquiétant, au point qu’il vienne me déranger ?

En mettant l’adverbe de degré relatif dans la question, on n’est pas obligé d’introduire la conséquence par un autre adverbe, on peut supprimer « au point ».
– Est-ce tellement inquiétant, au point qu’il vienne me déranger ?
– Est-ce tellement inquiétant, qu’il vienne ainsi me déranger ? (l’adverbe « ainsi » aide à voir qu’on parle d’une conséquence)

Mais en supprimant « au point » pour ne conserver qu’un « que » de conséquence, la virgule est importante, vous devez l’ajouter, pour montrer que la dernière proposition ne dépend pas de l’adjectif « inquiétant » mais de la question « est-ce si inquiétant ». On ne demande pas « est-ce inquiétant qu’il vienne ? » mais « est-ce si inquiétant, au point qu’il vienne ? ».

Ce qui donne :
– Est-ce inquiétant(,) au point qu’il vienne me déranger ?
– Est-ce à ce point inquiétant, qu’il vienne ainsi me déranger ?
– Est-ce si inquiétant, qu’il vienne ainsi me déranger ?
– Qu’y a-t-il de si inquiétant, qu’il vienne me déranger ?
– Qu’y a-t-il d’inquiétant au point que cela te mette dans un tel état ?
– Qu’y a-t-il d’à ce point inquiétant, que cela te mette dans un tel état ?
Qu’y a-t-il de si inquiétant, que cela te mette dans un tel état ?

Nicola Érudit Répondu le 5 janvier 2020

Je ne pense pas que votre dernière phrase en gras soit correcte.
« Que » n’est pas un pronom relatif car il n’y a pas de nom commun (le fait que tu me relates est inquiétant) ; ce n’est pas une conjonction rattachée à un verbe comme une complétive (je ne pense pas que tu t’inquiètes) ; il n’est pas intégré à une conjonction (pour que, afin que…).
==>Qu’y a-t-il de si inquiétant, pour que tu sois dans un tel état ?

le 5 janvier 2020.

À mon sens, le subjonctif s’impose dans votre phrase, et il manque « pour« , afin que la tournure soit correcte.
Ma suggestion :
Que peut-il y avoir de si inquiétant POUR que cela  te METTE dans un tel état ?

Cathy Lévy Grand maître Répondu le 6 janvier 2020

On est bien d’accord.

le 6 janvier 2020.

Je ne pense pas que « pour » soit indispensable.

le 6 janvier 2020.

Cela vous regarde Evinrude, en tout cas Joëlle et moi sommes d’accord sur ce point…

le 6 janvier 2020.

Bien sûr Cathy. Mais vous voyant toutes deux si affirmatives, je voudrais simplement comprendre pourquoi vous estimez ce « pour » indispensable.

le 6 janvier 2020.

Evinrude, vous avez raison. Il ne faut pas être affirmatif car la matière est trop complexe. Pour ma part, je ne m’appuie pas toujours sur des références très pointues mais sur une pratique courante de la langue. Par ailleurs, il ne suffit pas de trouver la référence une fois chez un auteur pour que l’expression soit audible ou conseillée.

le 8 janvier 2020.

Certes Joëlle, je m’appuie aussi sur mon « oreille » pour me faire une opinion. Mais en général, surtout avant d’émettre un avis différent, je cherche à appuyer mes dires, sans pour autant noyer ma réponse sous les citations.

le 10 janvier 2020.

Nicola, merci pour ce très intéressant et dense commentaire.

La distinction que vous faites entre indicatif / justification et subjonctif / conséquence est séduisante et très possiblement pertinente, néanmoins, je dois avouer que pour le moment je ne la ressens pas (ce qui n’a évidemment rien de déterminant, c’est simplement ma perception actuelle, qui peut tout à fait évoluer).

Je me demande si on n’est pas ici dans un de ces cas où l’alternance indicatif / subjonctif est relativement neutre, comme dans par exemple :

C’est le meilleur film qu’il a vu.
C’est le meilleur film qu’il ait vu.

Et contrairement à d’autres où elle apporte une vraie différence de sens, comme dans par exemple :

Je cherche un chien qui a les yeux vairons.
= ce chien existe, c’est le mien, je l’ai perdu, je le recherche (l’auriez-vous vu ?)

Je cherche un chien qui ait les yeux vairons.
= souhait + incertitude sur l’existence d’un tel chien (en connaissez-vous un ?)

 

D’ailleurs, dans deux traductions différentes (la première du milieu du XVIIe, la seconde, de deux siècles plus tard) d’un même texte écrit en ancien français datant de la fin du XVe, on trouve le subjonctif et l’indicatif :

Comment, le Roy est-il si malade qu’il ne puisse / ne peut venir dire ce qu’il veu(l)t ?
(Et la version originale (ou la plus proche de l’originale) : Comment, le roy est il si fort malade que il ne luy pouvoit venir dire ce qu’il veult ?)

 

(Intéressant, votre point 5/)

phil-en-trope Grand maître Répondu le 8 janvier 2020

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